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Salut d’Oaxaca, le 27 février 2007

mercredi 28 février 2007, par Victor

Salut à toutes et tous,

J’ai quitté l’assemblée le lundi 12 février vers 6 h 30, le jour se levait et les travaux de la quatrième table (les derechos humanos) n’étaient pas encore terminés, les derniers participants étaient en train de se mettre d’accord sur le plan d’action et il manquait encore l’ultime numéro de la clôture... Faut dire que ça avait pris du temps de se mettre d’accord à la table 3, plusieurs heures sur le thème controversé de « la conjoncture électorale », trouver un consensus impossible sans sombrer obligatoirement dans de multiples contradictions.

Chacun des participants est resté déçu et un peu plus fatigué... Le sujet était délicat et risquait la division définitive, ce qui signifierait, chacun l’avait en tête, la fin de l’APPO.

L’après-midi dans le grand gymnase lumineux, après l’acte d’inauguration et le salut de bienvenue aux 300 participants, aux 59 conseillers et aux 52 invités présents de la première assemblé de l’APPO, j’avais justement choisi de m’installer à la table 3 pour identifier ceux qui sont prêts à compromettre l’Assemblé populaire dans le jeu politique et connaître mieux ainsi ceux dans lesquels je me reconnais.

Par chance, parmi les trois modérateurs de la table 3, il y avait Dolores, du CIPO, et Ali Brije, des « barricades ». Pendant la discussion, évidemment très vite, deux blocs et deux positions se sont formés. Nous connaissons les raisonnements de ceux qui rêvent du pouvoir et leurs manières de procéder. Sous le pauvre et malheureux argument de participer aux élections pour une raison « tactique », ils sont prêts à prostituer ce mouvement. Comment faire accepter l’idée à un peuple qui s’est rebellé contre son gouverneur et ses institutions pendant de longs mois que la meilleure voie pour sortir de la crise est de participer aux élections ? Pour imposer leurs vues, ils avaient déployé l’artillerie lourde et avaient, du moins le croyaient-ils, préparé le terrain et invité les esprits à se soumettre à leurs ambitions politiques : depuis plus d’une semaine avant le rendez vous de l’assemblée, la presse affirmait que l’APPO avait décidé de participer au processus électoral et le PRD promettait 12 sièges de députés au mouvement populaire. Les défenseurs de l’option électorale voulaient grossièrement placer l’assemblée devant le fait accompli. À la table 3, Ali a dénoncé le fait que des membres du conseil de l’APPO étaient en train de traiter avec le Frente Amplio de Lucha Popular (FALP) pour se partager des circonscriptions et que le FALP (membre de l’Assemblée populaire) était en train de négocier avec le gouvernement d’Ulises Ruiz des avantages financiers pour son organisation. Remuant ainsi la merde, il s’est vite retrouvé la cible des attaques plus ou moins voilées de ces organisations compromises qui, à partir de ce moment, ont commencé contre lui des contestations infantiles qui avaient comme objet de le discréditer (principalement, on lui reprochait de ne pas être à sa place de modérateur alors qu’il vaquait ici et là). L’offensive des « politiques » s’est fait sentir contre ceux qui s’opposaient plus ouvertement à leurs projets. Présumant de leur forces et affirmant par avance être représentatifs du désir de la majorité de la population d’entrer dans le jeu électoral, ils dépréciaient et minimisaient la représentation dans le mouvement des jeunes des barricades et des quartiers, dont la présence participative dans l’assemblée était remarquée.

De nombreuses interventions déterminantes, contraires à leur point de vue allaient dans le sens d’une non-participation. Ceux qui ne partagent pas l’idée d’entrer dans l’arène électorale argumentent du fait que les partis politiques ont créé des divisions dans les communautés et que les élections sont des processus qui engendrent de la violence, que les conditions ne sont pas réunies pour des élections propres, qu’il serait plutôt nécessaire de créer d’autres types de relations, l’on parle d’autogestion, d’autonomie... Les électoralistes sont restés obstinés dans leurs certitudes, mais on a pu observer comment, petit à petit, ils perdaient en même temps patience et leur assurance présomptueuse de la bonne marche de leurs affaires, alors que se dessinait une majorité pour ne pas collaborer au futur processus électoral (déjà, lors de la Première Assemblée régionale des peuples de l’Isthme, qui s’est tenue à Ixtepec les 27 et 28 janvier, une large majorité s’était décidée à ne pas participer au processus électoral).

