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Fragments de la réalité (I)

dimanche 18 mai 2014, par SCI Marcos

Mai 2014.

Le petit jour… Il doit être vers les deux ou trois heures, allez savoir. Le silence résonne, ici, dans la réalité. Ai-je dit « le silence résonne » ? Mais oui, parce que par ici le silence possède un son bien à lui, semblable au bruit de scie des grillons, qui se répondent, en face, plus fort et à contretemps, tandis que d’autres encore restent constants, en contrebas. Pas une lumière en vue. Maintenant, la pluie vient rajouter son propre silence. Ici, c’est la saison des pluies, mais pas encore suffisamment pour meurtrir la terre. Tout juste si la pluie l’écorche, comme frappant doucement. Un coup d’ongle par là, une petite flaque par là-bas, comme si de rien n’était. Comme pour avertir que ça vient. Le soleil cependant, le chaleur, rapidement la repousse du sol. L’heure de la boue n’est pas venue. Pas encore. Le temps des ombres, si. Enfin, de fait c’est toujours le temps des ombres. Où que ce soit, elle va toujours partout, peu importe l’heure. Même au plus féroce du soleil, l’ombre se balade encore, s’agrippant aux murs, aux arbres, aux pierres, aux personnes. Comme si la lumière lui donnait plus de force. Ah, mais la nuit… au petit matin, là, c’est son pur moment d’ombre. De même que pendant la journée elle nous soulage, au petit matin elle nous réveille, comme si elle nous disait : « Et alors, toi, tu vas où, tu fais quoi ? » À quoi on répond avec la voix pâteuse de la veille ensommeillée. Jusqu’à ce que, enfin, on puisse répondre, se répondre : « dans la réalité ».

(…)

— À dire vrai, je ne sais pas quoi répondre. En ville la coutume, comme qui dirait le mode de vie, veut que quand il y a un mort dans la famille, eh bien, les autres membres de la famille et les amis vont voir la famille pour lui faire savoir qu’ils la soutiennent dans sa douleur. On appelle ça « présenter ses condoléances », je crois. Oui, c’est tout, comme pour leur dire qu’ils ne sont pas seuls.

(…)

— Moi, ce que j’ai pu lire c’est que la plupart des filles et des garçons élèves de notre école ont dit qu’ils se sentaient en famille, qu’on les avait traités comme leur famille le faisait. Enfin, certains ont même dit mieux que dans leur propre famille. Autrement dit, il y a comme qui dirait familles et familles, par exemple chez…

(…)

— C’est possible. Oui, il se peut que certaines, certains ressentent comme qui dirait le besoin de venir présenter leurs condoléances à la famille du défunt Galeano ou aux compas d’ici ou aux deux.

(…)

— Ce n’est pas si simple, parce qu’on est dans un lieu très retiré, pour eux. Il y a quoi, quelque chose comme sept heures, de San Cristóbal jusqu’ici ? Eh, ça leur fait loin. Et puis faut bien dire que la mort violente ne prévient pas, qu’elle ne suit pas un calendrier à part, pas plus qu’elle n’a de géographie bien précise ; elle entre juste sans se gêner et elle s’assoit, à moins qu’on l’ait invitée. Oui, elle entre comme qui dirait en enfonçant la porte.

Ce n’est pas comme la mort de vieillesse ou de maladie, qui tout doucement pose une patte, puis la main, finalement elle se tapit dans un coin, attendant patiemment, jusqu’à que ce qu’elle se sente chez elle et qu’elle proclame : « Ici, c’est moi qui commande. » Là, comme qui dirait on se prépare, on se fait petit à petit à l’idée, quoi. Mais avec la mort violente, non. Elle, elle te frappe, te terrasse, t’étourdit, te donne des coups de pied, t’étrangle, te machette, te tire dessus, te tue. Elle, elle vient te tirer une balle dans la tête et elle continue à se moquer de toi. C’est comme ça qu’elle fait.

Alors, toi, tu as prévu comme qui dirait un plan de partage ou une réunion ou encore les cours de l’école zapatiste, et tu as dit tel jour en tel endroit et tu as prévenu avec un peu de temps, et que chaque personne chez soi fait ses préparatifs, par rapport à son travail, à ses études, à sa famille et prépare son voyage. Et toi aussi, tu prépares à l’avance l’endroit où tu vas les accueillir, ce que tu vas leur proposer.

