la voie du jaguar

informations et correspondance pour l’autonomie individuelle et collective


Rembobiner 3

dimanche 1er décembre 2013, par SCI Marcos

Où l’on explique le pourquoi de ce titre étrange et de ceux des textes qui suivront, où l’on narre l’exceptionnelle rencontre entre un scarabée et un être déconcertant (à savoir : plus déconcertant encore qu’un scarabée) et les réflexions non conjoncturelles que celle-ci a occasionnées, ainsi que la façon dont le Sup, profitant d’un anniversaire, tente d’expliquer, sans y parvenir, le regard que portent les zapatistes sur leur propre histoire.

Novembre 2013.

Aux personnes concernées,

Avertissement. Comme on l’a signalé dans le texte s’intitulant « Mauvaises et pas si mauvaises nouvelles », les textes qui précédaient ce dernier n’ont pas été rendus publics. Ergo, ce que nous allons faire, c’est « rembobiner » (ou, comme on dit, appuyer sur le rewind de la cassette) pour atteindre ce qui aurait dû être publié le Jour des morts. Une fois que ce sera fait, vous pourrez ainsi procéder à la « lecture » dans l’ordre inverse de l’ordre inverse dans lequel les textes apparaîtront, et alors comme ça vous obtiendrez… euh… Laissez tomber, même moi je me suis mélangé les pinceaux. L’histoire c’est de saisir l’esprit de « rétrospective », comme on dit ; autrement dit, de s’en aller vers là mais de revenir sur ses pas pour comprendre comment ça se fait qu’on a eu l’idée d’aller là-bas. C’est clair ? Ah non ?

Avertissement à l’avertissement. Les textes qui suivent ne font aucunement référence à des situations actuelles, conjoncturelles, transcendantes, importantes, etc., pas plus qu’ils n’ont d’implications ou de rapports avec la politique, ni rien de tout ça. Ce sont des textes « innocents », comme sont « innocents » les écrits de celui qui se fait appeler « le soup-commandant d’acier inoxydable » (autrement dit, mézigue). Toute ressemblance ou similitude avec des faits ou des personnes réelles n’est que pure schizophrénie… Mais oui, exactement comme la situation internationale et mexicaine, où il est évident que… OK ! OK ! OK ! On a dit pas de politique !

Avertissement au cube. Dans le cas fort improbable où vous vous sentiriez visé par ce qui est dit dans les lignes qui suivent, sachez que vous êtes totalement dans l’erreur… Ou alors que vous êtes un partisan honteux des diverses théories ad hoc du complot (ce qui peut se traduire par « pour chaque erreur, il existe une théorie du complot adéquate pour tout expliquer et répéter nos erreurs »).

Alors voilà :

P-S : La première rencontre de Durito et du Chat-Chien.

Durito avait un air grave. Non pas cette fausse mine grave affichée par un fonctionnaire quelconque d’un gouvernement quelconque. Non, il avait cette mine grave que l’on montre quand une peine profonde s’empare de notre visage et qu’il n’y a rien à y faire, si ce n’est pester… ou raconter un conte.

Don Durito de La Lacandone allume sa pipe. Don Durito, chevalier errant et erroné, réconfort des affligés, joie enchantée des enfants, impossible objet du désir des femmes et des zôtres, inaccessible modèle des mâles, cauchemar des tyrans et tyranneaux, thèse incommode des pédants ignorants.

Le regard extatique perdu dans la lumière de nos aspirations, presque dans un murmure, il me narre, pour que je puisse le coucher sur le papier :

L’histoire du Chat-Chien

(Comment Durito rencontra le Chat-Chien et ce qu’ils se dirent en ce petit matin au sujet des fanatismes.)

[C’est Durito qui parle ; les parenthèses sont de Marcos (NdT).]

À première vue, le chat-chien semble être un chien… Enfin, plutôt un chat… Ou peut-bien un chien… jusqu’à ce qu’il miaule… Ou alors un chat… jusqu’à ce qu’il aboie.

Le chat-chien est une énigme pour les biologistes du monde terrestre et marin (dans quelle classe d’êtres vivants doit-on ranger cette bizarrerie ?) ; un casse-tête pour les psychologues (aucune chirurgie neuronale ne permet de découvrir la zone cérébrale déterminant la chiennerie ou la chatterie) ; un mystère pour les anthropologues (des us et coutumes simultanément semblables et antithétiques ?) ; le désespoir de la jurisprudence (quels droits et quels devoirs échoient à l’être et au non-être ?) ; le Saint Graal de l’ingénierie génétique (impossible de privatiser un ADN aussi fuyant). En somme, le chaînon manquant qui mettrait à bas le darwinisme de laboratoire dans son ensemble, thèses de doctorat, symposiums, modes scientifiques en boucle.

