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Vous écoutez Radio Insurgente

mardi 18 janvier 2005, par Gloria Muñoz Ramírez

« Bonjour. Tu écoutes Radio Insurgente, la voix des sans voix. La voix officielle de l’Armée zapatiste de libération nationale (ELZN). Il est 4 heure du matin, heure de combat dans le Sud-Est. »

La lumière du jour n’apparaît pas encore, les femmes jettent les premières tortillas dans le comal [1], et les hommes se préparent à aller travailler dans les champs de maïs, tandis que les enfants continuent à dormir en files de trois, cinq ou même dix dans une chambre étroite, au toit de tôle et au sol en terre.

La seule lumière dans ce hameau zapatiste est celle qui provient des fourneaux tout juste allumés, et le silence est presque total. Les femmes s’éloignent quelques instants du comal, et règlent leurs vieux postes radio. « On voit déjà l’horizon, combattant zapatiste, le chemin sera tracé pour ceux qui viendront après... », entend-on à la radio. Tout de suite après se fait entendre une voix claire, nette, d’une indigène insurgée : « Bonjour. Vous écoutez Radio Insurgente... Nous espérons que vous allez bien, compañeros et compañeras, vous qui résistez, où que vous soyez. Aux bases d’appui de l’EZLN : nous vous demandons de rester calmes et de faire votre travail. À ceux qui ne sont pas zapatistes : nous vous saluons également. Vous écoutez la voix des sans-voix. »

L’animatrice insurgée, une femme qui combine le fusil et le microphone, annonce alors une partie de la programmation du jour : « Aujourd’hui, nous écouterons des programmes avec notre parole, la parole de l’EZLN, nous aurons aussi les dédicaces de vos musiques préférées, et les messages que vous envoyez. Nous transmettrons aussi des programmes sur la santé, pour ne pas tomber malade et pour nous soigner ; en plus des programmes sur le travail et les droits des femmes, et beaucoup d’autres choses encore... Souvenez-vous que vous écoutez Radio Insurgente, et que nous sommes une radio libre faite pour le peuple, pour que tout le monde connaisse ses luttes. »

La femme devant le comal prépare des tortillas et écoute en même temps. Sa fille, une adolescente, non seulement écoute, mais on la dirait gagnée par l’impatience. Arrive le moment des messages et des dédicaces, et on finit par comprendre ce qui la rend inquiète. On entend à la radio : « Nous avons ici une petite lettre qui est arrivée jusqu’à ce studio, et c’est avec grand plaisir que nous allons la lire : Bonjour à Rosa, de la commune autonome San Pedro Michoacán, pour elle je voudrais vous demander la chanson La Carcel, par les Bukis. Merci de la passer les 8, 9 et 10 de ce mois, à 6 heures du matin, 8 heures et à midi, car elle écoutera Radio Insurgente à ce moment-là. Bonjour au sous-commandant Marcos, à tous les insurgés et à toutes les bases d’appui... », signé Pablo, de la même commune autonome.

Les yeux de l’adolescente brillent alors, la femme devant le comal semble indifférente, et l’homme de la maison, qui n’a pas dû trouver drôle du tout cette dédicace, prend sa machette et sa besace, et part pour sa journée aux champs. Il emporte un poste radio à piles.

Dans les Altos du Chiapas, à plus de dix heures de la forêt tzeltale et tojolabale, au même instant, des Tzotziles de San Juan Chamula travaillent dans les plantations de café. Ils ne sont pas zapatistes, loin s’en faut, mais ils ont installé un haut-parleur ou porte-voix tourné en direction du champ, et là, tandis qu’ils récoltent le café, ils écoutent Radio Insurgente Zona Altos.

Il se passe la même chose dans la caserne militaire de San Quintín, dans la forêt frontalière, où, bien qu’il soit interdit aux soldats d’écouter la station des rebelles, ils le font pourtant en cachette de leurs supérieurs. Dans les piquets et les garnisons qui, n’existant pas officiellement, ne peuvent être qu’une illusion d’optique, la troupe de l’armée fédérale, échauffée et de mauvaise humeur, se divertit avec la musique zapatiste. Les ondes hertziennes de Radio Insurgente arrivent aussi jusque sur les terrains de foot boueux et les immanquables terrains de basket où, tout en jouant, les indigènes priistes [2] écoutent à fond la voix de l’EZLN.