Les deux camps sont restés irréconciliables jusqu’au bout et il a été décidé, à ce stade, qu’un accord consensuel serait éventuellement trouvé au moment de la plénière en ce qui concernait cette prise de position. Les points d’entente ont été que le processus électoral ne doit pas diviser l’APPO, que sa lutte doit aller plus loin, que l’on ne doit pas se fier aux partis politiques, qu’il faut respecter les accords pris en assemblée constitutive, que l’on peut appeler au vote « de castigo », élaborer un plan d’action... et quelques autres dont je n’ai plus le souvenir.

Le moment de la plénière est arrivé après le repas. Le résumé et les conclusions de la table 1 (situation organique de l’APPO) ont duré assez longtemps du fait que les participants à l’assemblée ont débattu longuement sur la révocation des mandats des membres du conseil de l’APPO (une soixantaine d’entre eux étaient présents à l’assemblée sur les 270 que compte l’APPO). En fin de compte, il a été convenu de convoquer par écrit les membres du conseil pour la prochaine assemblée, que chaque commission devra élaborer un plan de travail, révocation des « conseillers » qui ne remplissent pas leur tâche (accompagné de tout un processus bureaucratique pour les virer), création d’une commission « honneur et justice » pour résoudre les problèmes délicat qui se présentent de remplacement des membres du conseil qui sont toujours prisonniers, il a été décidé de réaliser une assemblée mensuelle. Les participants se sont mis aussi d’accord sur la nécessité de renforcer la communication entre les différents conseils. Il a été décidé d’amplifier ces conseils de nouveaux délégués venant des régions et de créer le poste de coordinateur, nommé par les assemblées régionales. Il a été établi de fortifier l’APPO dans les régions, de même les membres du conseil de la section 22 du syndicat enseignant sont invités à se joindre au conseil de l’APPO. L’assemblée s’est aussi mise d’accord pour intégrer une commission de liaison (enlace) avec l’Assemblée populaire des peuples du Mexique. De plus, il a été proposé et repris l’idée d’une caisse de soutien pour aider ceux qui viennent de loin assister aux marches et aux réunions, il a été demandé de rendre des comptes clairs à chaque assemblée, d’avoir une « officine » (un local d’information), il a aussi été décidé que quelques membres du Comité des familles de prisonniers et de disparus de l’Oaxaca (Cofadapo) se joignent aux membres du conseil de l’Assemblée populaire.

Au sujet des prisonniers, le Cofadapo est intervenu dans le débat pour demander plus de soutien de la part de l’APPO (un seul membre du comité juridique de l’APPO pour tenter de résoudre le problème des prisonniers et des disparus), de plus a été dénoncée devant l’assemblée l’attitude de certains membres du conseil qui ont fait venir jusqu’à Mexico des membres du Cofadapo pour parler de la situation des prisonniers et recueillir quelques soutiens financiers, car, après avoir effectué ces démarches, ils ont été abandonnés sur place sans recevoir, de la part des organisateurs, l’aide financière promise. En fait, la dénonciation s’adressait au Frente Popular Revolucionario (FPR), qui tient sous sa coupe, il semblerait, le plantón installé à Mexico...

La réaction du FPR n’a pas tardé... Sans chercher à se justifier, il a dénoncé l’« imposture » des deux jeunes filles qui avaient précédemment témoigné. L’oratrice qui accusait les jeunes filles du Cofadapo a lâché le micro et d’un même mouvement s’est précipitée sur le petit groupe formé par le Comité des prisonniers. L’assemblée, à ce moment-là, a chaviré une première fois et la confusion a régné pendant quelques minutes sans que le problème s’éclaircisse...

Durant les travaux de la table 2 (transformation profonde de l’État), il a été évidemment question de pouvoir, de pouvoir populaire... Pour ma part, j’ai surtout apprécié l’intervention d’un dénommé Sergio, de l’Université de la Terre, qui a remis en question le terme et le concept même de pouvoir. Mais une grande majorité a accepté l’idée du « pouvoir populaire » dans les domaines économique, politique et social, tout en recherchant de nouvelles formes de gouvernement respectant l’autonomie des peuples, construisant depuis le bas pour ceux d’en bas...