Mais comme la mort violente ne prévient pas, il n’y a plus le temps de rien préparer, ni la personne qui arrive ni celle qui accueille. Et puis, qu’est-ce qu’ils vont se dire ? Même s’ils se regardent bien les uns les autres, le silence avec son bruit fait que tu te taises, comme si la mort n’avait pas seulement emporté le défunt mais que les mots aussi étaient morts.

Alors, c’est difficile pour toutes ces personnes de venir, pas parce qu’elles ne voudraient pas ou parce qu’elles n’aimeraient pas Galeano ou les compas de La Realidad, non, mais parce qu’il n’y a pas moyen.

En plus, où est-ce que tu vas les mettre, avec ce Caracol tout petit et à nouveau encerclé par ces paramilitaires ? Et qu’est-ce que tu vas leur donner à manger ? Et la toilette, hein, s’il y en a vingt-cinq ou cinquante qui veulent aller se baigner à cause du chaleur ou de la pluie ?

(…)

— Ah ça oui, si tout cette visite apportait ses propres vivres et son « nylon » contre la pluie, ça changerait un peu, mais pas beaucoup quand même, parce que, comme l’expliquait la compañera chargée de la santé, il faut comme qui dirait prendre soin de l’hygiène, autrement dit que personne comme qui dirait ne fasse de saletés. Parce qu’il y a des gens qui sont très sales, qui ne l’enterre même pas, surtout ces sales bonhommes. Parce que nous, en tant que femmes…

— Hein ? Oui, contre les maladies. Oui, oui, comme le choléra. Quoi ? Non, ça c’est la colère, la fureur, la rage.

(…)

— Comment ? Non, les bons visiteurs préviennent avant, ils ne débarquent pas comme ça à l’improviste. Quand de la visite arrive sans prévenir on la traite, ou la traitait de gorrón ou gorrona (parasite, pique-assiette), c’est selon. Je ne sais pas pourquoi on leur disait ou dit ça, mais ça veut dire que la personne arrive et ce n’est pas parce qu’on l’a invitée sinon que comme on dit elle s’est auto-invitée. Oui, en effet, la mort est comme un gorrón, ou une gorrona, c’est selon ; comme de la visite qui arrive sans prévenir, qui ne demande pas la permission. Oui, je sais bien que ce n’est pas la même chose, mais ça m’est sorti tout seul.

(…)

— Oui, je crois que si tu leur dis que tel jour c’est possible, alors il y en a un ou une qui arrive, mais pas tous ceux de prévu, seulement quelques-uns. De fait. Ce n’est pas qu’ils ne viennent pas tous, non. En fait, ils arrivent mais d’une autre manière. Comme « des écoutes », mais à l’inverse.

Parce que la mort aussi peut être vaincue avec un autre calendrier et une autre géographie. Pourquoi je dis « aussi » ? Ah, moi, je sais ce que je veux dire. Mais ne faites pas attention à moi maintenant. Je vous expliquerai peut-être un autre jour… ou alors vous venez voir.

(…)

— Combien à peu près ? Aucune idée. Mais je pense qu’ils pourraient être plusieurs, ou elles, c’est selon, parce que je vois qu’on est en train de construire une autre cabane là-bas, et que des gens balaient, nettoient… Oui, comme s’ils attendaient de la visite.

(…)

— Pour quand exactement ? Eh ben, demande à l’Emiliano ou à Max ou au SubMoï que j’ai vu par là en train de discuter avec une jeunette d’ici. Mais je sais qu’après il doit aller rencontrer ceux des comités.

(…)

— Moi ? Eh ben, j’attends. D’abord que les comités de zone arrivent à un accord, et puis après sûr qu’ils vont me dire d’écrire et alors, moi, je m’exécute.

(…)

Eh ! Regarde ! ... Là !… Là où il y a cette petite lueur. Tu as vu ce drôle d’animal ? Oui, on dirait un chien… ou plutôt un chat. Ouais, comme un chat-chien. Il est bizarre, non ?

(…)

— Oui, oui, en soi la réalité est bizarre.

Fragment de la Feuille 4 du Rapport d’enquête sur l’assassinat du compañero Galeano. Entretien avec la compañera S., zapatiste, base de soutien de La Realidad ; âge : seize ans allant sur ses dix-sept ans. En date du 11 mai 2014.

(ATTENTION : Le texte qui suit contient certains propos hauts en couleur qui peuvent heurter la susceptibilité de la royauté européenne et des aspirants au trône — Ici, de vous à moi, rien que l’on n’ait pas déjà entendu dans n’importe quel coin du monde d’en bas. C’est parti.)