Un des effets les plus notoires des transmissions, commente le coordinateur général des trois stations de Radio Insurgente, c’est que « nous avons reçu des demandes de centaines de familles qui travaillaient avec des groupes paramilitaires, et qui maintenant veulent intégrer l’EZLN ; et il y a aussi des demandes de gens du PRI qui veulent de la documentation sur notre lutte, pour mieux la connaître. »

Radio Insurgente doit faire face à chaque émission à l’interférence de l’armée fédérale. Dans de nombreux hameaux, dès que commence la programmation, on entend sur la fréquence d’autres stations ou des chansons en anglais. Les programmes qui visiblement fâchent le plus le gouvernement, ce sont les contes racontés par le sous-commandant Marcos et les flashs d’informations.

L’autre problème est le manque de moyens et les conditions dans lesquelles on émet. Les stations, précaires, se trouvent dans la montagne, où les animateurs doivent se rendre pour chaque transmission avec une partie ou la totalité de l’équipement et les bidons d’essence sur le dos. Les orages et la foudre parfois « foutent tout en l’air », comme c’est arrivé une fois avec la station émettrice de la forêt de la zone frontalière.

Et c’est précisément cette station émettrice qui se trouve dans la montagne la plus haute. L’animateur insurgé (accompagné d’une insurgée et de moi-même) monte un coteau avec tout l’équipement sur son dos, soutenu par une sangle de porteur. Une montée à pic sur un terrain rocailleux nous coupe la respiration. L’insurgé passe devant, il a encore un autre voyage à faire avec 20 litres d’essence. Le bruit du moteur nous annonce que la cime de la montagne est proche. Nous arrivons et tout seul, sous un toit de plastique, l’animateur de service a commencé la transmission : « Bonjour. Il est 11 heures du matin, heure du combat dans le Sud-Est. Vous écoutez Radio Insurgente, la voix des sans-voix qui émet depuis les montagnes du Sud-Est mexicain, territoire libéré de l’oppression du néolibéralisme. »

Une petite table de liane est l’unique décor. Y repose une table de mixage et les casques audio. Une antenne et un moteur en sont le complément. Le chant des oiseaux, les grillons et la chute d’eau sont des bruits naturels qui se mélangent aux chansons et aux messages. L’insurgé ne lâche pas son arme. Il transmet avec elle à ses côtés, tout en s’occupant du micro.

Dans cette zone, les responsables des émissions font des interviews dans le conseil de bon gouvernement, aux femmes « promoteurs », à la société civile qui rend visite au Caracol [3]. Ils ont également retransmis des débats en direct, sur des thèmes autour du néolibéralisme, et un programme, dont tout le monde se souvient, sur les salaires indécents des députés, sénateurs et présidents des municipalités.

C’est la fin de la transmission. L’insurgé débranche l’équipement et, à nouveau, avec plus de 30 kilos sur le dos, il descend la montagne. Le lendemain l’histoire se répétera, il montera à nouveau le coteau, et comme toutes les fins de semaines, on entendra à nouveau sa voix jusqu’au Guatemala.

Radio Insurgente existe depuis le 14 février 2002. Aujourd’hui elle opère dans trois régions zapatistes : dans Los Altos, dans la forêt tzeltale, et dans la forêt de la zone frontière. Il s’agit de trois stations émettrices distinctes, qui en fonction de leur localisation et leur puissance, transmettent des messages en espagnol, en tzotzil, en tzeltal et en tojolabal. La programmation est faite par chaque unité insurgée, même s’il existe des programmes généraux que se répartissent les trois stations. Les horaires de chaque station émettrice ne sont pas les mêmes et varient en fonction des conditions climatiques (orages), économiques (ressources de la station) et politiques (interférences).