Il a été clairement établi que les partis politiques ne sont pas la voie pour changer le pays, qu’il ne faut pas faire le jeu du discours officiel de la « réforme de l’État », qu’il est nécessaire de détruire les institutions du capitalisme, que le « pouvoir populaire » implique de diriger des territoires, d’utiliser des moyens de communication, d’administrer l’économie, de conduire la politique culturelle et sociale... Il a été dit que les décisions devront être prises de manière collective par les assemblées et qu’il fallait renforcer et défendre les assemblées communautaires. Les débats ont tourné assez longtemps autour des communautés indigènes et il a été décidé que la transformation profonde de l’État devait nécessairement se discuter et s’enrichir depuis les régions et les communautés, que l’on devait récupérer les traditions et les coutumes des villages, comme le tequio, les fêtes, la forme assembléiste, l’autogestion et l’autonomie. Dans ce sens, l’assemblée de l’APPO s’est engagée à soutenir les communes autonomes.

Au sujet des communautés indigènes, il est révélateur qu’une proposition, présentée comme « talleres de concientisacion » en direction des communautés, s’est retrouvée transformée, après discussion, en « Desarollar procesos de reflexion de la situacion de los pueblos, respectando la cosmovision de los pueblos originarios, porque en el pueblo radica la sabiduria » (littéralement, « développer des processus de réflexion de la situation des peuples respectant la cosmovision des peuples originaires parce que c’est dans le peuple que se situe la sagesse »)... Ce qui est bien significatif, à mon avis, de la division dans l’assemblée et de deux modes de pensée opposés. Certains ne renonceront jamais à « conscientiser les masses »...

Pendant le compte rendu de la table 2, l’assemblée a décidé de fixer comme priorité dans ses revendications :

  • le départ et l’emprisonnement d’Ulises Ruiz ;
  • la libération des prisonniers ;
  • la réapparition en vie des disparus ;
  • l’indemnisation aux familles des tués de ce mouvement et des mouvements antérieurs ;
  • l’annulation des ordres d’appréhension.

Les points qui sont restés en suspens ont été de savoir si l’APPO doit ou non participer au quatrième dialogue national et de savoir si les grands drapeaux des organisations politiques peuvent s’exhiber durant les manifestations. La discussion prenant trop de temps, il a été décidé de résoudre ce point lors une prochaine assemblée.

Le résumé des débats de la table 3 a commencé vers 21 heures. Les modérateurs ont exposé à l’assemblée les débats de l’après-midi, signifiant l’absence de consensus sur la question de participer ou non au prochain processus électoral. À ce moment-là est arrivé, dans une grande marmite, un café bien chaud. Inévitablement, une bonne partie des participants s’est détournée du débat pour se former en longue queue pour attendre d’apprécier ce breuvage bienvenu. Le café a fini par l’emporter tout à fait quand Zenen, le président de l’assemblée, a levé les débats le temps d’une pause.

Le calme avant la tempête...

Le pari risqué était d’arriver à un accord « consensuel » sans diviser l’APPO... Deux positions se sont formées et les prises de parole se sont enchaînées comme les heures qui défilaient. Ceux qui défendent l’idée d’entrer dans le jeu politique des élections d’août sont les organisations politiques (FPR, CODEMO, FALP...), qui cherchent clairement à renforcer leur propre parti et leurs intérêts. Ils sont peu nombreux en fin de compte mais tiennent l’organisation de l’assemblée et une bonne partie de « l’appareil » de l’APPO, à savoir, les conseils et le rôle de porte-parole.

Ils auront tout tenté pour arriver à leurs fins et imposer leur projet. Ils ont usé des procédés les plus sales et les plus staliniens. Nous avons dû supporter des discours paternalistes ou maternalistes (au choix...). Ils ont cherché la provocation et, à un moment, espérant la réaction violente des jeunes, par les bons offices de la salope de Guadalupe (FPR), ils s’en sont pris plus directement à Ali, l’accusant d’être un flic (tout en affirmant qu’ils n’avaient pas de preuves, mais que...) quand Ali va de tous côtés alors que les jeunes des barricades se planquent pour éviter d’être appréhendés... L’assemblée, surprise devant une manœuvre aussi nauséabonde, a vivement clamé en chœur sa désapprobation en chavirant de nouveau... De justesse, le naufrage et la bagarre ont été évités et après quelques minutes, une fois le calme rétabli, Ali a exercé son droit de réponse. Très dignement, et sans tomber dans la grossière tentative de provocation, il a répondu que ceux qui usent de ce genre d’arguments se discréditent eux-mêmes, il a parlé de dignité, de cœur... une intervention parfaite, des mots justes qui ont achevé de déconsidérer complètement ceux qui avaient lancé l’accusation diffamante. Fallait voir leurs gueules... de frustrés et de conspirateurs...