Mais permettez-moi de vous conter ce qui s’est passé :

Comme de coutume, c’était le petit matin. Une pâle lumière suffisait à définir l’ombre. Silencieux, je marchais, accompagné des seuls méandres de la mémoire. Soudain, j’ai clairement entendu une voix qui disait :

« Un fanatique, c’est quelqu’un qui, par sa bravade, cache un doute. »

Non sans lui avoir d’abord donné raison dans mon for intérieur, je me suis approché de la voix et c’est là que je l’ai trouvé. Sans plus de présentations, je lui ai demandé :

— Ah ! Alors comme ça vous êtes… un chien !

— Miaou, m’a-t-il répondu.

— … Ou plutôt un chat, ai-je dit, saisi par le doute.

— Ouah, répliqua-t-il.

— Bon, d’accord, un chat-chien, dis-je et me suis-je dit.

— C’est ça, dit-il… Ou ai-je cru l’entendre dire.

— Et alors, comment va la vie ? lui ai-je demandé (et moi, j’ai retranscrit toute cette conversation sans hésitation, prêt à n’être étonné de rien, attendu que c’était là un scarabée qui me dictait cette singulière histoire).

— Par moments, ça vaut le coup, répondit-il avec une sorte de ronronnement. Par moments, comme chiens et chats, grogna-t-il.

— Il s’agit d’un problème d’identité ? dis-je en allumant ma pipe et me saisissant de mon smarretephone-tablette multitouch pour écrire (en réalité, ce n’est qu’un simple carnet à spirales, mais Durito se la joue hypermoderne — note du scribe).

— Nan, on ne choisit pas qui on est, seulement qui on peut être, aboya d’un air hautain le chat-chien. Et la vie n’est rien d’autre que cette complexe transition, réussie ou incomplète, d’une chose à une autre, ajouta-t-il avec un miaulement.

— Alors, chat ou chien ? ai-je demandé.

— Chat-chien, répondit-il comme on prononce une évidence.

— Et qu’est-ce qui vous amène dans ces parages ?

— Une femelle, qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ?

— Ah !

— Je vais vous chanter ça, parce que certains chats savent le faire.

— Euh !… Avant de pousser votre sérénade, dont je ne doute pas qu’elle soit un chant éminent à la dame qui habite vos pensées, pourriez-vous m’expliquer ce que vous disiez au début de votre participation à ce conte ?

— Le truc sur le fanatisme ?

— Oui, quelque chose comme quoi certaines personnes cachent leur doute concernant leur foi derrière une croyance irrationnelle.

— C’est ça.

— Mais comment faire pour éviter de se perdre dans ce miroir aux alouettes tourbillonnant qu’est le fanatisme ? Comment résister à la propagande et aux divers chantages qui poussent à s’installer et à militer dans le fanatisme religieux ou laïc, le plus anciens, certes, mais loin d’être le seul actuellement ?

— Simple, répondit, laconique, le chat-chien. En se refusant d’y entrer.

Construire beaucoup de maisons, chacun la sienne. Abandonner toute peur de la différence.

Car s’il y a quelque chose d’aussi malsain ou de pire qu’un fanatique religieux, c’est bien un fanatique antireligieux, le fanatisme laïc. Je dis que ce dernier peut être pire parce qu’il se donne comme alibi la raison.

Et, bien entendu, tous ses équivalents : en équivalent à l’homophobie et au machisme, la phobie de l’hétérosexualité et le fémisme. À quoi vous pouvez ajouter le long et cetera de l’histoire de l’humanité.

Les fanatiques de la race, de la couleur, du credo, du genre, de la politique, du sport, etc., sont, au bout du compte, des fanatiques d’eux-mêmes. Et tous partagent la même peur de ce qui est différent et enferment le monde entier dans la cage des options qui excluent toute nuance : « Si tu n’es pas comme ça, alors tu es le contraire. »

— Vous voulez dire, mon cher, que ceux qui critiquent les fanatiques du sport sont pareils ? interrompt Durito.

