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La bataille d’Oaxaca

dimanche 24 décembre 2006, par Joani Hocquenghem

Suspense à la chambre des députés ce 1er décembre. Dans l’imposant hémicycle du Parlement règne un tohu-bohu incontrôlable. Sous les deux drapeaux géants vert-blanc-rouge qui servent de toile de fond, au milieu des braillements, des slogans rageurs ou patriotiques, les députés du PRD, la gauche, et du PAN, la droite au pouvoir, sont agrippés à la tribune, qui a servi de ring, de dortoir et de cantine depuis trois jours. Ils ont mangé sur place, dormi sur les velours et les boiseries et, à plusieurs reprises, fait le coup de poing, ni les uns ni les autres ne voulant abandonner leurs positions stratégiques dans le grand salon des séances plénières. À 8 heures du matin, le pugilat reprend. Ceux de la gauche tentent de bloquer toutes les portes avec leurs chaises curules pour empêcher d’entrer Felipe Calderón, le nouveau président, et Vicente Fox, le président sortant, qui doit lui transmettre aujourd’hui les insignes du pouvoir. Jamais Calderón ne prêtera serment, le PRD l’a juré, jamais il ne sera intronisé devant le Congrès à la date solennelle fixée par le calendrier institutionnel.

Début juillet, lorsque Felipe Calderón a été déclaré vainqueur des élections avec un avantage de 1,4 %, plus d’un million de partisans d’Andrés Manuel López Obrador, le candidat du PRD, sont descendus dans la rue pour protester contre un résultat qu’ils estiment frauduleux. Tout l’été, ils ont multiplié les manifestations, exigeant, en vain, le recompte des voix. Pendant un mois et demi, ils ont occupé l’avenue Reforma, la principale artère de la capitale, qu’ils ont transformée en un immense campement. Le 1er septembre, ils ont empêché le président Fox de faire son rapport d’activité devant le Congrès. Comblant chaque fois le Zócalo, la grand-place de Mexico, ils l’ont éclipsé de deux fêtes nationales : celle de l’Indépendance, le 16 septembre, où il a dû se contenter d’une maigre célébration en province, et celle de la Révolution, le 20 novembre, où ils ont proclamé López Obrador « président légitime ». Ce 1er décembre, López Obrador harangue la foule qui remplit le Zócalo, une nouvelle fois. Et une nouvelle fois, pas une image de cette mobilisation à la télévision. Aucune chaîne ne remarque ces cent mille manifestants qui remontent maintenant l’avenue Reforma.

Pour plus de sûreté, les autorités ont interdit aux hélicoptères des médias de décoller, prohibant ainsi toute vision d’ensemble. En prévision des troubles, l’état-major présidentiel a bloqué les grands axes où doivent se déplacer les convois, encerclé les points névralgiques de l’opération transition et restreint l’accès à plusieurs zones de la capitale.

Tout autour de l’immense palais du Congrès et du quartier avoisinant ont été fixés au sol des kilomètres de rambarde d’acier de trois mètres de haut, gardées par des cordons de forces de l’ordre de toutes les corporations.

Autre périmètre interdit, une triple barrière policière entrave l’avenue Reforma et une garnison fait la haie autour du parc du parc de Chapultepec, où doit se dérouler une partie des célébrations. Des postes de contrôle assurent la stricte étanchéité du dispositif. Le déploiement logistique traverse toute la géographie urbaine. Coupée en deux moitiés protégées l’une de l’autre, la ville schizophrène doute de qui croire : la douce musique de la télé ou la rumeur amère de la rue. Le Parlement est juste sur la frontière, unique point de contact de deux univers imperméables, étape obligatoire de la passation du pouvoir, dixit la Constitution, où le rite doit s’accomplir ponctuellement.

9 h 30, toutes les télés s’arrêtent, toutes les radios se taisent pour faire place à la parole unique : le Centre de production des programmes spéciaux de la Présidence prend le relais et monopolise la transmission, ne laissant filtrer aucune autre image.

