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Oaxaca

Embuscade meurtrière du groupe paramilitaire MULT-PUP
contre les déplacés de la Commune autonome
de San Juan Copala

jeudi 21 octobre 2010, par David Cilia Olmos

Compañeros,

L’action concertée de nombreuses personnes au Mexique et dans d’autres parties du monde a réussi, jusqu’à présent, à sauver la vie de Jordán Ramírez González.

Le compañero Jordán Ramírez González a été l’une des dernières personnes à quitter San Juan Copala quand, le 19 septembre, le groupe de plus de 1 200 tueurs à gages au service du gouvernement de l’État d’Oaxaca a pris et rasé cette localité.

Jordán n’est pas sorti du village assiégé par les paramilitaires jusqu’à ce que le dernier des habitants du lieu soit en sûreté.

Une fois en exil forcé dans la communauté de Yosoyuxi, avec six enfants à protéger, il a commencé à construire une nouvelle maison, puisque la sienne à San Juan Copala était à présent aux mains du groupe MULT, organisation qui a finalement mis la main sur le village.

La semaine dernière, dans une interview pour La Jornada, Contralínea, Proceso et la journaliste Frida Guerrera, Jordán a fait savoir qu’il y avait un ordre d’assassinat contre lui à cause de sa participation à la défense de la Commune autonome.

Samedi dernier, alors qu’il était occupé à construire sa nouvelle maison, on l’a prévenu que sa grand-mère était gravement malade, aussi a-t-il décidé de se rendre à la communauté de Tierra Blanca pour la voir. Son beau-frère s’est proposé pour le conduire avec sa camionnette. Ainsi, Jordán, son épouse Teresa Ramírez Sánchez, enceinte de quatre mois et qui allait avoir trente-deux ans dans vingt jours, et leurs jeunes enfants Alexandra (quatre ans), Rafael Antonio (trois ans) et Efraín (deux ans en mars prochain), sont montés à l’arrière de la camionnette, ainsi que Domingo, l’oncle de Jordán. À l’avant se trouvaient Serafín Ubaldo Zurita et son épouse Virginia Ramírez.

Quelques minutes après leur départ, ils ont été arrêtés par les coups de feu d’un groupe de six tueurs qui se déplaçaient dans une camionnette Toyota blanche appartenant à un membre du MULT ; à Rastrojo, dans un virage à gauche, trois balles sont entrées par le pare-brise et d’autres par la fenêtre du copilote et par la carrosserie. Serafín Ubaldo, le conducteur, a tenté de faire demi-tour pour éviter les balles, mais ses efforts ont été vains, la camionnette est restée avec l’arrière au bord de la route, et la pluie de balles a continué. Le conducteur est descendu et a été assassiné ; Teresa, qui était assise sur le banc de bois de la camionnette au niveau de la roue arrière, a été assassinée dans le dos, Jordán a reçu une balle à la taille, et puis il a été rejoint ; alors qu’il était couché par terre, l’un des tueurs lui a donné le coup de grâce dans la tête.

Les faits se sont passés vers 1 heure de l’après-midi, et non à 5 ou 6 heures comme j’en avais informé précédemment. Il y avait encore bien des éléments à vérifier pour faire connaître ces faits. Le journal Noticias signale dans son édition en ligne que Domingo, l’oncle de Jordán, s’est jeté dans le ravin pour se protéger des balles ; c’est là qu’un peu plus tard l’a « trouvé » la police municipale, qui a réussi à localiser un survivant du massacre dans un ravin inhospitalier, mais n’a pas pu localiser les six tueurs.

Jordán, cependant, a survécu au coup de grâce, et des jeunes femmes de la Commune autonome ont essayé de le conduire à la clinique de la Sécurité sociale à Juxtlahuaca, mais un coup de téléphone les a prévenues que des gens du groupe de tueurs étaient postés aux abords de la clinique, et qu’en outre la police avait installé des barrages pour les retarder. Aussi a-t-il été transféré en lieu sûr dans le but de le protéger.

Vers la fin de l’après-midi, ces mesures ayant été prises, la tuerie a été dénoncée publiquement, en demandant des actions concrètes de la part de la Commission nationale des droits humains (CNDH), de la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH), de la Présidence de la République, etc., pour garantir la vie de Jordán. La CNDH a établi un rapport circonstancié, la CIDH a émis la recommandation de prendre toutes les mesures en faveur de Jordán, la Présidence de la République... Eh bien, vous savez parfaitement ce qu’a fait la célèbre Présidence de la République, ce n’est pas la peine que je vous le dise.

Parallèlement ont été montées deux opérations concrètes pour le sortir de la zone de danger et lui apporter l’assistance médicale requise ; l’une des deux équipes a réussi, et c’est ainsi que Jordán a été admis dans une clinique privée où il reçoit les soins nécessaires.

Le fils de Teresa et Jordán, Efraín – qui aura deux ans en mars, comme je l’ai dit –, survivant de l’embuscade, s’est réveillé ce matin avec une sévère infection des yeux, Rafael Antonio, trois ans, a au front deux blessures qui n’ont pas encore été soignées ; Alexandra, quatre ans, a un éclat de verre ou de métal incrusté dans le cuir chevelu, sur le pariétal gauche, et devant le manque de possibilités de soins médicaux, Frida Guerrero et moi avons essayé, sans succès, de le lui extraire. Orlando, neuf ans, Fidelfia, douze ans, et Maritel, treize ans, sont les autres enfants de Teresa et Jordán qui sont restés orphelins.

Aujourd’hui, nous avons assisté aux funérailles de Teresa à Yosuyuxi. Sa mère et son père ont parlé longuement avec elle, et lui ont expliqué en langue triqui un message dont ils lui demandaient d’être porteuse. Avant de fermer définitivement le cercueil, ils ont mis entre ses mains jointes sur sa poitrine le même message, écrit. Il y avait dessus les noms des assassins.

- Pour qui est ce message que Teresa a entre les mains ? ai-je demandé ému à un compañero triqui qui était à côté de moi. Pour Dieu ?

- Pour Dieu ou pour celui qui se trouvera là.

C’est ça, le Mexique.

Zone triqui, à 23 h 57 du lundi 18 octobre 2010.
David Cilia Olmos

Traduit par el Viejo.

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