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L’EZLN propose la préparation d’une Rencontre continentale des peuples originaires d’Amérique

mardi 20 mars 2007, par EZLN

Armée zapatiste de libération nationale.
Mexique.

Le 9 mars 2007.

Au Congrès national indigène,
À la région Centre-Pacifique du CNI,
Aux participants à la réunion du CNI de Tuxpan, au Jalisco,

Frères et sœurs,

Recevez le salut des hommes, des femmes, des enfants et des anciens de l’Armée zapatiste de libération nationale.

Avant toute chose, nous voudrions vous souhaiter nos meilleurs vœux de réussite pour l’importante réunion qui va avoir lieu sur le territoire du peuple nahua, dans l’État de Jalisco. Vos débats et les accords qui y seront pris guideront nos pas et le chemin des peuples indiens dans leur lutte pour la reconnaissance de leurs droits et de leur culture.

Comme vous le savez certainement, nous avons à résister en ce moment à une nouvelle offensive des groupes paramilitaires organisés par les mauvais gouvernements, le gouvernement fédéral, chiapanèque et municipal. Nos communautés résistent de manière organisée aux tentatives d’expropriation des terres que nous avons reprises au prix du sang versé par nos compañeras et nos compañeros. Les groupes de « gardes blanches » qui nous attaquent sont en cheville avec les partis politiques (le PRI, le PT et le PRD) et bénéficient de la protection du gouvernement fédéral, autrement dit du PAN. Ils se font appeler OPDDIC (liée au PRI), ORCAO (liée au PRD) et CIOAC-historique (liée aussi au PRD), mais, avec d’autres encore, ils ne constituent qu’une nouvelle version du groupe paramilitaire « Paz y Justicia ».

Le harcèlement des paramilitaires contre nos peuples ne date pas d’hier. La nouveauté consiste en ce que, auparavant, ils opéraient sous l’égide du gouvernement et du PRI, tandis qu’aujourd’hui ils le font aussi téléguidés par le PRD, le PT et le PAN.

Il n’y a rien de nouveau non plus dans l’indifférence actuelle de certains secteurs de la société qui étaient proches du mouvement zapatiste. Depuis notre éloignement volontaire du PRD et notre position critique vis-à-vis de ce que l’on a appelé le « lopézobradorisme », ces secteurs ont voulu « nous faire payer » avec leur silence et leur mépris le fait que nous n’ayons pas rejoint la liste des courtisans de López Obrador.

Nous nous y attendions. Dès la gestation de la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone dans nos montagnes, nous savions que les personnes et groupes en question allaient s’éloigner et se retourner contre nous. En dépit de cela, nous avons fait et continuons de faire ce que nous estimons notre devoir : chercher, en bas et à gauche, notre chemin, notre marche et nos compagnons de route. Nous sommes convaincus que nous parviendrons à conquérir notre liberté et les droits qui nous reviennent en tant que peuples originaires uniquement si nous triomphons du système responsable de notre malheur, le capitalisme.

À mesure que se dissipe le mirage électoral et que, tout là-haut, on ôte ses masques de carnaval, la réalité vient confirmer ce que nous avions vu et jugé, de loin : en haut, tout n’est que simulacre, cynisme et malhonnêteté.

Comme nous l’avons dit, l’offensive paramilitaire et gouvernementale n’a rien de nouveau, mais elle nous a obligés à effectuer certains réajustements internes afin d’atteindre deux des grands objectifs de notre Sixième Déclaration : protéger nos peuples et avancer dans ce qu’il a été convenu d’appeler « l’Autre Campagne ».

Ce sont de tels réajustements qui nous ont empêchés de participer en personne à votre importante réunion. De manière tout à fait opportune, les compañeros et compañeras du CNI région Centre-Pacifique nous y avaient noblement invités et c’est avec plaisir que nous avions accepté d’y participer. Malheureusement, à cause des problèmes que nous venons de mentionner, notre parole ne vous parvient aujourd’hui qu’à travers ces mots.

Cependant, comme quand nous la donnons en personne, cette parole n’en est pas moins adressée sincèrement et honnêtement à tous ceux qui, comme nous, sont de cette couleur de la terre que nous sommes.