« Aujourd’hui, nous sommes le 11 mai 2014.

(…)

C’est pour cela qu’est présente une compañera qui va nous parler de ce qu’ils ont dit ; de ce qu’elle a dit, plutôt, parce qu’il s’agit d’une seule personne, l’autre personne présente n’a rien dit. C’est cela que va nous expliquer la compañera. À toi la parole, compañera.

Compañera S : Écoutez, compa sous-commandant insurgé Moisés, je vais vous raconter ce que m’a dit cet assassin.

SCIM : C’était quand qu’il te l’a dit ?

Compañera S : Le samedi.

SCIM : Le 10 mai ?

Compañera S : C’est ça, le 10 mai.

SCIM : Vers quelle heure ?

Compañera S : Vers les 9 heures.

SCIM : 9 heures du matin ?

Compañera S : Oui. Environ vers 9 heures, il m’a dit :

« Tu vas où comme ça ? », il m’a dit, mais moi, je n’ai pas voulu lui répondre.

Après il m’a dit : « Stop ! » Et je me suis arrêtée.

« Écoute ce que je vais te dire. » Je me suis arrêtée.

SCIM : Et il s’appelle comment, cet homme ?

Compañera Selena : Il s’appelle R.

SCIM : R. d’accord, continue.

Compañera S : Il m’a dit d’écouter ce qu’il avait à me dire et moi, je l’ai écouté.

Il m’a dit :

« Profite-bien de ton Caracol. Parcours-le en tout sens parce que celui-là, on va vite le prendre et ce Caracol va très bientôt nous revenir. Par pur plaisir je vais m’installer ici quand il sera pour nous, parce que très bientôt on va le prendre. »

Moi, je lui ai répondu :

« Eh ben, si c’est comme ça, si vous êtes des hommes, comme vous dites vous autres, si vous dites que vous avez la bite et les couilles et que mort ou vif vous allez vous emparer de ce Caracol, pourquoi vous ne le prenez pas si c’est bien vrai que vous avez les couilles pour le faire ? »

Et lui m’a dit :

« Ouias, j’ai les couilles et la bite, tu veux la voir ? » qu’il m’a dit.

Alors, là, je lui ai répondu :

« Si tu veux les montrer, montre-les à ta mère, je lui ai dit. »

C’est là que lui m’a dit :

« Tu es furieuse parce que, nous, on a tué ton mari ? »

Et moi je lui ai dit :

« Le compañero en question n’est pas notre mari. Ce compañero est un de nos compañeros qui se bat pour nos communautés, pas pour recevoir les miettes que veut bien donner le gouvernement. »

C’est là qu’il s’est mis à rire avec son collègue et qu’il m’a dit…

SCIM : Comment s’appelle son compañero ?

Compañera S : M.

C’est quand il m’a dit :

« Ceux qu’on va choper c’est le Raúl, le Jorge et le René. Ceux-là, ils vont avoir affaire à nous et on va les tuer comme on a tué “la peluda” » (Note : “La peluda”, c’est le surnom péjoratif avec lequel les paramilitaires de la CIOAC-H se réfèrent au compañero Galeano).

Alors, moi, je leur ai dit que s’ils voulaient le faire qu’ils n’avaient qu’à y aller, qu’ils essayent, mais qu’ils entrent dans notre Caracol : qu’ils n’entrent pas quand il n’y a personne, comme ils l’ont fait avec l’école. Ils sont entrés, ils ont pu puisqu’il n’y avait personne. J’ai ajouté : si vous êtes vraiment des hommes, prenez-donc le Caracol. Eux rigolaient en me disant :

« Sois heureuse qu’on n’ait pas tué ton père. »

SCIM : Il t’a dit ça ?

Compañera S : Oui.

« On n’a pas tué ton père mais ce sera pour la prochaine. »

Moi, je lui ai répondu :

« Et pourquoi vous ne l’avez pas tué ?

— Parce qu’on ne l’a pas trouvé.

— Eh ben, si vous allez le faire, faites-le. Il est au Caracol. Il est là. »

C’est là qu’il m’a dit ?

« Tu sais, toi, qui a tué “la peluda” ? »

Je lui ai répondu :

« Et comment je vais savoir ça si j’étais pas là quand ils ont assassiné notre compañero ?

