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De la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
à l’assemblée parisienne de la place de la République

jeudi 14 avril 2016, par ZAD

Retranscription d’une prise de parole d’habitant·e·s de la ZAD lors de l’assemblée de la Nuit debout parisienne du 11 avril 2016

Nous sommes venu·e·s à quelques personnes de Notre-Dame-des-Landes pour ressentir un peu de l’énergie inouïe qui s’est trouvée sur la place de la République. Comme vous le savez peut être, nous nous battons chez nous contre un projet d’aéroport mais aussi contre le monde qui va avec, qu’il se nomme aménagement du territoire, projet de loi travail ou État d’urgence. Nous nous battons aussi pour maintenir depuis plusieurs années une zone autonome, ouverte et contagieuse. Nous avons apporté ce soir quelques questions que nous souhaiterions partager ici depuis l’expérience de la zone à défendre. Ces questions nous tiennent à cœur parce qu’elles se sont posées à nous et que nous avons parfois su, au cours de ces dernières années, leur apporter des réponses fortes et victorieuses. Les questions ne sont jamais neutres et peuvent tout aussi bien être entendues comme des propositions. Nous savons pour autant que nous n’avons pas de recettes à apporter, que chaque situation nécessite de trouver son souffle et son inventivité propre et qu’il n’y a évidemment pas de simple copié/collé possible entre le bocage de Notre-Dame-des-Landes et la place de la République.

Notre première question se formulerait ainsi : qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire aujourd’hui de mettre réellement en échec un projet d’État et sa police, ses rouleaux compresseurs théoriques et ses tractopelles, ses stratégies médiatiques et ses leurres démocratiques ? Qu’est-ce que signifie tenir tête coûte que coûte ? Quelles déterminations, quelles patiences et quelles folies cela demande-t-il ? Quelles agrégations de manifestations, de sabotages, d’assemblées, de fêtes, de recours juridiques, de blocages et de barricades ? Qu’est-ce que gagner vraiment du terrain nécessite de dépassement des petites catégories idéologiques du pouvoir, celles par lesquelles ils cherchent constamment à nous diviser, celles de violents et de non-violents, de manifestants légitimes et de casseurs, de citoyens et de marginaux, de légaux et d’illégaux ? Toutes ces chausse-trapes que nous avons dû déjouer pour être encore là où nous sommes.

La seconde question tient aux formes d’organisation et à l’aptitude à la rencontre. Notre expérience est celle d’une lutte où se tiennent ensemble — non sans tensions mais avec passion — des associations et collectifs informels, des occupants illégaux et des paysans, des habitants du coin et des comités de partout. Nous sommes ici sur une place où se rassemblent chaque soir des milliers de personnes. Qu’est-ce qui peut bien faire qu’un ensemble d’individualités, d’entités que le pouvoir voudrait maintenir séparées, prenne corps et se métamorphose en communauté de lutte ? Dans quelle mesure une addition d’opinions et d’avis, de colères et d’expériences, aussi riche et multiples soient-elles, ne peuvent se transformer en force commune et trancher dans le réel qu’à partir du moment où elles sont constamment prises aussi dans un processus d’actions, de mise en jeu et de prises de risques ? Comment trouver des formes d’assemblées qui permettent réellement de s’écouter et de s’organiser sans mimer les arènes républicaines, sans que tout soit soumis à un ensemble de procédures bureaucratiques et de votes, sans chercher à tout prix le consensus et lisser les conflits ?

Une troisième question depuis les 2 000 hectares libérés où nous vivons au quotidien jusqu’à cette place en ébullition concerne la manière dont une occupation temporaire peut espérer se transformer durablement en commune libre. Comment se donner des espaces qui vaillent la peine d’être défendus, des espaces à partir desquels tenter de sortir de l’économie, du pouvoir des institutions et de la police, et ne vraiment plus les lâcher ? Comment habiter réellement une lutte ? Comment résister, attaquer et dans le même temps inventer concrètement d’autres formes de vie, de productions matérielles, d’autres imaginaires ?

Et pour finir : en quoi une lutte peut-elle en contenir tant d’autres et devenir absolument contagieuse ? Qu’est-ce qui peut et doit circuler entre les zones à défendre et les rues en révolte, la place de la République à Paris ou du Bouffais à Nantes, les jungles de Calais et les grévistes de General Electric ou de l’aéroport de Nantes-Atlantique ? Qu’est-ce qui n’est plus aujourd’hui une simple histoire de convergence des luttes mais de révolte qui se généralise contre l’ordre du monde ?

Quelques habitant·e·s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes

Source : Indymedia Nantes

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