Un couple de présentateurs bien peignés se félicitent du calme régnant et du bon fonctionnement de la démocratie. Pendant ce temps, le prochain chef de l’État, un petit chauve à lunettes, s’est glissé par la porte de derrière les drapeaux jusqu’à la tribune bondée. Au moment exact, il apparaît sur les écrans, en plan serré, toute turbulence hors cadre. Il dit ses trois phrases dans le micro sacré, jure de respecter et faire appliquer la Constitution dans un presque silence où les huées et sifflets, baissés au mixage, se sont amenuisés jusqu’à n’être plus qu’un murmure qu’on pourrait croire d’approbation. Fox, apparu entre deux épaules, lui remet plus ou moins solennellement l’insigne de sa fonction, et Calderón enfile l’écharpe tricolore encore chaude de son prédécesseur. Le président de séance envoie l’hymne en vitesse, et tous deux disparaissent par où ils sont apparus un instant plus tôt, fin de transmission. Cérémonie express, la passation est expédiée en 3 minutes 45 secondes. Big Brother rend l’antenne. Son forfait commis, la caméra s’enfuit de ce grand salon qui sent la sueur et les cris vers les beaux quartiers pour la suite du programme : close-up au téléobjectif de gens frais rasés entre visages nets de gardes empanachés. Loin du centre houleux, sous les frondaisons du parc de Chapultepec, on a commencé à filtrer les entrées à l’Auditorium national, la moderne salle de spectacle que le nouvel intronisé a réservée pour adresser son message à la nation.

Très loin de là, à Oaxaca, les brigades d’intervention spéciale patrouillent dans les rues, ratissent les quartiers rebelles, s’emparent des passants suspects, effectuent des arrestations en sourdine, sans mandat, rompant les portes et les meubles des domiciles des « agitateurs », torturent les détenus et les font monter dans des hélicoptères d’où ils menacent de les jeter en plein vol, tandis que les bataillons de gendarmes qui occupent le centre-ville tentent d’effacer toute trace de six mois de lutte.

Le 22 mai dernier, dans cet État gouverné le Parti révolutionnaire institutionnel depuis 1929, les soixante-dix mille maîtres d’école se mettent en grève pour exiger un réajustement de leurs salaires. Venus des banlieues et des villages, de la Sierra et de la côte pacifique, vingt mille instituteurs et institutrices, nombre d’entre elles avec des enfants en bas âge, portant leurs couvertures, marmites et braseros, campent autour du palais du gouvernement et de la cathédrale et organisent ce qu’on appelle au Mexique un plantón, c’est-à-dire un forum permanent de pression, d’exposition de leurs revendications.

Le 14 juin à l’aube, le gouverneur du PRI, Ulises Ruiz, envoie 2 000 policiers évacuer le campement manu militari. Réveillés en sursaut à coups de matraque, les instits et leurs familles se réfugient dans les établissements scolaires. Les hélicoptères entrent en action et les bombardent de grenades lacrymogènes. Dans les cours d’école, la situation devient insoutenable. On dénombre une soixantaine de blessés. Pourtant, les grévistes se regroupent et à 10 heures du matin, forts de leur nombre et de l’appui des habitants, réoccupent le centre-ville.

L’action du gouverneur Ruiz a déclenché contre lui beaucoup plus de forces que celles qu’il comptait réprimer. En plus du plantón, de ces profs en grève qui jour et nuit font de l’agitation autour de leur cause, il a sur les bras, à partir de ce 14 juin, un soulèvement social, pacifique mais virulent, qui exige sa démission et dénonce une multitude d’abus des autorités. Ce qui était une grève corporatiste soutenue par la population est devenu une contestation généralisée.

