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Lettre ouverte du collectif égyptien
« Camarades du Caire »

jeudi 4 juillet 2013, par Camarades du Caire

De Taksim et Rio à Tahrir, l’odeur des lacrymogènes

De Taksim à Tahrir, de la Bulgarie au Brésil, nous menons le même combat contre les structures oppressives des États qui ne profitent qu’à une petite élite de riches.

À vous aux côtés desquels nous nous battons,

Le 30 juin marquera pour nous une nouvelle étape de la rébellion, en nous appuyant sur ce qui a commencé les 25 et 28 janvier 2011. Cette fois, nous nous rebellons contre le règne des Frères musulmans qui n’a apporté que davantage des mêmes formes d’exploitation économique, de violence policière, de torture et d’assassinats.

Les références à l’arrivée de la « démocratie » n’ont aucune pertinence quand il n’y a aucune possibilité de vivre une vie décente par l’absence de tout signe de dignité et des moyens d’une existence convenable. Les revendications de légitimité obtenue à travers un processus électoral veulent faire oublier la réalité qu’en Egypte notre combat continue parce que nous sommes confrontés à la perpétuation d’un régime oppressif qui a changé de visage mais conserve la même logique de répression, d’austérité et de brutalité policière. Les autorités maintiennent la même absence de toute responsabilité envers le public, et les positions de pouvoir se traduisent par des opportunités pour augmenter le pouvoir et la richesse personnelle de ses membres.

Le 30 juin renouvelle le cri de la révolution : « Le peuple veut la chute du système ». Nous recherchons un avenir qui ne soit régi ni par l’autoritarisme mesquin et le capitalisme de copinage de la Confrérie, ni par un appareil militaire qui garde la mainmise sur la vie politique et économique, ni par un retour aux vieilles structures de l’ère Moubarak. Même si les rangs des manifestants qui prendront les rues le 30 juin ne sont pas unis autour de cet appel, il doit être le nôtre — il doit être notre position parce que nous n’accepterons pas un retour aux périodes sanglantes du passé.

Bien que nos réseaux soient encore faibles, nous tirons nos espoirs et notre inspiration des soulèvements récents, en particulier ceux qui ont surgi à travers la Turquie et le Brésil. Chacun d’eux est né de réalités politiques et économiques distinctes, mais nous avons tous été gouvernés par des cercles restreints dont le désir a surtout perpétué une absence de vision de tout ce qui pourrait être bon pour le peuple. Nous sommes inspirés par l’organisation horizontale du mouvement pour la gratuité des transports publics fondé à Bahia, au Brésil, en 2003 et par les assemblées publiques qui se sont propagées dans toute la Turquie.

En Égypte, les Frères musulmans n’ont fait qu’ajouter un vernis religieux sur le processus, alors que la logique d’un néolibéralisme localisé écrase le peuple. En Turquie, une stratégie de croissance agressive du secteur privé se traduit également par un régime autoritaire, la même logique de brutalité policière comme l’arme principale pour réprimer l’opposition et toute tentative d’envisager des solutions alternatives. Au Brésil, un gouvernement enraciné dans une légitimité révolutionnaire a prouvé que son passé n’est qu’un masque dont il se pare alors qu’il s’associe avec le même ordre capitaliste dans l’exploitation des gens et, pareillement, de la nature.

Ces luttes récentes partagent le combat des batailles constantes beaucoup plus anciennes menées par les Kurdes et les peuples indigènes d’Amérique latine. Pendant des décennies, les gouvernements turc et brésilien ont essayé en vain d’anéantir la lutte de ces mouvements pour la vie. Leur résistance à la répression de l’État a été le précurseur de la nouvelle vague des protestations qui se sont propagées à travers la Turquie et le Brésil. Nous voyons une urgence à reconnaître la profondeur de chacune de ces luttes et nous recherchons des formes de rébellion à propager dans de nouveaux espaces, quartiers et communautés.

Nos luttes partagent le potentiel de s’opposer au régime global des États-nations. En temps de crise comme dans les périodes de prospérité, l’État — en Égypte sous le règne de Moubarak, de la junte militaire ou des Frères musulmans — continue de nous déposséder et de nous priver de nos droits afin de préserver et d’accroitre la richesse et les privilèges de ceux qui sont au pouvoir.

Aucun d’entre nous ne se bat isolément. Nous sommes confrontés à des ennemis communs au Bahreïn, au Brésil et en Bosnie, au Chili, en Palestine, en Syrie, en Turquie, au Kurdistan, en Tunisie, au Soudan, au Sahara occidental et en Égypte. Et la liste est longue. Partout ils nous traitent de voyous, de vandales, de pilleurs et de terroristes. Nous combattons plus que l’exploitation économique, la violence implacable de la police ou un système judiciaire illégitime. Ce n’est pas pour des droits ou une citoyenneté réformée que nous nous battons.

Nous nous opposons à l’État-nation comme outil centralisé de la répression, qui permet à une élite locale de nous sucer la vie et aux puissances mondiales de maintenir leur domination sur nos vies quotidiennes. Les deux travaillent à l’unisson avec des balles et des émissions de TV, et tout le reste. Nous ne préconisons pas d’unifier ou de créer des équivalences entre nos diverses batailles, mais c’est la même structure d’autorité et de pouvoir que nous devons combattre, démanteler et faire tomber. Ensemble, notre lutte est plus forte.

Nous voulons la chute du système.

Camarades du Caire

Source du texte en anglais : Jadaliyya Reports
en français : Des nouvelles du front

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