— C’est la même chose. Prenez par exemple la politique et le sport, tous deux professionnels (payés) : dans l’une comme dans l’autre, les fanatiques pensent que ce qui compte c’est le mot professionnel ; dans les deux cas, ils ne sont que de simples spectateurs qui applaudissent ou qui huent le camp adverse, qui fêtent des victoires qui ne leur appartiennent pas et qui pleurent des défaites qui ne sont pas les leurs ; dans les deux cas, ils disent que c’est la faute des joueurs, de l’arbitre, du terrain, de l’adversaire ; dans les deux cas, ils espèrent que « la prochaine sera la bonne » ; les fanatiques de l’une comme de l’autre pensent que si on changeait d’entraîneur, de stratégie ou de tactique, alors tous les problèmes seraient résolus ; dans les deux cas, on persécute les fanatiques du camp contraire, et dans un cas comme dans l’autre on veut ignorer que le problème réside dans le système.

— Vous parlez de football ? demanda Durito tout en saisissant un ballon signé de son propre autographe.

— Pas seulement de football. Partout, le problème c’est qui est aux commandes, qui est le patron, qui dicte les règles.

Dans un domaine comme dans l’autre, on méprise ce qui ne donne pas droit à un salaire : le football amateur ou de rue, la politique qui ne converge pas vers les urnes. « Si ce n’est pas pour gagner de l’argent, alors à quoi bon ? » se demandent-ils.

— Ah ! Vous parlez de politique ?

— Loin de moi cette idée. Quoique, par exemple, chaque jour il devient plus qu’évident que ce que l’on nomme « l’État national moderne » n’est qu’un tas de ruines vendu en pièces détachées et que les respectives classes politiques ne font que s’acharner à reconstruire, encore et encore, la cime d’un château de cartes effondré, sans se rendre compte que les cartes du bas sont complètement déchirées et usées, incapables de tenir debout, sans parler de pouvoir soutenir quoi que ce soit.

— Hum !… Ça va être difficile de faire rentrer ça dans un touite, dit Durito en comptant pour voir si ça fait plus de 140 caractères.

— La classe politique moderne se chamaille pour savoir qui sera le pilote d’un avion qui s’est écrasé depuis longtemps déjà contre la réalité néolibérale, assène le chat-chien et Durito acquiesce d’un hochement de tête.

— Mais alors, que faire ? demande Durito tout en rangeant pudiquement son fanion des Jaguars de Chiapas.

— Éviter le piège qui consiste à affirmer que la liberté, c’est de pouvoir choisir entre deux options imposées.

Toutes les alternatives fermées constituent un piège. Il n’y a pas que deux chemins, de la même manière qu’il n’y a pas que deux couleurs, deux sexes, deux croyances. De sorte que ni ici, ni là-bas. Mieux vaut créer un nouveau chemin qui va vraiment là où on veut aller.

— Conclusion ? demanda Durito.

— Ni chien, ni chat. Chat-chien, pour ne pas vous servir.

Et que personne ne juge ou ne condamne ce qu’il ne comprend pas, parce que ce qui est différent est une preuve que tout n’est pas perdu, qu’il reste encore beaucoup à regarder et à écouter, qu’il y a d’autres mondes encore à découvrir…

Le chat-chien s’en est allé, qui, comme son nom l’indique, possède les inconvénients du chien et ceux du chat… Et aucun de leurs avantages, pour autant qu’ils en aient.

L’aube se levait déjà quand j’ai entendu un mélange de miaulement et d’aboiement sublime. C’était le chat-chien qui chantait, faux, une ode à la lumière de nos meilleurs songes.

Et lors d’un autre petit matin, encore lointain sur le calendrier, qui sait, et dans une improbable géographie, elle, la lumière qui me réveille et me révèle, elle comprendra que des tracés occultes ont été créés tout exprès pour elle, qui ne lui seront peut-être révélés qu’à ce moment-là ou qu’elle reconnaît dès maintenant dans cet amas de lettres, et elle saura alors que peu importaient les chemins qu’ont parcourus mes pas : car elle fut, est et sera, toujours, la seule destination qui vaut la peine.

Ta, ta-da !

P-S : Dans lequel le Sup tente d’expliquer, sur un mode multimédia postmoderne, le regard que portent les zapatistes sur leur propre histoire ainsi que sur elles-mêmes et eux-mêmes.

Bon, d’abord il faut comprendre que pour nous, femmes et hommes, notre histoire n’est pas seulement ce que nous avons été, ce qui nous est arrivé, ce que nous avons fait. C’est aussi et surtout ce que nous voulons être et faire.