Trois jours après se cristallise l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca. « Des peuples », au pluriel. Il ne s’agit pas du peuple, la référence fondatrice des idéologies socialistes européennes, mais des peuples, de toutes sortes de peuples différents. L’APPO agglutine des syndicats professionnels, organisations autonomes, associations culturelles, groupements paysans, coopératives, communautés de villages, porte-parole des seize peuples indiens qui habitent l’État d’Oaxaca. Dans un même forum se retrouvent les formations qui représentent ces diverses cultures, ces diverses appartenances qu’on appelle des « minorités », des groupes politiques nés de luttes antérieures, héritiers de décennies de combats et de répression, mais aussi une masse d’inorganisés sans emploi, marginaux, habitants de hameaux isolés, prostituées, artistes contestataires, mères de famille, punks, instituteurs, travailleurs migrants, étudiants et autres tribus, le réseau dense des microsociétés qui couvre l’espace rural et urbain. Pendant cinq mois, elle tient la ville d’Oaxaca, et son action s’étend aussi à beaucoup de bourgs et de campagnes. Les écoles sont fermées, les instances de l’État sont paralysées ; elle occupe les institutions, le siège des pouvoirs et des administrations, envahit des mairies. Le 17 juillet, elle bloque les hôtels et empêche la réalisation de la Guelaguetza, l’ancienne fête indienne de la prodigalité et des récoltes, que les autorités ont convertie en festival touristique payant, et qu’elle célèbre à la manière traditionnelle sur les places publiques. Le gouverneur ne laisse pas aux rebelles de l’APPO le temps de pousser plus avant cette expérience de la liberté, de conquête d’espaces nouveaux. Très vite, il les harcèle ; par les attaques des médias à ses ordres, par les exactions de ses hommes de main, il les pousse à la guerre, à l’activité obsédante de la résistance.

Le 1er août, plusieurs milliers de femmes envahissent les studios pour faire taire la station Radio La Ley (la loi) et la Chaîne 9, la télévision locale où les actualités sont jour après jour un long reportage sur les réalisations du gouverneur Ulises Ruiz et un constant dénigrement de leur cause. Tapant sur des casseroles, elles obstruent la transmission puis se mettent à donner les nouvelles au micro, à présenter leurs luttes, à dénoncer les injustices, à convoquer des mobilisations, à passer des vidéos sur d’autres mouvements.

Deux jours plus tard apparaissent des commandos en 4×4 noirs sans plaque qu’on appellera les « convois de la mort » ; la nuit, ils mitraillent à la kalachnikov les locaux de télé occupés. Dans les jours qui suivent, trois membres d’organisations indiennes sont exécutés. Puis trois instituteurs sont enlevés par la police et torturés. Le lendemain, au milieu d’une marche pacifique pour leur libération, un manifestant est tué par des agents en civil embusqués.

Le 20 août, un contingent armé tente de récupérer Radio La Ley et tue un des occupants. Le 21 août, un groupe paramilitaire expulse les femmes de la télévision ; l’APPO s’empare de douze stations de radio. Pour bloquer les convois de la mort, le mouvement décide de construire des obstacles, de dresser des barricades. Mais les agressions et les raids se multiplient. Les gens qui veillent sur les barricades sont à leur tour la cible des assassins. Le 27 octobre, quatre personnes sont tuées par balles dont un journaliste américain, Bradley Will, qui travaillait pour le réseau d’information par Internet Indymedia.

Les morts sont dans le camp du mouvement et les tueurs dans celui du gouverneur. Pourtant, ces meurtres, la télé les appelle des « affrontements » et les speakers appellent à rétablir l’ordre, à « mettre fin à la violence, de quelque bord qu’elle soit ».

Le 30 octobre, le gouvernement de Fox envoie de Mexico les forces fédérales. Les pistoleros insaisissables sont remplacés par les bataillons casqués. Douze « tankettes », comme les dénomment les journaux, sinistres blindés antiémeutes bardés d’un chasse-neige à manifestants, hérissés de caméras et de canons à eau qui crachent un liquide corrosif, ouvrent la voie aux 6 500 gendarmes qui marchent sur la ville ; les hélicoptères survolent leur progression.

La bataille d’Oaxaca, comme titre les journaux, dure toute la journée. La population oppose une résistance opiniâtre. Un peu avant 15 heures, encerclés par une foule qui agite des affiches manuscrites et les invective, un premier contingent de 300 policiers doit se retirer du zócalo. Le gros des troupes avance pourtant. Au soir, une manif de 15 000 personnes se rassemble dans le nord et progresse vers le centre, mais évite l’affrontement.

La police finit par conquérir la place centrale. Parallèlement, elle perquisitionne les maisons des militants de l’APPO. Les blessés et disparus se chiffrent par dizaines. Un jeune infirmier est tué par l’impact d’une grenade lacrymogène.

