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Agression policière contre la communauté de Cruztón dans les Altos de Chiapas

Communiqués de la communauté et témoignage des observateurs internationaux

samedi 26 juillet 2008

Communauté de Cruztón, commune de Venustiano Carranza, État de Chiapas, Mexique.

Le 22 juillet 2008.

Au CCRI-CG de l’EZLN,
Au conseil de bon gouvernement de la région des Altos de Chiapas,
À la Zezta internationale,
À l’Autre Campagne,
Aux moyens de communication alternatifs,
Aux organisations non gouvernementales des droits humains,

Compañeras et compañeros,

Nous nous adressons à vous pour dénoncer les faits survenus ce 22 juillet, à 7 h 30, quand vingt-huit familles adhérentes à l’Autre Campagne et deux familles des bases de soutien zapatistes de la communauté de Cruztón s’apprêtaient à nettoyer leur source d’eau et leurs champs, en présence de compañeros de l’Autre Jovel, observateurs invités.

Les policiers à l'assaut de la communauté de CruztonÀ 8 h 20, six membres de la police chiapanèque préventive, appartenant à un détachement dont le campement est installé sur des terres qui nous reviennent légitimement, ont commencé à se déployer pour encercler un groupe de plusieurs femmes de notre communauté chargées d’assurer la sécurité des compañeros. Les policiers se sont mis à menacer ces femmes, en leur demandant sans ménagement « ce qu’elles foutaient là » et en les menaçant d’aller chercher des renforts pour arrêter sur-le-champ les personnes qui étaient « sous mandats d’arrêt ». Ils leur ont aussi dit qu’ils allaient appréhender quiconque provoquerait un affrontement. Nos compañeras leur ont répondu qu’elles ne faisaient que nettoyer la source d’eau potable et nos milpas et leur ont demandé de nous laisser tranquilles. Nos compañeros ont donc pu poursuivre le travail.

Plus tard, à 12 h 30, ayant terminé leur travaux de nettoyage, les compañeros et compañeras sont repartis chez eux, seuls quelques compañeros sont demeurés aux abords de la communauté pour surveiller les alentours.

À 14 h 30, les compañeros placés en surveillance nous ont prévenus que quatre véhicules de patrouille de la police préventive chiapanèque s’approchaient. Ils se sont garés à l’entrée de notre propriété et environ trente policiers en sont descendus, qui se sont dispersés pour couvrir tout le domaine et se diriger vers notre communauté. Ils étaient accompagnés d’un groupe de priistes venant du prétendu ejido San José Cerro Grande I.

Prévenus par nos compañeros de la présence de la police, environ cinquante compañeros, femmes et hommes, se sont immédiatement rendus sur place pour voir ce qui se passait. Peu après, nous avons aperçu tous les policiers monter sur la colline d’où nous surveillons les lieux, en compagnie d’une personne en civil que nous savons être le procureur du district central du secrétariat à la Justice du Chiapas, dont le nom est Carboney et dont la plaque d’identification porte le numéro CR1420. Nous le savons parce qu’il a perdu ses papiers en s’en prenant à nos compañeros qui se débattaient parce qu’on voulait les arrêter. Les priistes sont restés au pied de la colline.

Aussitôt après, les agents de police ont encerclé nos compañeros et compañeras et exigé qu’ils leur remettent nos appareils photo et nos radiotransmetteurs. Ils exigeaient aussi que nous éteignions nos caméras vidéo parce qu’ils ne voulaient pas être filmés, ce qui nous a confirmé qu’ils étaient venus avec de mauvaises intentions. Voyant que nous refusions de leur remettre notre matériel, les policiers et en particulier le procureur se sont mis à nous agresser violemment.

Les policiers ont tenté d’arracher la caméra vidéo à une de nos compañeras, qui s’y est vaillamment opposée. Ils ont aussi commencé à user de violence pour s’emparer des autres compañeros et compañeras et ont appréhendé sans autre forme de procès le compañero Víctor Manuel Escobar, de l’Autre Jovel, qu’ils ont frappé et emmené sans ménagement dans leur camp. Nous avons pu savoir qu’il était retenu à Tuxtla Gutiérrez et qu’il n’a pas été relâché.

Les femmes de Cruzton empêchent l'arrestation d'un observateurIls ont aussi essayé d’arrêter d’autres compañeros, qui ont réussi à leur échapper, ils ont frappé d’autres compañeros et compañeras, tandis que le compañero Adulfo Pérez Vázquez, poussé en bas de la colline par les coups que lui assénait le procureur Carboney, a été blessé à la tête dans sa chute.

Nos compañeros et compañeras ont alors vraiment commencé à se défendre, jusqu’à ce que la police se retire. En descendant la colline, les agents ont tiré au moins sept grenades de gaz lacrymogène sur les compañeros et les compañeras restés sur les hauteurs, plusieurs membres de notre communauté ressentant la brûlure du gaz dans les yeux, et notamment notre jeune compañera Julia, qui a été grièvement affectée aux yeux et à la gorge.

