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Chiapas 2000 : la stratégie de l’ombre

mercredi 22 novembre 2000, par Gilberto López y Rivas

Un des conflits les plus chauds du prochain gouvernement fédéral mené par Vicente Fox sera, sans doute, celui qui se joue au Chiapas. La manière dont Fox et son équipe décideront d’y faire face renseignera sur la tendance sociale, idéologique et politique de cette nouvelle administration.

Pour cela, nous faisons connaître à l’opinion publique un document qui est récemment passé entre mes mains, intitulé « Chiapas 2000 », où sont décrites les stratégies de communication et politico-militaires, par lesquelles Vicente Fox compte endiguer le conflit existant entre l’EZLN et le gouvernement fédéral.

Les sujets principaux du document sont :

1. Faire connaître les antécédents qui expliquent l’origine de la lutte armée dans le sud-est du pays, ainsi que les caractéristiques des divers acteurs impliqués, à partir des informations des services de renseignement du ministère de l’intérieur de 1983 ;

2. Mettre en place une solution pour désactiver l’influence politique qu’ont dans la région le diocèse de San Cristóbal et l’EZLN, tout comme le prochain gouvernement de l’État du Chiapas dirigé par Pablo Salazar ;

3. Négocier avec la « famille chiapanèque » cacicale la « disparition » des groupes paramilitaires et leur reconversion en polices privées avec un statut légal ;

4. Effectuer un déplacement tactique de l’armée (mais en la laissant comme soutien stratégique et dans son travail d’intelligence militaire), tout en la remplaçant par des corps d’élite de la police ;

5. Décrédibiliser l’EZLN en tant que « représentant moral de toutes les ethnies de l’État ».

À partir de la stratégie de communication par laquelle « on fait savoir ce que les gens veulent et surtout doivent savoir » se développent divers exemples de ce qu’ils nomment « le discours inverse », ce qui permettra, tout en ayant des intentions à caractère social et philanthropique, « de mettre de côté, subtilement mais fermement, l’EZLN » et aussi « le jeu de Pablo Salazar, qui prétend faire sienne la solution du conflit », précisant que Fox en aura le mérite. On devra faire savoir que les programmes d’aides sont mis en place « par la volonté du président de la République, pour répondre aux justes demandes des frères indiens du Chiapas », et non pas par pression de l’EZLN.

« Inverser le discours permettra au gouvernement de mettre en place la réforme judiciaire dans tout le pays - pas uniquement pour l’État du Chiapas - (...) et de pouvoir manipuler plus aisément les chiffres des statistiques. Ces deux éléments permettront au président élu de proposer une solution reconnaissant que le Chiapas, comme d’autres régions du pays, vivent sous une économie de type colonial. Il faut les faire parvenir à une économie »soutenable« (sic) et leur permettre de mener avec aisance la réforme d’État où on trouvera la solution pour relier les systèmes politiques indigènes et leurs us et coutumes, avec ceux des gouvernements. »

Il est planifié que la communication repose sur les médias, principalement audiovisuels, et de suivre la même stratégie que celle du subcomandante Marcos, en utilisant Internet pour atteindre l’opinion publique internationale et nationale. Il est aussi prévu de trouver entre les journalistes importants ceux qui sont inconditionnels de la politique gouvernementale.

Suit une liste de onze groupes paramilitaires, ou guardias blancas, identifiés dans la zone de conflit, avec les noms des principaux leaders, la plupart étant liés au PRI et à des fonctionnaires d’État ou fédéraux. (Pour lesquels les « hommes du président » élu cherchent à faire passer une loi d’amnistie, grâce à laquelle resteront impunis tous les crimes perpétrés par les groupes paramilitaires.)

Cependant, le plus important de cette partie du document, sur les conflits politiques qui peuvent se résoudre, se réfère à la marche à suivre pour annihiler l’EZLN. Il est proposé d’établir un lien entre l’EZLN, et plus particulièrement le sous-commandant Marcos, avec le narcotrafic, de manière à ce qu’il paraisse devant l’opinion publique comme un trafiquant envers qui il sera beaucoup plus facile de lancer un ordre d’appréhension, avec moins de pressions nationales et internationales.

Il est aussi suggéré la mise en place d’une politique d’assistance, par laquelle on fournit la santé, l’éducation et des projets productifs au communautés zapatistes. Par ce biais, il est prévu de mener à terme le désarmement du groupe insurgé en échangeant armes contre bétail et graines.

De tout ça, nous pouvons conclure qu’il y a un scénario qui se trame dans l’ombre, se déroulant pas à pas, et que la détention de seulement quelques-uns des dirigeants des groupes paramilitaires, parmi tous ceux souvent cités, en fait partie. L’autre chapitre du plan est le décret d’expropriation des terres communales de la communauté Amador Hernandez. Les fréquentes déclarations de Fox faisant part de sa « volonté politique » de résoudre le conflit par un chemin pacifique peuvent faire partie des « recommandations » que ses conseillés lui ont préparées. De cette manière, il n’existe pas la moindre volonté de reconnaître la différence qui donnerait une identité propre et particulière aux peuples indiens du Chiapas et du Mexique.

Gilberto López y Rivas
La Jornada, Mexico.

Traduction : Cecel.

P.-S.

Voir aussi : Carlos Fazio, Chiapas 2000 : le document secret de la stratégie de Fox, traduit par RISAL.

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