Le 2 novembre, le jour des morts au Mexique, les habitants des quartiers ont transformé les barricades en autels dédiés aux victimes de la répression et décoré le campement de l’APPO d’offrandes traditionnelles. Ils disposent devant leurs portes des bassines d’eau vinaigrée, des caisses de bouteilles de soda, des chiffons, des draps qu’ils déchirent, des paquets de serviettes menstruelles humidifiées que les manifestants utilisent en guise de masque à gaz. Certains, sur leurs terrasses, éblouissent avec les miroirs les pilotes des hélicoptères qui effectuent des vols rasants et tirent des grenades de gaz lacrymogène.

Une partie du mouvement s’est repliée à l’université pour protéger Radio Universidad, la dernière radio de l’APPO. Les policiers ont pris la barricade qui en défendait l’accès, sur le rond-point de Cinco Señores. Ils ont bloqué toutes les rues qui y mènent et marchent sur les bâtiments des facultés.

Face à eux, les étudiants, résolus, contre-attaquent à coups de pierres, de cocktails Molotov, de pétards qu’ils lancent à l’aide de sarbacanes, des tuyaux en PVC que la télé appelle des bazookas. Les plus aventureux renvoient les grenades lacrymogènes avec un gant ou un chiffon pour ne pas se brûler. D’autres ont trouvé un truc, les arroser de Coca-Cola dès qu’elles sont à terre : le liquide caramélise, les étouffe et les scelle complètement. Les manifestants réussissent à immobiliser une « tankette » et même à en prendre une autre, du moins à déloger ses occupants : bravant la bête, un guerrier masqué grimpe sur la carlingue et bombe à la peinture la meurtrière du pare-brise et l’ ?il de la caméra, aveuglant le monstre ; d’autres l’aspergent d’essence et y mettent le feu. Les occupants s’enfuient, abandonnent leur engin réduit à l’impuissance.

À ce moment, au milieu de la journée, de tous côtés, derrière les rangs de la police, des manifestations descendent des hauteurs de la ville par les rues qu’ils ont barrées. Prises à rebours, les forces de l’ordre, à court de liquide pour leurs canons et de cartouches de gaz pour leur lance-grenades, se retrouvent encerclées et doivent se replier au pas de course. Professeurs de fac, ouvriers, vendeuses du marché, combattants aux boucliers de bois peints aux couleurs de l’APPO et paysans maniant la fronde, exultent : « Victoria ! »

Le 20 novembre, les zapatistes bloquent les routes du Chiapas en solidarité avec Oaxaca. Cette nuit-là, la police brûle le dernier campement de l’APPO. L’ultime radio tenue par les rebelles est bâillonnée. Le 25 novembre, l’APPO décide d’encercler la police. Celle-ci attaque les cortèges qui l’entourent. Postés sur les toits, les sbires du gouverneur tirent sur les manifestants. Des cocktails Molotov sont lancés contre le tribunal, le théâtre et un hôtel. Exactement ce qu’il fallait à la télévision : Oaxaca en flammes !

À la nuit, la rafle commence, une vague de détentions visant à exécuter les quelque 600 mandats d’arrêts lancés par la justice. Plus de deux cents personnes sont détenues. Ceux qui échappent se cachent. Tandis que la chasse continue, 141 prisonniers dont 3 mineurs et 36 femmes sont transférés en hélicoptère au pénitencier de haute sécurité de l’État de Nayarit, à 1 200 kilomètres de là, et soumis au régime réservé aux délinquants très dangereux : sans contact avec leur famille, interdits de visite des avocats, médecins, observateurs des droits de l’homme.

Ce 1er décembre, le journal annonce que les deux fonctionnaires municipaux identifiés comme les meurtriers du journaliste Bradley Will ont été libérés. La presse publie la photo du gouverneur Ulises Ruiz, parcourant triomphalement les rues de sa capitale pour la première fois depuis six mois, malgré les 17 morts qu’on lui impute.