Cette précision faite, dans cette avalanche de médias audiovisuels qui va du ciné en 4D et des télévisions LED 4K aux écrans polychromes et multitouch des portables (qui montrent une réalité dans des couleurs qui, permettez-moi cette digression, n’ont rien à voir avec la réalité), nous pouvons alors situer, dans une improbable « ligne temporelle », notre manière de voir notre histoire à l’époque… du kinétoscope.

Oui, je sais que je suis remonté un peu loin, aux origines du cinéma, mais avec ce machin d’Internet et toutes ces wikis dont il fourmille et qui le submergent, vous n’aurez aucun mal à savoir de quoi je parle.

Parfois, il semblerait que nous nous rapprochons des formats 8 et super 8, mais même comme ça on est encore loin du format 16 mm.

Ce que je veux dire, c’est que notre manière d’expliquer notre histoire ressemble à une image animée d’un mouvement continu et répétitif, avec quelques variations qui donnent cette sensation d’immobilité en mouvement. Toujours attaqués et persécutés, toujours en résistance ; toujours en train d’être anéantis, toujours réapparaissant. C’est sans doute pour cela que les dénonciations des bases de soutien zapatistes, émises par le biais de leurs Conseils de bon gouvernement, sont si peu lues. C’est comme si on les avait déjà lues auparavant et que seuls changeaient les noms et le lieu.

Pourtant, là aussi nous montrons qui nous sommes. Par exemple, ici :

enlacezapatista.ezln.org.mx

Et, oui, c’est un peu comme si dans ces images en mouvement d’Edison, datant de 1894, dans son kinétoscope (Annie Oackley), nous étions la pièce de monnaie lancée en l’air tandis que Miss Civilisation nous tire dessus encore et encore (exact : le gouvernement, ce serait l’employé servile qui lance la pièce). Ou un peu comme si dans L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, des frères Lumière, de 1895, nous étions ces personnes qui restent sur le quai tandis que le train du progrès entre en gare, puis s’en va. À la fin de ce texte, vous trouverez quelques vidéos qui vous aideront à mieux comprendre ce que je veux dire.

Mais voilà que la collectivité que nous formons refait chacun des photogrammes, les dessine et les peint en fonction de la réalité que nous avons été et que nous sommes, souvent avec les différents noirs des persécutions et de la prison, avec les gris du mépris et avec le rouge de la spoliation et de l’exploitation. Mais également avec la couleur marron et vert que nous sommes, celle de la terre que nous sommes.

Quand quelqu’un d’extérieur à notre mouvement regarde notre « film », en règle générale on a droit au commentaire « Quelle tireuse si habile ! » ou « Quel employé téméraire, qui lance une pièce en l’air sans craindre d’être blessé ! » ; mais jamais personne ne dit rien de la pièce de monnaie.

Ou quand c’est le train des frères Lumière, on entend : « Regarde-moi ces crétins ! Pourquoi restent-ils sur le quai au lieu de monter dans le train ? » Ou encore : « Nous avons là une preuve supplémentaire que les indigènes en sont où ils en sont parce qu’ils ne veulent pas progresser. » D’autres encore lancent un « Tu as vu les vêtements tellement ridicules qu’ils portaient à l’époque ? ». Mais si quelqu’un daignait nous demander pourquoi nous ne montons pas dans ce train, nous lui répondrions que c’est « parce que les stations suivantes se nomment “décadence”, “guerre”, “destruction” et que le terminus c’est “la catastrophe”. La question pertinente à poser n’est pas pourquoi nous, nous ne montons pas, mais plutôt pourquoi vous, vous ne descendez pas ».

Les gens qui viennent séjourner chez nous pour nous regarder nous regarder, pour nous écouter, pour nous apprendre à l’école, découvrent que, dans chaque photogramme, les femmes et les hommes zapatistes ont inséré une image qui reste imperceptible à première vue. Comme si le mouvement apparent des images masquait ce quelque chose de spécial contenu dans chaque photogramme. Ce quelque chose qui ne se voit pas dans le déroulement quotidien, c’est l’histoire que nous serons. Et vous pouvez toujours chercher un smarretephone capable de capturer ces images : il n’y a qu’un cœur très grand qui permette de les voir.

Évidemment, il y a toujours quelqu’un pour venir nous rétorquer qu’on a inventé des tablettes et des portables équipés de caméras devant et derrière, aux couleurs plus vives que celles du monde réel, qu’il existe maintenant des caméras et des imprimantes en troisième dimension, et qu’il y a le plasma, le LCD et les Led, et que la démocratie parlementaire, et que les élections et les partis politiques, la modernité, le progrès, la civilisation...

