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Bure : fête du solstice d’hiver

lundi 26 décembre 2016, par Bure résistance

Témoignage d’un ami venu le temps d’un week-end s’ensauvager dans le bois Lejuc, à Bure.

C’était la fête du solstice d’hiver et la joie fut contagieuse.

Quel bonheur, après avoir galéré dans un brouillard à couper au couteau pendant une heure, d’arriver en pleine nuit dans la forêt occupée par les valeureuses et valeureux résistant·e·s et de pouvoir se réchauffer autour d’un bon feu de camp, entouré par rien que des bonnes gueules. Des bonnes gueules prêtes à chanter, à boire, à dévorer la bonne bouffe apportée par tout le monde et à hurler de rage si l’ennemi se présente, des bonnes gueules c’est qu’il y en a des dizaines et des dizaines dans cette forêt magique, occupée maintenant depuis six mois, à la grande rage de l’Andra [1], des industriels du nucléaire, des pouvoirs publics et des élus locaux à leur service.

Bon dieu que ça fait plaisir de continuer à leur damer le pion !

Je suis accueilli par un bon punch maison qui me met tout de suite dans l’ambiance. Et après on cause ! Et avec nous, leur société pourrie en prend un coup ! Ici les gens viennent de partout, de près et de loin. Outre les locaux, il y a des gens de toute la France mais aussi d’ailleurs… Bref des êtres humains qui n’en ont rien à foutre des frontières et qui sont là pour lutter contre la pire horreur jamais imaginée par le capitalisme : enfouir les déchets hautement radioactifs à 400 mètres sous terre !

La pire horreur car le poison qu’on va mettre là, personne ne sait ni quand ni comment, par quels chemins, par quels interstices il va revenir dans la gueule de la planète, personne ne sait quelle sera l’immensité des dégâts qu’il va produire ce poison, sur les végétaux, sur les animaux sur les êtres humains et où ça ? Où se cacher ? Va-t-il ressortir à l’est, à l’ouest, en Champagne, en région parisienne, à Nancy, partout ?

La seule chose qu’on sait, c’est qu’il reviendra, peut-être même demain, et que cette fois-ci, on n’aura plus aucune chance de contrôler quoi que ce soit. Alors on lutte. Et on luttera jusqu’au bout du bout. Car s’il n’y a pas de bonne solution avec le nucléaire, la pire du pire du pire, c’est bel et bien l’enfouissement et l’abandon de l’espoir.

Et ce qui est beau c’est que les gens s’installent, dans la forêt mais aussi tout autour, à la maison de la résistance, à la gare, dans des logements loués ou achetés, certains disent qu’ils viennent pour six mois, d’autres pour un an, d’autres pour huit jours, d’autres pour toujours, on s’en fout, on est tou·te·s là, de plus en plus nombreux·ses et on va gagner. On va gagner parce qu’on a l’enthousiasme et la rage alors que les salopard·e·s d’en face n’ont que leur pouvoir et leur pognon (et ils en ont de moins en moins du pognon vu qu’EDF et Areva sont au bord de la faillite).

Bon, cela dit, c’était la fête du solstice, il faisait froid et on voulait montrer que rien ne pouvait nous arrêter, ni le froid, ni le brouillard, ni la pluie. C’est pour ça qu’on était des dizaines et des dizaines. En soutien aux courageuses et courageux permanent·e·s de la forêt. Moi je voulais dormir en haut d’un arbre à 25 ou 30 mètres de haut (il y a plein de cabanes), c’était mon rêve, mais bon, vu que j’avais jamais grimpé, on m’a déconseillé d’essayer en pleine nuit. Alors sagement, j’ai dormi à la Communale, c’est une chouette maison au sol tout en palettes (voir photo ci-dessus) d’où l’on peut voir les étoiles quand il y en a. Bien emmitouflé et après le schnaps, un très très bon ami à côté de moi pour tchatcher et refaire le monde, juste rien que du bonheur.

Le matin grasse matinée bien méritée, levée du corps à 10 heures, et extraordinaire petit déjeuner au boudin noir et blanc sur le grill. Après : essai de grimpe (voir photo de l’objectif, ci-dessous) mais pitoyable échec pour moi, encore moins souple qu’un bout de bois. Mais je reviendrai habillé comme il faut !

Ça fait rien, quand on repart de Bure, on a des étoiles plein les yeux, et on sait, on sent que le monde peut changer ! Pas seulement ici à Bure mais partout parce que nous sommes des millions à le vouloir. Allez y faire un tour vous verrez comme c’est bien, on peut y passer pour le nouvel an (il y a une fête) et tous les week-ends.

Vive la lutte ! Vive l’espoir !
À bas le capitalisme ! À bas leurs projets pourris ! À bas les frontières !
À bas les murs (il est toujours par terre, comme le symbole de leur déconfiture) !
Et à bas Cigéo [2] !

Source : Plus Bure sera leur chute…

Notes

[1Andra : Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

[2Cigéo : Centre industriel de stockage géologique.

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