L’assemblée, malgré la fatigue, s’est montrée vigilante et attentive jusqu’au bout, de nombreuses argumentations développées se sont prononcées pour ne pas participer au cirque électoral. Des voix qui affirment que jamais dans l’histoire, par ces processus électoraux, on a pu obtenir quelque chose de favorable et que, au contraire, ils ont servi pour corrompre les leaders sociaux. De même, il a été entendu de fortes critiques du PRD et de son rôle néfaste joué contre les accords de San Andrés, en signant la loi indigène, contre les zapatistes dans différentes régions du Chiapas, contre les mineurs de Sicartsa, et pendant la répression d’Atenco. Il y a eu encore de nombreux et variés points de vue qui se sont exprimés contre l’idée d’entrer dans le jeu électoral et il se révélait de plus en plus clairement qu’une assez grande majorité n’était pas en faveur de participer au grand cirque.

Finalement, tout au long des rondes de prises de parole, l’assemblée a trouvé petit à petit un accord... et dans la douleur a accouché...

D’emblée, il est dit que le futur processus électoral ne doit pas diviser l’APPO et que pour cela une posture unitaire et des accords consensuels doivent être trouvés. Il a été reconnu que l’Assemblée populaire est un mouvement social pluriel et incluant qui, de ce fait, ne participera pas aux prochaines élections en tant que tel. D’un autre côté, il a été accepté que les organisations qui choisiront de participer aux élections pourront le faire et il leur a été bien précisé qu’elles devront y aller en leur propre nom. De plus, il a été décidé que ceux qui participeront en se portant candidat devront démissionner de leur poste de « conseiller » de l’APPO. Mais, en même temps, celle-ci appellera les futurs candidats à ce qu’ils s’engagent sur une plate-forme de lutte rédigée en une vingtaine de points et plutôt contraignante, où il est dit, notamment, que le futur élu devra apporter la moitié de son traitement et promettre d’appuyer une loi en faveur de la baisse des salaires des députés et des fonctionnaires publics... toutes sortes de conditions bien incommodes, sans rien en retour, je ne vois pas bien qui pourrait accepter...

Bon, c’est sûr, y en a qu’ont les dents longues et qui, pour rien au monde, ne renonceront aux ambitions politiques et au pouvoir, fût-il populaire et surtout pas les organisations politiques comme nous avons pu le voir ici.

Sur le même thème du futur processus électoral, l’assemblée a décidé d’appuyer le vote de castigo contre Ulises Ruiz, sans préciser contre qui il devait s’appliquer... suggérant par là qu’il pouvait être dirigé contre les candidats PRD qui font le jeu du gouvernement assassin... Il a bien été dit que l’on ne pouvait pas avoir confiance dans les partis politiques et que la lutte de l’APPO va plus loin que le processus électoral et, dans ce sens, il a été indiqué que la mobilisation devait rester une des formes principales de la lutte. L’APPO réaffirme son caractère pluriel, ample, démocratique et indépendant de l’État et des partis politiques... Elle estime qu’il est nécessaire de respecter les accords et les principes de l’assemblée constitutive du mois de novembre. Elle propose, en outre, d’approfondir les politiques d’alliances en respectant strictement les accords pris au congrès constitutif (où il est dit, entre autres, que l’APPO peut s’allier à des partis politiques, à condition qu’ils ne soient pas du PAN ni du PRI...).

Il est incontestable que l’accord final conclu dissimule en son sein des contradictions. Contradiction et paradoxes s’exprimant inévitablement quand on cherche absolument un accord consensuel de deux positions antagonistes.

J’estime que, durant ce marathon verbal, l’assemblée s’est montrée très attentive et réfléchie. Elle n’a pas succombé aux rengaines électorales qui ont résonné de façon lancinante dans les débats. Pour ma part, je ne suis pas sûr que les accords passés suffiront à ne pas diviser l’APPO, d’autant plus qu’il est bien certain que les organisations politiques et leurs complices n’abandonneront pas l’affaire ni ne renonceront à leurs ambitions de pouvoir, qu’ils tenteront par tous les moyens de reprendre la main pour presser l’APPO d’aller danser au bal électoral. La tronche déconfite et défaite, ils complotaient tandis qu’ils voyaient leurs rêves de pouvoir s’évanouir irrémédiablement. J’ai eu la vision, et je ne suis pas le seul, que ces gens-là pouvaient être dangereux et qu’Ali, à remuer la merde comme il l’a fait et par ses interventions pertinentes, risquait bien de s’attirer des ennuis à force... Miguel est intervenu à propos, et son intervention suggérait une mise en garde au FPR, en faisant de chacun les responsables de la sécurité des membres de l’assemblée.