— C’est moi qui l’ai tué. Je lui ai tiré une balle dans la tête et il est allé direct ad patres. Et c’est ce qu’on va faire. On vous aura. Ceux que je t’ai dit, on va leur faire subir le même sort. Mais tout ça prend son temps. Tu sais quoi ? On en a plein le cul de vous autres — qu’il a dit —, parce que c’est pas juste ce que vous faites. C’est pour ça qu’on en a plein le cul. »

Mais moi, je lui ai dit :

« C’est nous qui en avons plein le cul de ce que vous faites. Et encore plus quand on a entendu que vous avez tué notre compañero. Nous, comme compañeras que nous sommes, on va allez chercher son corps. Là oui, vous nous avez gonflées encore plus. — Et ils se sont mis à rire.

— Mais bien sûr, puisque c’est votre mari à toutes, il a ajouté. »

SCIM : Et le truc dont ils se moquaient, qu’ils disaient que, eux, ils agissent, qu’ils font ce qu’ils disent, non ? Parce qu’il a mentionné quelque chose à propos du Conseil de bon gouvernement, non ? Il n’a pas parlé de qu’ils allaient…

(inaudible)

SCIM : Ouais.

Compañera S : Elle dit juste :

« Nous oui, on va tuer, on va tout péter une bonne fois pour toutes. Vous êtes le Conseil de bon gouvernement, vous êtes les bons gouvernants, quoi qu’on vous fasse vous n’allez rien faire. Pourquoi ? Parce que vous êtes le bon gouvernement. »

Moi j’ai dit :

« Oui, bien sûr que nous sommes le bon gouvernement, mais pas à ce point-là, pour ça on ne l’est plus. — je lui ai dit comme ça.

— Et qu’est-ce vous allez me faire ? Même en sachant qui a effectivement tué, vous ne nous ferez rien, parce que vous êtes le Conseil de bon gouvernement, ceux qui protègent tout le monde. Moi, je n’ai pas peur. Je n’ai pas peur, je te dis, c’est pour ça que je t’ai dit que c’est moi qui l’ait tué. ! »

Moi, je lui ai rétorqué :

« J’espère que c’est bien vrai. Le jour où ce sera ton tour, j’espère vraiment que tu rouleras de la bite comme tu le fais avec moi. »

— Tu peux être sûre que je le ferai. Mais quand ? Parce que ce jour ne viendra jamais, qu’il a dit, parce que vous êtes le Conseil de bon gouvernement, vous êtes ceux du bon gouvernement et vous n’allez rien faire. »

SCIM : Tu te rappelles quelque chose de plus de tout ce qu’il a dit ? Quelque chose dont il se moquait et qui le faisait éclater de rire.

Compañera S : Oui, lui riait et l’homme qui l’accompagnait hurlait de rire.

SCIM : M n’a pas parlé, il ne faisait que rire ?

Compañera S : Il n’a rien dit, il se contentait de rire. Le M en question restait là et il lui a tapoté le dos pour qu’il ne dise plus rien.

SCIM : Ah, il lui a tapé dans le dos ?

Compañera S : Oui, il lui a donné une tape dans le dos et ils ont commencé à s’engueuler. Il m’a dit :

« Vaut mieux que tu ailles faire ce que tu devais faire. » Je ne lui ai pas répondu.

SCIM : Bon. Si ce qu’il t’a dit te revient, on pourra continuer notre travail. Tout ça pour réunir toutes les informations, parce que cette fois, lui-même a parlé.

Compañera S : Oui.

SCIM : Et lui même a arrêté la discussion. Et tu dis qu’il t’a encore demandé si tu savais qui a tué, qui a assassiné le compañero Galeano ? Et c’est là qu’il dit que c’est lui, c’est ça ?

Compañera S : Oui.

SCIM : Et il a dit qu’il lui avait tiré une balle dans la tête.

Compañera S : Une balle dans la tête et il a cassé sa pipe.

SCIM : C’est bien, compañera. Quel est ton nom de guerre ?

Compañera S : Je m’appelle S.

SCIM : S ?

Compañera S : Oui.

SCIM : C’est bien, compañera. C’est ça que nous cherchons, ce genre de choses, pour qu’on voie que c’est un témoignage direct, parce que tu es d’ici, de La Realidad. Quel est le travail qui t’a été assigné dans la réunion d’Oventik ?

Compañera S : Écoute.