À midi, alors que sur l’avenue Reforma les partisans de López Obrador se dispersent dans l’amertume d’une vaine mobilisation, télé-présidence reprend possession des ondes, interrompant le cours des émissions. Le couple de présentateurs bien coiffés soulignent les ovations et slogans : « La satisfaction est générale, le pays a su mener d’une façon incontestable l’étape de la transmission des pouvoirs, moment historique qui inaugure une nouvelle ère... »

« Sí se pudó ! » (on a pu le faire !) scande une foule sage et réjouie, un public choisi, nanti de 8 000 cartons d’invitation, que balayent les caméras téléguidées suspendues au plafond du bâtiment comme dans les matches de foot. À l’Auditorium national, le vrai show de la journée commence. Monsieur Slim, le propriétaire de la compagnie de téléphone, messieurs Salinas Pliego et Azcarraga, les patrons des deux télés commerciales, sont là, parmi les grands hommes du business et de la politique. Les seuls visages sombres sont les gardes du corps indiens aux tempes rasées en complets cintrés répartis dans les travées, et une petite délégation de représentants indigènes. Leurs chemises brodées et sombreros, qui détonnent parmi les cravates et les étoles, accrochent un instant le regard des caméras qui s’éloignent aussitôt car ils ne chantent pas l’hymne assez visiblement.

Devant ce parterre trié sur le volet, ce Mexique sur mesure, opulent et satisfait, Calderón, sur le podium tapissé de blanc étincelant, a l’occasion de se montrer un vrai leader et lance des phrases comme : « Tous les enfants qui naîtront à partir de ce 1er décembre 2006 auront la sécurité sociale » ou « Je vais dès à présent baisser les salaires des hauts fonctionnaires d’État et du président ». Il ne dit pas de combien (finalement ce sera de 10 %).

Sous le charme de l’orateur, le peuple des millionnaires, les militants du capitalisme scandent, paraphrasant un slogan populaire (ça se voit, ça se sent, le peuple est présent) : « Ça se voit, ça se sent, Felipe président ! »

De part et d’autre de son pupitre, les ministres qu’il vient de nommer font étal de leurs mérites. Celui de la Santé a mené victorieusement la croisade contre la légalisation de la pilule du jour d’après. Celui de l’Intérieur, ex-gouverneur du Jalisco, s’est chargé de la violente répression des manifs contre le sommet de Guadalajara en 2004. Celui de la Justice, ancien chef des services secrets, s’est chargé personnellement de coordonner et mener à bien la répression à Atenco et à Oaxaca.

L’armée défile ensuite devant le chef de l’État, son nouveau commandant en chef, l’occasion du déploiement d’un drapeau sur un mât de 100 mètres de haut, de 21 coups de canon, et de la promesse de Calderón que son plan d’austérité n’affectera aucunement l’augmentation générale de salaire qu’il prévoit d’octroyer aux forces armées (ce sera de 20 %).

« Le Mexique a un nouveau président ; beaucoup de choses vont se produire pour que tu vives mieux », enchaîne un message exalté des services de communication officiels sur des images d’un nouveau-né poussant son premier cri, d’un paysan accueillant la pluie avec ferveur, de jeunes se donnant l’accolade sur le chemin de l’école, de travailleurs à la tâche enthousiastes.

À Oaxaca, ce 1er décembre aussi, malgré l’occupation policière et les mandats d’arrêt, une manifestation vainc la peur et défile dans les rues de la ville. Le mouvement continue, se réorganise dans les montagnes, tisse des contacts avec d’autres États où des luttes semblables tentent de se rejoindre.

Pendant six mois, ses participants ont résisté, confrontés à des appareils répressifs de plus en plus puissants. Loin de l’idée de révolution léniniste, ils refusent le choix guérilla ou soumission, affirment et revendiquent leur différence avec les révoltes passées, cherchent leur chemin, une autre voie, une autre inspiration nourrie des expériences des villages et des cultures indiennes, de leur forme de démocratie, de leurs assemblées, de l’influence du précédent zapatiste.

Au Chiapas, l’EZLN s’apprête à fêter le treizième anniversaire de son irruption à la surface du monde et se prépare à tenir tête à un nouveau président, le quatrième depuis son apparition publique. Les zapatistes convoquent une troisième rencontre internationale pour cet hiver et Marcos, au terme de sa tournée à travers tout le pays, lance le 2 décembre, au lendemain de la prise du pouvoir de Calderón, une nouvelle campagne pour la libération des prisonniers d’Atenco et d’Oaxaca.

Joani Hocquenghem

Texte paru dans la revue Chimères.

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