Les lueurs de l’aube se levaient tandis que commençait la lecture du résumé de la dernière table. Une partie de l’assemblée était maintenant allongée sur la moquette grise recouvrant le parquet de basket, à moitié attentive des débats qui continuaient...

J’ai choisi de partir à ce moment-là, laissant les orateurs à leurs bavardages et à leurs raisonnements. Il faisait déjà jour et, dans la rue qui s’animait, les gens se pressaient à rejoindre leur boulot comme un quelconque lundi matin n’importe où dans le monde...

J’ai su plus tard que, durant les discussions en rapport avec la table 4 sur le thème des « droits humains », les familles des prisonniers et des disparus ont réitéré leurs accusations d’avoir été manipulées par le FPR lors de leur tournée d’information au District fédéral (Mexico). Il paraît que l’assemblée, ce matin-là, a chaviré une troisième fois à ce propos...

C’est peut être pour cela que les accords pris ont été dans le sens d’une plus grande solidarité envers les détenus et leur familles. L’assemblée demande aux maîtres d’école et aux conseillers de l’APPO de se concentrer prioritairement sur le problème des détenus, des disparus, des assassinés et des persécutés. En même temps, l’assemblée détermine de renforcer et d’appuyer la commission juridique et des droits humains de l’APPO. Il est affirmé explicitement qu’ils ne se laisseront pas manipuler par les organisations et encore moins par les partis politiques, et que personne n’a le droit de profiter de la douleur des familles pour récupérer de l’argent.

À quelques jours de là, une autre assemblée de « conseillers » avait été convoquée afin de rédiger le résumé des débats et les accords décidés pendant les deux journées et la nuit de l’assemblée plénière. J’y suis allé passer une bonne partie de la journée... C’était pénible et affligeant mais néanmoins saisissant (et prévisible !) de voir comment les organisations politiques avaient décidé, en se servant de l’appareil des conseils, de reprendre l’affaire en main. Il n’y avait que leurs membres comme modérateurs à la table qui présidaient aux débats. La discussion était dirigée par Mario, qui avait le rôle de président de l’assemblée des « conseillers ». C’est un grand spécialiste de la manipulation, on fait appel à lui dans les situations délicates et il sait user d’autorité pour arriver à ses fins. On l’a déjà vu manœuvrer...

De nouveau, quand je suis arrivé, Ali Brije était la cible de critiques. On lui reprochait de s’être autoproclamé, face à la presse, nouveau porte-parole de l’APPO (en assemblée plénière, il avait été décidé qu’Ali, au nom des barricades, et un autre compañero de Radio Universidad intègrent la commission « presse et propagande » afin de faire entendre un autre point de vue en ce qui concerne les futures élections). On l’a blâmé et désapprouvé, sans pour cela relever que le porte-parole « officiel », Florentino (FPR), avait, quelques semaines auparavant, gravement outrepassé son rôle de porte-parole en ayant affirmé mensongèrement à la presse que l’APPO allait entrer dans le jeu électoral... Bref, il est apparu nettement que les organisations politiques désirent au plus haut point maintenir leur domination sur certaines commissions en espérant de cette manière contrôler l’Assemblée populaire des peuples de l’Oaxaca.

De nouveau, ils s’en sont pris aux jeunes, se plaignant de leur agressivité lors de l’assemblée passée, exhibant impudiquement leurs bleus et nous faisant entendre jusqu’à l’écœurement des discours bien réactionnaires sans jamais qu’il soit dit que se sont les jeunes qui ont été victimes des provocations. Il apparaît franchement que les organisations politiques cherchent la rupture avec les jeunes, les rendant responsables de leur bérézina et de l’échec de leurs plans.

En fin de journée, alors qu’un grand nombre de participants étaient déjà partis et que les organisations politiques étaient outrageusement majoritaires, le maître en manipulations qui officiait à la table a fait passer en force, en la proposant au vote malgré les contestations de procédures qui s’exprimaient (et qui n’ont pas été prises en compte), une résolution qui interdit dorénavant aux observateurs et aux invités d’assister aux débats de l’assemblée... (Une décision qui revient à l’assemblée et non aux conseillers !) La salope de Guadalupe était en train d’observer attentivement la réaction de l’unique observateur reconnu des lieux...