(Note : « écoute » (“escucha”) est une charge ou un travail ou un mandat qui est donné à certaines compañeras et à certains compañeros qui consiste à ce que la ou le compa « écoute » ce qui se dit dans une réunion pour le rapporter ensuite à son village, sa région et sa zone, pour que le « partage » n’existe pas seulement entre ceux qui sont présents mais parvienne à tous les zapatistes et à toutes les zapatistes. C’est l’équivalent d’un « rapporteur » ou d’une « rapporteuse ». Les compas choisissent leurs « écoutes » parmi des jeunes qui ont une bonne mémoire, comprennent bien l’espagnol et savent expliquer dans leur propre langue. Lors du partage avec le Congrès national indigène (CNI), des dizaines de jeunettes et de jeunes des différentes zones avaient été envoyés en qualité d’« écoutes », car il était très important que ce que disaient nos compas des peuples premiers du CNI soit connu de toutes les bases de soutien zapatistes).

SCIM : Ah, oui, oui, oui. Celle qui devait se faire après avec le Congrès national indigène. C’est bien. Eh bien, c’est tout, compañera S. Merci.

(inaudible)

SCIM : Ah, bon. Et quand tu as parlé à ce R., il était beurré ou en possession de ses moyens ?

Compañera S : Non. Moi, je me tenais près de lui mais je n’ai pas senti d’odeur d’alcool. Et quand je suis passée près de la maison où habite L, lui était presque arrivé chez lui. Il m’a vue et s’est retourné en rigolant, mais je lui trouvé un air énervé.

SCIM : Autrement dit, nous pouvons affirmer qu’il était bien sobre quand il a dit ce qu’il a dit ? Parce qu’il n’était pas saoul, on est bien d’accord.

Compañera S : Non, il n’était pas saoul.

SCIM : Bien. C’est tout, compañera. Merci.

Un autre petit matin. Le sous-commandant insurgé Moisés arrive et me dit :

« C’est réglé. L’accord est que l’arrivée se fait le vendredi 23 mai, l’hommage au compa Galeano le samedi 24 mai et le dimanche 25 mai tout le monde repart chez soi. Les bases de soutien, quoi.

— Pour ceux qui viendront d’ailleurs aussi ? ai-je demandé.

— Oui, mais pour ceux qui viennent de l’extérieur, tu mets la même chose que dans l’accord pris avec les bases de soutien, à savoir, qu’il faut qu’ils apportent leur manger et leur tente et sac de couchage.

— Je fais un communiqué, une lettre ou quoi ?

— Ça, tu le décideras toi, mais que ça reste clair, pour que ce ne soit pas une charge pour les compas concernés. Ils viennent soutenir, communiquer leurs condoléances à la famille du défunt et aux compas d’ici, et pas pour qu’on s’occupe d’eux. Ce n’est pas une fête, quoi.

Ah, et tu les préviens aussi que le 24 mai, dans tous les Caracoles, les bases de soutien également vont rendre hommage au compa Galeano. Et que ce serait bien si ce jour-là ils faisaient aussi quelque chose chez eux, selon les usages de chacun et en leur temps.

Et autre chose. Si tu mets l’investigation avec la compañera, ne mets pas le nom de ces salopards, juste une lettre. Parce que nous ne savons pas encore s’il est coupable d’assassinat ou seulement de faire le macho et le dragueur qui veut faire peur à une jeune fille.

Et met aussi que nous invitons tout particulièrement les compañeras et les compañeros des moyens de communication libres ou alternatifs ou autonomes ou comme on voudra, autrement dit ceux qui ne sont pas des médias à gages, qui ont souscrit à la Sexta, autrement dit qui sont nos compañeros et nos compañeras et qui ont leur mandat d’“écoutes” dans leurs terres. Et que peut-être… Mets-le comme ça, que “peut-être” une conférence de presse sera donnée par le Commandement général de l’EZLN avec les médias libres ou comme il faut dire, qui ont souscrit à la Sexta. Je dis “peut-être” parce qu’on n’aura pas forcément le temps et je ne veux pas qu’on nous le reproche. Et que les médias à gages ne sont pas invités, on ne les recevra même pas.

— Et je leur envoie la photo du défunt ?

— Oui, mais celle de quand il était vivant, pas celle du cadavre. Parce que nous nous rappelons les compañeros pour le combat qu’ils ont mené dans leur vie.

— C’est bon. Quoi d’autre ?

— Juste que nous sommes toujours là, mais je crois qu’ils le savent déjà, que nous sommes dans la réalité. »

Bien. Salut et écoute.

Des montagnes du Sud-Est mexicain,
sous-commandant insurgé Marcos.
Mexique, mai 2014, an XX du début de la guerre contre l’oubli.

Traduit par SWM.

Source du texte d’origine :
Enlace Zapatista

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