Toutes les stations opèrent en modulation de fréquence (FM), et il y en a une qui transmet aussi en onde courte. Cette dernière a son antenne orientée vers le nord du pays, vers l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud : « Radio Insurgente, voix officielle de l’Armée zapatiste de libération nationale, transmet sur la fréquence 6.0 mégahertz sur la bande des 49 mètres en onde courte sur votre radio », peut-on écouter tous les vendredis dans des pays tels que le Guatemala, le Salvador, le Nicaragua et le reste de l’Amérique centrale - il reste encore à recevoir des confirmations de pays d’Amérique du Sud.

Pour le moment, et pour anticiper l’élargissement de la couverture, on transmet un spot d’identification en japonais, turc, allemand, français, chinois et italien, enregistré par des sympathisants de la lutte qui ont rendu visite aux communautés. Un mélange mis en musique de langues et de sons dans lequel, pour qui ne parle qu’espagnol, les seuls mots reconnaissables sont « Radio Insurgente ».

La programmation, « ce qui rend vivante notre radio », propose des programmes de santé et d’éducation autonome, de droits et travail collectif des femmes, des contes pour enfant, des campagnes contre l’alcoolisme, la lecture des communiqués de l’EZLN, des pièces de théâtre audio sur la résistance et l’autonomie, des flashs d’informations, et régulièrement, ce qui a le plus de succès, c’est un conte écrit, produit et raconté par le sous-commandant insurgé Marcos, dans son rôle d’animateur et de producteur.

« Quand les gens entendent la voix du sous-commandant, ils pensent forcément que c’est en direct. Parfois oui, il parle en direct, mais parfois aussi ce sont des contes enregistrés. Les compañeros nous demandent souvent de les retransmettre, et donc on les repasse, car sur Radio Insurgente on passe ce qu’on nous demande » , affirme l’une des animatrices interviewées.

Le conte « El Chompiras », qui parle de la camaraderie, et celui de « La sorcière Panfila et la princesse Panfililla », qui traite des droits des femmes, sont les productions les plus récentes du sous-commandant Marcos. Dans les deux, il fait des voix différentes, il plaisante avec les auditeurs potentiels, avec la troupe et avec son équipe de production, qui met les récits en musique et les accompagne d’effets spéciaux.

L’espace réservé aux messages et aux dédicaces musicales est le moment le plus attendu dans toutes les régions. Les bases d’appui zapatistes, et même certains priistes ou d’autres organisations, demandent, via les centaines de lettres envoyées aux stations, la transmission d’une interminable série de messages et de chansons.

Los Bukis, le groupe Brindis, Los Temerarios, Los Ángeles Negros, Juan Gabriel et même Julio et Enrique Iglesias (qui l’aurait cru) partagent l’espace rebelle avec les groupes locaux qui interprètent des chansons ou bien des chants révolutionnaires, pour la plupart de nouvelles compositions qui parlent de la lutte zapatiste. Des groupes comme Dos Vientos de Voz y Fuego, Nuevo Amanecer, Jacinto et sa guitare, et los Veteranos del Sur, sont les succès du moment dans les Altos et dans la forêt zapatiste.

À travers les chansons, on assiste aussi à un échange culturel entre les bases d’appui et les groupes pro-zapatistes du Mexique et d’autres parties du monde. Il n’est pas rare qu’à l’heure des dédicaces, les demandes se portent vers Maldita Vecindad, Panteon Rococo, Los de Abajo, Manu Chao ou Amparanoia. Pedro Infante, bien sûr, est toujours présent ; et le jazz, « y’a que le sous-commandant pour aimer ça », dit-on.

Dans les Altos

« Il est interdit de dire je ne peux pas. Ici tout est possible, sauf de se rendre », est-il écrit sur une affiche en carton, fixée sur l’un des murs du studio de Radio Insurgente - Los Altos. Au fond du local, petit mais propre, rangés en ordre rigoureux, attendent leur tour Sergent Garcia, Oscar Chavez, Pérez Prado, et une liste interminable de chanteurs et de groupes locaux, nationaux et étrangers. Une mappemonde, une horloge et la programmation du jour occupent les autres murs de bois, tapissés de boîtes à œufs en carton, pour isoler du bruit.