Et que nous ferions mieux de laisser tomber ce machin du collectivisme (qui, en plus, rime avec primitivisme) : que nous abandonnions cette obsession pour la protection de la nature, le discours de la terre-mère, l’autogestion, l’autonomie, la rébellion, la liberté.

Ils nous débitent tout cela en laissant maladroitement paraître le fait que c’est dans leur modernité que l’on perpètre les crimes les plus atroces ; que c’est là que des enfants sont brûlés vifs et que les pyromanes sont députés et sénateurs ; que c’est là que l’ignorance feint de régir le destin d’une nation ; que l’on y détruit les sources d’emploi ; qu’on y persécute et calomnie les professeurs ; qu’un gros mensonge y est occulté par un autre plus gros ; qu’on y récompense et encense l’inhumain et que toute valeur éthique et morale y est considéré un symptôme d’« arriération culturelle ».

Pour les grands médias d’argent, ce sont eux les modernes, et nous les arriérés. Ce sont eux les civilisés, et nous les barbares. Ce sont eux qui travaillent, et nous les fainéants. Ce sont eux les « gens bien », et nous les parias. Ce sont eux les sages, nous les ignorants. Eux qui sont propres, nous qui sommes sales. Eux qui sont beaux, nous qui sommes laids. Ce sont eux qui sont les bons, nous qui sommes les méchants.

Et tous ils oublient, elles et eux, ce qui est fondamental : cette histoire est notre histoire, notre façon de la voir et de nous voir, notre façon de nous penser, de faire notre propre chemin. Cette histoire est à nous, avec nos erreurs, nos chutes, nos couleurs, nos vies, nos morts. C’est notre liberté.

Voilà ce qu’est notre histoire.

Parce qu’il faut savoir que quand nous les zapatistes, tous et toutes, nous dessinons une clef en bas et à gauche dans chaque photogramme de notre film, nous ne pensons pas en quelle porte ouvrir, mais en quelle maison avec quelle porte il faut construire pour que cette clef ait une raison et un but. Et si la bande sonore de ce film a un rythme polka-ballade-corrido-ranchera-cumbia-rock-ska-métal-reggae-trova-punk-hip-hop-rap-et-ceux-que-l’on-voudra-ajouter, ce n’est pas parce que nous n’avons aucune notion de musique. C’est parce que la maison en question sera de toutes les couleurs et possèdera tous les sons. Alors existeront des regards nouveaux et des oreilles inédites qui comprendront notre acharnement… Même si nous ne sommes plus que silence et ombre dans ces mondes à venir.

Ergo, nous, nous avons l’imagination ; eux, ils n’ont que des schémas avec des options fermées.

C’est pour cela que leur monde s’effondre. C’est pour cela que le nôtre resurgit, tout comme cette petite lueur que sa petite taille ne rend pas pour autant plus faible quand elle suffit à abriter l’ombre.

Bien. Salut, et que notre anniversaire soit heureux, c’est-à-dire, en lutte.

Le Sup, qui se fait des nœuds avec toutes les vidéos qu’il doit inclure pour, comme on dit, mettre une bougie sur le gâteau — gâteau qui n’en touche pas mot mais qui se sait trentenaire.

Mexique, le 17 novembre 2013.
Trentième anniversaire de l’EZLN.

Vidéo qui raconte l’histoire du « Chien qui était un chat à l’intérieur »,
de Siri Melchior. Royaume-Uni, 2002.

Très brève référence au début du cinéma.
Ne ratez pas le mini-court métrage Annie Oackley [1], secondes 20 à 26.

L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat,
des frères Lumière, 1895.

Pour quelqu’un qui fête son anniversaire
d’une manière aussi « autre » que l’est l’ézétaéléène :
Las Otras Mañanitas (Les Autres Matins),
avec Pedro Infante et les Beatles.

Traduit par SWM.

Source du texte d’origine :
Enlace Zapatista

Notes

[1Annie Oackley, née Phoebe Ann Moses (1860-1926). L’une des plus célèbres tireuses de « l’Ouest américain », connue pour sa redoutable précision. En 1885, elle rejoint le Buffalo Bill Wild West Show avec son mari, Frank E. Butler (1850-1926), qu’elle avait épousé en 1876 après l’avoir vaincu avec un sans-faute (25 sur 25 contre 24 pour Butler) dans le spectacle itinérant ce dernier. NdT.

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