Aussi aimerions-nous profiter de la place que vous voudrez bien nous accorder au sein de vos importantes réunions pour vous livrer notre pensée :

Premièrement. Comme vous le savez, nous avons effectué en compagnie de certains membres du CNI un circuit qui a porté nos pas jusque dans les endroits les plus reculés de notre pays, où nous avons rencontré et retrouvé les peuples originaires de ces terres, les peuples indiens. Ils vivent dans les mêmes terribles conditions que nous connaissons tous : spoliation, destruction de la terre-mère, divisions internes fomentées par les gouvernements et leurs partis politiques, répression, exploitation, mépris et humiliation, le tout multiplié à l’infini quand il s’agit des femmes, des enfants et des anciens indigènes. Les compañeros qui ont uni leurs pas aux nôtres dans l’ensemble de la République mexicaine pourront aisément vous donner de nombreux exemples et de nombreuses données sur tout ce que nous avons vu, entendu et pu ressentir dans le Mexique d’en bas.

Deuxièmement. Les peuples indiens ne sont pas les seuls à partager notre souffrance. Des ouvriers, des paysans, des employés, des jeunes, des femmes et des enfants non indigènes sont également opprimés par ce qu’un chef de la tribu yaqui, dans le nord-ouest de notre pays, a appelé « les quatre roues du chariot capitaliste », à savoir : l’exploitation, la spoliation, la répression et le mépris.

Troisièmement. Nous avons aussi pu rencontrer, écouter et parler avec des organisations, des groupes et des collectifs de la gauche anticapitaliste. Comme pourrons vous le raconter les compañeros qui nous ont accompagnés, certaines personnes ne saisissent pas notre particularité en tant qu’indigènes, mais elles ont commencé peu à peu à se rendre compte que nous sommes égaux parce que nous sommes différents.

Quatrièmement. Notre pensée, en tant qu’indigènes que nous sommes, est que nous devrions nous unir non seulement avec tous les peuples indiens du Mexique, mais aussi avec tous ceux et avec toutes celles qui subissent la spoliation, l’exploitation, la répression et le mépris de la part du capitalisme. Et aussi que nous devrions parler plus avec eux et écouter plus les organisations, les groupes et les collectifs non indigènes, pour qu’ils nous voient et sachent qui nous sommes.

Cinquièmement. C’est aussi notre pensée, en tant que Congrès national indigène que nous sommes, que nous devrions jeter des ponts pour nous unir aux peuples originaires dont le territoire se trouve au nord de notre pays.

Ces peuples possèdent une grande tradition de lutte et de résistance et doivent affronter, comme nous, une véritable guerre de conquête. Leur dignité, leur expérience, leur histoire et leur culture sont autant d’aliments dont nous avons tous besoin.

Aussi pensons-nous que le CNI est le meilleur pont qui puisse permettre aux Indiens du nord du Mexique de s’unir à ceux du Centre-Pacifique, de l’Est, du Sud et du Sud-Est, afin qu’ensemble nous fassions avancer notre lutte.

En tant qu’une partie d’un tel pont, l’EZLN enverra prochainement une délégation participer directement, avec les peuples indigènes cucapá et quilihua du Nord-Ouest mexicain, à un campement pour la paix dans le but de défendre leur droit à l’existence. Simultanément, à San Cristóbal de Las Casas, au Chiapas, un campement pour la paix sera installé pour y défendre une réserve écologique et, dans la forêt Lacandone, des activités en défense de notre terre-mère seront organisées.

En ce sens, nous invitons le Congrès national indigène à se joindre à ces initiatives, au nord-ouest comme au sud-est de notre pays.

Sixièmement. Nous considérons également de la plus haute importance de jeter un pont de parole et d’écoute à l’adresse de tous les peuples autochtones du continent américain. Aussi proposons-nous que le Congrès national indigène et l’EZLN appellent conjointement à organiser une grande Rencontre continentale des peuples originaires d’Amérique, au mois d’octobre de cette année, et que cette rencontre ait lieu en un point quelconque du nord du Mexique.

C’est pourquoi nous vous demandons respectueusement, dans l’éventualité où cette proposition serait approuvée lors de votre réunion, de désigner une commission de travail qui collaborerait avec la Commission Sexta de l’EZLN pour rédiger l’appel à cette importante rencontre, pour la préparer et pour la réaliser.

Alors voilà, c’est tout pour l’instant, compañeras et compañeros. Nous espérons pouvoir vous retrouver et vous écouter personnellement en cette occasion.

Recevez notre salut et l’accolade chaleureuse qui l’accompagne.

Liberté et justice pour Atenco !
Liberté et justice pour Oaxaca !

Des montagnes du Sud-Est mexicain.
Pour le Comité clandestin révolutionnaire indigène
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale,
sous-commandant insurgé Marcos
Mexique, mars 2007.

Traduit par Ángel Caído

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