En raison de tous les faits que nous venons de dénoncer, nous exigeons du mauvais gouvernement :

- le respect de nos droits et l’ordre de retrait immédiat de la police chiapanèque préventive de nos terres ;
- le départ immédiat de notre propriété des personnes membres du prétendu ejido San José Cerro Grande I ;
- la libération immédiate de notre compañero Víctor Manuel Escobar, adhérent à l’Autre Campagne ;
- que l’on cesse d’endommager notre propriété et notre source et que l’on procède à la réparation de tous les dégâts commis jusqu’ici.

Respectueusement, compañeros et compañeras,

La Communauté de Cruztón
Des adhérents à l’Autre Campagne

Communauté de Cruztón, commune de Venustiano Carranza, Chiapas, Mexique.

Au CCRI-CG de l’EZLN,
Au conseil de bon gouvernement de la région des Altos de Chiapas,
À la Zezta internationale,
À l’Autre Campagne,
Aux moyens de communication alternatifs,
Aux organisations non gouvernementales des droits humains,

Le 24 juillet 2008.

Compañeras et compañeros,

Nous vous informons des derniers développements dans notre communauté relatifs aux faits que nous avons rapportés antérieurement, dans notre communiqué du 22 juillet. Vous vous rappellerez que plusieurs compañeras et compañeros ont été agressés par des membres des forces de police alors qu’ils s’apprêtaient à nettoyer une source et des champs leur appartenant, en présence de compañeros observateurs de l’Autre Jovel.

Bref rappel des faits : revenus dans notre communauté après avoir achevé notre travail, des compañeros chargés de surveiller les alentours nous ont prévenus que trente-cinq agents de police entraient sur notre propriété. Accourus voir ce qui se passait, nous avons trouvé les policiers dans une parcelle n’appartenant pas au domaine dont nous réclamons la propriété ; ils ont gravi la colline d’où nous les observions et ont aussitôt arrêté notre compañero Víctor Manuel Escobar, de l’Autre Jovel. Nous nous sommes demandé ce que faisait sur place le procureur Carboney, du ministère public, et dont la plaque d’identification porte le numéro CR1420, donnant des ordres pour nous faire tous arrêter alors que ce sont les agents qui nous ont attaqués et brutalisés. La brutalité et l’arbitraire avec lesquels ont procédé les agents et le procureur sont évidents, nous en avons les preuves filmées. Outre cette agression, plusieurs compañeros sont blessés : notre compañero Adulfo Pérez Vázquez a été blessé à la tête parce qu’il a été poussé du haut de la colline, d’une vingtaine de mètres de hauteur, par le procureur ; notre compañera Julia Morales Gómez a été grièvement affectée aux yeux et à la gorge par les grenades au gaz lacrymogène tirées par la police ; le compañero Raymundo Pérez Vázquez est blessé à la paume de la main ; le compañero Jorge Pérez Vázquez a été brutalement frappé par les agents et présente des hématomes, et notre compañera Josefa Gómez Álvarez présente des hématomes et des éraflures au bras.

Nous tenons à vous dire que, grâce à votre soutien à tous et à toutes, hier, le 23 juillet, vers 4 heures du matin, trois patrouilles de la police préventive chiapanèque sont venues lever le camp établi dans notre propriété et se sont retirées. À l’aube, nous avons constaté qu’aussi bien la police que les priistes avaient déserté notre propriété.

Nous tenons à dénoncer également le fait que notre compañero Víctor Manuel Escobar, de l’Autre Jovel, brutalement arrêté par les agents de police dans notre communauté, est resté privé de liberté dans la maison d’arrêt de la commune de Chiapa de Corzo jusqu’à aujourd’hui, 24 juillet, date à laquelle il a été relâché, grâce à l’activité déployée en coordination par les compañeros du Centre Fray Bartolomé et de l’Autre Jovel.

Les communautés voisines de la nôtre nous ont rapporté que plusieurs convois de l’armée fédérale se trouvent stationnées à la Bodega de Guadalupe Victoria et dans le domaine Gran Poder de la commune Nicolás Ruiz, et que les soldats font courir la rumeur selon laquelle ils vont effectuer une incursion dans notre communauté.

Nous exigeons que soient punis les policiers qui ont participé à l’agression perpétrée le 22 juillet, de même que le procureur du ministère public Carboney, qui a participé directement à cette agression et donné en personne l’ordre de nous brutaliser et de nous arrêter.

Compañeras et compañeros, nous vous demandons de rester vigilants et de suivre de près la suite des événements car nous avons plus que jamais besoin de votre soutien pour faire respecter et protéger nos droits. Nous voudrions profiter de cette occasion pour vous remercier de la solidarité que vous nous avez manifestée durant toute la lutte pour le respect de notre terre et de notre territoire.

Respectueusement,

La Communauté de Cruztón
Des adhérents à l’Autre Campagne

Communiqués traduits par Ángel Caído.
Témoignage des observateurs internationaux

Cruztón, communauté indigène du Chiapas, Mexique, le 22 juillet 2008.

