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De l’isoloir à l’isolement

lundi 3 avril 2017, par Déserteurs actifs

Ignorés et trompés pendant la durée d’une mandature, les électeurs sont appelés par les dirigeants politiques professionnels à venir s’isoler dans les bureaux de vote à l’occasion des élections présidentielle et législatives. Ils passent ainsi de l’isolement à l’isoloir avant d’être renvoyés à l’anonymat postélectoral.
Ils n’auront alors pratiquement plus aucune possibilité d’infléchir et de contrôler l’action politique si celle-ci ne correspond ni aux engagements pris avant l’élection ni à leurs attentes. Le bulletin de vote devient un faire-part de décès de la responsabilité individuelle et collective.

Chacun peut percevoir l’incontestable éloignement entre celui qui vote et celui qui est élu. Que dire alors de ce qui sépare l’élu des vrais centres de décision ? Chacun a bien compris que tout se décide autant dans les allées du Medef que dans celles du gouvernement, dans les conseils d’administration des entreprises les plus puissantes, au sein des banques les plus spéculatrices, à Bruxelles, à Francfort ou ailleurs. Là siègent les organisateurs non élus, non contrôlés et non contrôlables de la catastrophe sociale, écologique et morale dans laquelle s’enfoncent nos sociétés. Ce sont eux qui s’autorisent — sous la pression des banques qui détiennent la dette grecque — à prendre la décision de sabrer un pourtant maigre treizième mois de retraite octroyé aux Grecs les plus pauvres , au nom d’une orthodoxie financière à calibre variable qui profite aux plus puissants, dans les pays les plus puissants. Ainsi voit-on partout et depuis des années, quelle que soit leur appartenance politique, les dirigeants de ces pays faire acte d’allégeance au programme de désarmement social des salariés, de dérégulation et de casse des services publics, de mise en concurrence de tous avec tous.

La politique de l’inéluctable et celle de la peur s’associent sur fond techno-scientiste de promesses de progrès infinis et de nécessité économique incritiquable et donnée pour incontournable.

L’électeur est renvoyé à sa condition de citoyen impuissant et isolé par ce système de démocratie représentative qui donne un semblant de légitimité à des exécutants d’une politique décidée ailleurs. Voter un jour, c’est aussi démissionner cinq ans. Or, ce système a fait faillite mais de toute part on essaie de le sauver et de le faire perdurer. Les bouées de sauvetage portent le nom des radeaux d’où on les lance et des capitaines qui les gouvernent. Telle se nomme « démocratie participative » (on veut bien de votre avis mais la décision nous appartient), telle autre « référendum » (c’est nous qui posons la question, contentez-vous d’y répondre), telle encore « nouvelle Constitution » (vous participerez, par divers moyens, à sa légitimation avant son adoption). Au flanc d’autres bouées, on lit « tirage au sort », « candidat Facebook », « capitaine J’aime je vote », « amiral Tweet ». On y requiert une adhésion passive et ponctuelle au contraire d’une délibération régulière et collective, en face à face, par laquelle s’élaborerait un futur vivable.

La « belle défiance populaire » vis-à-vis de la gauche a poussé dans le camp de l’abstention un nombre grandissant d’électeurs désabusés par l’arrogance des professionnels de la politique, dégoutés par la corruption très équitablement répandue, par l’indigence de programmes ficelés au gré de sondages toujours plus aléatoires.

Les électeurs qui s’abstiennent sont tenus au mieux pour des pêcheurs à la ligne, apolitiques indifférents, au pire, accusés par un raisonnement tortueux de faire le jeu du Front national. Ce n’est pas l’abstention qui a fait le FN, c’est vingt ou trente ans de politique de gauche comme de droite caractérisée par l’incompréhension et l’indifférence aux difficultés rencontrées dans leur vie quotidienne par des millions de gens vivant souvent aux marges des grandes métropoles, la répression violente des luttes sociales, l’organisation volontaire de la précarité et de l’insécurité sociales.

Les forces à l’origine des conduites démissionnaires qui menèrent à l’élection de Chirac en 2002, nous enjoignent à présent de voter non plus POUR mais CONTRE. C’est-à-dire voter pour un représentant de ceux qui ont créé les conditions de la montée du FN et qui poursuivront allègrement ces politiques sans se soucier autrement des électeurs du FN pendant cinq ans. Ainsi en 2022 on pourra de nouveau nous menacer du Grand Méchant Loup afin de continuer indéfiniment la même tragicomédie désastreuse.

C’est pourquoi nous pensons que l’abstention ne doit pas rester passive qu’elle doit être un acte politique assumé, une expérience collective et publique, un boycott actif pour qu’ainsi naisse un nouveau rapport à la politique qui ne soit pas confisqué par des partis, par des professionnels, mais qui soit l’affaire de chacun et de tous.

Boycotter c’est délégitimer les élus et les experts, ne plus donner sa voix mais reprendre partout la parole et en particulier lorsque s’élèvent des résistances à la précarité programmée et à l’isolement, car les mouvements de résistance collective sont les seuls moments où les sirènes du FN se taisent.

Des déserteurs actifs
27 mars 2017.

Samedi 1er avril 2017 à Ménilmontant,
carnaval contre la mascarade électorale

Doc du réel

Messages

  • Bien dit, je suis bien d’accord avec tout ce développement. Sauf sur une petite chose : « une politique décidée ailleurs » et « les organisateurs non élus » : non, ce sont bien les gouvernements qui légifèrent et qui décident dans le sens qui favorise les possédants économiques, parce qu’ils ont les mêmes intérêts matériels et idéologiques qu’eux. Ceux qui n’ont pas ces objectifs n’arrivent jamais aux postes de pouvoir politique réel.

    Mais la question principale est celle-ci : qu’est-ce qui fait concrètement la différence entre un boycott et une simple abstention ? Quel(s) type(s) d’action(s) serait susceptible d’obtenir une large participation populaire et d’entamer une alternative à la mascarade électorale ?

    Merci et un salut solidaire,
    Annick

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