Il est bien vrai qu’ils ne veulent pas de témoins de toutes leurs saloperies et de leurs manipulations d’un autre siècle. Et je pense qu’à la prochaine assemblée, sans témoins et appuyés de porros pour avoir la majorité dans la réunion, ils régleront leurs comptes aux jeunes, s’ils sont toujours là, et tenteront à nouveau de dresser des plans de campagne... À voir... Les « jeunes » ne sont pas les seuls à s’opposer à leurs projets...

Ce qui est évident par contre, c’est que l’APPO s’est discréditée aux yeux de certains et nombreux sont ceux qui ne s’y reconnaissent plus. Notamment beaucoup de jeunes grapheurs qui ont subi l’intolérance de ceux en charge de la sécurité durant les dernières mégamarches. On entend de fortes critiques sur son fonctionnement et sur sa tentation d’entrer dans le jeu électoral. Pour ma part, je pense que l’APPO est toujours un processus en construction, qu’il y a plusieurs « APPO », comme autant d’organisations qui la composent, même s’il est vrai que les organisations politiques, en contrôlant certaines commissions et la charge de porte-parole, tentent d’imposer leurs points de vue. Corrompant ainsi l’esprit même de l’Assemblée populaire des peuples de l’Oaxaca.

Les futures élections se sont greffées à l’ordre du jour et ont commencé à semer leur merde. Sans avoir réussi à diviser l’APPO, elles sont, du moins, parvenues à exacerber les divergences de vues et de pensées et les points de frictions...

À suivre... donc.

Cette lettre est un peu longue, comme l’ont été les réunions des assemblées successives... mais je voudrais ajouter quelque chose avant de terminer et de vous ennuyer complètement : vous faire la proposition de réagir, en écrivant à l’assemblée, contre cette décision d’interdire la présence d’invités ou d’observateurs pendant les discussions de l’assemblée, ce qui prouve, à mon avis, une manière de contrôler et de censurer la parole et les points de vue différents ou contraires, je pense que nous pouvons dire quelques chose sur ce sujet qui nous concerne tous directement. Ce peut être une proposition à faire aux collectifs et aux personnes plus directement concernées... Qu’en pensez vous ?

Je vous parlerai bientôt, dans une prochaine lettre, d’un projet enthousiasmant qui se prépare par ici. Dès qu’il sera un peu plus élaboré et qu’il aura été rendu public, je vous le ferai savoir, car il se pourrait bien que vos contributions solidaires soient bienvenues.

D’autre part, en mon nom personnel, j’ai proposé à quelques commissions de l’APPO, à la Cofadapo et à d’autres de participer à la conception d’une exposition itinérante en Europe pour raconter l’histoire et le présent du mouvement populaire de l’Oaxaca...

À bientôt donc...

Victor

P-S solidaire.

Voici le nouveau numéro de compte de la Cofadapo,
au nom de :

Esperanza Ofelia Cruz,
Banamex suc. : 120
numéro de compte : 7863986
numéro de Swift : BNMXMXMM
Av. Hidalgo # 821 Centro CP 68000 Oaxaca de Juárez

P-P-S plus particulièrement français.

Durant l’assemblée plénière des 10 et 11 février, nous avons appris que quelques « commissionnés » de l’APPO avaient fait une tournée en France fin janvier et début février, invités par la fondation France Libertés de Danielle Mitterrand pour parler de la situation sociale qui se vit ici, dénoncer la répression et l’impunité, et promouvoir l’idée que le mouvement de l’APPO ne se « réduit pas à un groupe d’anarchistes et de délinquants »...

À la rencontre du Parti communiste, des médias officiels de communication, de députés, d’intellectuels, de sociologues, et de personnalités hors du commun, ils ont décidé qu’une commission organisée par la fondation française visitera avec des journalistes l’État d’Oaxaca au mois de juillet. Ils se sont encore mis d’accord pour étudier de plus près, avec l’aide de sociologues et d’intellectuels européens, le mouvement populaire comme un exemple d’organisation populaire, pacifique et participative dans cette période de crise global du système représentatif... Ça va être beau... Ils ne renonceront jamais à conscientiser les masses informes...

Je ne sais pas si c’est en rapport avec la visite en Europe de « conseillers », mais était présente à l’assemblée une délégation de deux jeunes communistes... Un couple pas si jeune et sérieux, comme il se devrait pour de jeunes communistes. Ils ont pris des notes et filmé une bonne partie des débats. Le gars avait l’air triste, un peu désolé, ou peut-être souffrait-il de la turista ?

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