Nous sommes un groupe d’observateurs internationaux des droits de l’homme, des adhérents à La Otra Campaña et les hommes et femmes de la communauté de Cruztón. Il est 7 h 30 lorsque nous nous dirigeons vers les champs de maïs pour que les hommes puissent travailler sur leurs terres et nettoyer leur source d’eau. Notre présence est nécessaire à ce travail, puisqu’il y a eu des cas d’agression antérieurs. Notre fonction consiste donc à observer et à établir la documentation sur les agressions et violations des droits de l’homme qui peuvent avoir lieu.

En arrivant dans le champ, nous nous divisons en trois groupes : un avec les travailleurs qui nettoient la source puis le champ et deux autres groupes partent avec les femmes, entre les paysans et le campement de policiers et civils (des partisans du PRI - parti autocratique au pouvoir durant plus de sept décennies - de la communauté de San José Cerro Grande I qui revendiquent la propriété de ces terres).

À 8 h 20, un groupe de policiers se rapproche du premier groupe de femmes pour demander le motif de notre présence dans le champ. Les compañeras et compañeros répondent qu’ils sont seulement venus nettoyer : « Nous sommes seulement venus travailler, nous ne venons agresser personne et demandons à être respectés. » Ce à quoi un policier répond : « C’est un pays libre dans lequel il n’est pas interdit de passer », et explique que sa fonction est seulement la protection et d’éviter les affrontements entre les paysans. En même temps, un autre policier demande les noms des personnes et dit : « Nous allons voir si quelqu’un a un ordre d’arrestation. » Peu après, des hélicoptères arrivent en renfort.

La matinée se déroule ensuite sans incident supplémentaire et les hommes ont pu nettoyer la source et travailler sur le champ de maïs. À 12 h 30, la journée de travail achevée, nous nous regroupons pour aller nous reposer. Peu après, avertis de l’arrivée des renforts de police, nous décidons de revenir rapidement à la communauté pour éviter tout type d’affrontement ou de confrontation.

Dans la communauté, alors que nous mangeons, à 14 h 30, on nous apprend que des policiers se rapprochent et les paysans demandent notre présence. Nous allons donc à l’observatoire, une butte en hauteur près des champs, mais sur le territoire de la communauté. De ce point, nous voyons que de nombreux policiers rôdent autour de la butte et prennent position. Ils sont accompagnés de civils et de l’avocat général du district central (Fiscal del Distrito Centro). Le commandant de la police nous informe de la présence d’un membre du ministère de la Justice et demande si quelqu’un veut descendre parler avec lui, mais il se décide que non. Les policiers portent des armes ainsi que des caméras vidéo avec lesquelles ils nous filment.

À 15 heures pile, l’avocat général donne l’ordre aux policiers de se regrouper et de monter sur la butte. Alors qu’ils commencent à monter, le commandant crie : « Attrapez les gringos ! » Devant la menace - qui, nous supposions, nous était destinée -, nous commençons à nous retirer, mais nous n’en avons pas tous le temps : ils attrapent alors Victor Manuel Escobar et un second observateur. Victor Manuel se trouve debout, les mains en l’air, et explique que nous sommes ici pacifiquement, mais les policiers l’emmènent sans qu’il oppose la moindre résistance. Il est précisément 15 h 05.

Alors qu’ils emmènent Victor Manuel, l’avocat général continue de donner l’ordre d’arrêter les observateurs et de leur prendre les caméras vidéo et les appareils photo. Les femmes demandent le pourquoi de sa présence à l’avocat général, qui répond énervé : « Vous n’auriez pas dû mêler les gringos à ça ! » À ce moment-là, il se met à agresser les gens de la communauté et les observateurs, les poussant jusqu’aux policiers pour qu’ils les arrêtent. Peu après, l’avocat général prend une pelle qui était par terre et commence à frapper une personne de la communauté qui tombe sans défense. Une autre personne de la communauté attrape l’avocat général pour empêcher l’agression, mais celui-ci glisse et tous deux tombent de la butte en roulant sur le coteau. Les femmes de la communauté se rapprochent alors des policiers, tentant de dialoguer pour éviter qu’ils arrêtent plus de gens, mais les policiers cernaient tous les observateurs se trouvant sur les lieux. En voyant la chute de l’avocat général les gens sont préoccupés par l’arrestation de Victor Manuel Escobar, un observateur. Le commandant voulant alors calmer la situation entreprend de dialoguer, affirmant que, en échange de la radio qu’ils avaient perdue, « nous vous rendrons les hommes », alors que le reste des policiers reculent lentement. Voyant cela, la communauté comprend qu’ils ne vont pas faire ce qu’ils disent. Les policiers reculent jusqu’en bas de la butte et les gens de la communauté crient « Rendez-nous notre compañero ! ». Le commandant, en réponse, prend l’arme d’un policier et se met à tirer. Nous commençons tous à courir avant de nous apercevoir que ce sont des gaz lacrymogènes : brûlure des yeux, du visage et de la gorge. Nous avons compté environ neuf tirs et retrouvé sept cartouches de gaz.

Pour finir, nous les entendons tirer en l’air.

Les observateurs et observatrices des droits de l’homme présents et des adhérents à La Otra Campaña

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