Tandis qu’un animateur s’occupe de la transmission en direct, l’insurgée Angelica laisse pour quelques instants ses deux armes : le fusil et le micro, et raconte à La Jornada [4] son expérience en tant qu’animatrice : « Mon travail d’animatrice consiste à animer les bases, programmer, éditer, changer la musique. Le matin je mets mon hymne zapatiste, on commence à 6 heures pile. Après l’hymne, je souhaite la bienvenue aux auditeurs et on met de la musique. À 6 h 30, je passe les dédicaces, et ensuite je passe ce que nous avons programmé sur la santé, l’éducation, des discours ou autre, selon les programmes. »

« Ces jours-ci, dit-elle, nous transmettons des programmes sur les médecines préventives. Nous avons interviewé les sages-femmes des villages. On leur demande comment elles aident les compañeras enceintes. Elles nous expliquent, à travers la radio, comment il faut prendre des plantes pour que l’enfant se sente bien. On fait tout en tzotzil, puis ensuite on traduit en espagnol. »

D’autres reportages préparés par les insurgées évoquent un projet de magasin coopératif des femmes de Polhó ; un autre d’une boulangerie, et un autre d’un collectif de métiers à tisser. « On apprend à être comme des reporters », affirme Angelica, fière et satisfaite de son nouveau travail.

« Tout cela - continue-t-elle - est très important pour que les gens voient les avancées de chaque commune. Il y a des communes autonomes qui ne s’organisent pas, et quand on passe à la radio ce qui se fait ailleurs, ça leur donne envie, et ils commencent à travailler. »

Les installations de Radio Insurgente dans cette région possèdent une autre petite pièce de travail, tapissée de dizaines de lettres envoyées à la station, et à côté, le studio d’édition. Là, devant l’ordinateur où à ce moment-là on imprime les messages envoyés de France, de Grèce et d’Espagne, Rosa, une autre insurgée, poursuit : « Une fois, on a reçu une lettre qui nous disait de continuer, et qu’un jour, elle, celle qui a écrit la lettre, nous rejoindra. Elle dit : “je me sens très triste car je ne suis pas bien, parce que je ne fais partie d’aucun parti politique, je me sens seule. Appelez-moi si je peux venir à Radio Insurgente. Je veux être zapatiste.” »

« Il se passe une autre chose, continue Rosa, dans les fêtes des villages, on ne passe plus de cassettes ou de disques, maintenant on met la musique de Radio Insurgente. Avant nous passions de la musique classique ou instrumentale, mais une fois on nous a dit : “On n’aime pas ça, ça nous endort.” Aujourd’hui, on ne passe plus que des cumbias, des musiques tropicales, révolutionnaires, romantiques, des groupes, des slows, des poèmes, du rock, presque de tout. Le conte « La Sorcière Panfila... » du sous-commandant, nous l’avons repassé plein de fois, depuis qu’il est sorti. Il est très utile pour parler du respect envers les femmes, et en même temps, il amuse les gens. »

On transmet aussi des messages sur la violence envers les femmes, et des programmes pour favoriser la participation féminine, « pour qu’elles ne laissent pas leurs maris les empêcher de sortir ». Il y a des émissions destinées aux pères et aux mères de famille, « pour qu’ils ne frappent pas leurs enfants » ; on transmet aussi des spots sur les véhicules de contrebande « pour ne pas les acheter car ils sont illégaux », et des campagnes d’hygiène et de prévention de maladies « où l’on dit comment soigner une diarrhée, comment éviter les grippes (cette zone est très froide), ou comment les femmes doivent s’occuper de leur santé. »

À La Garrucha

À 12 heures pile, « heure du Sud-Est », les transmissions commencent dans la forêt tzeltale. Dans le magasin zapatiste Smaliyel, situé dans le Caracol de La Garrucha, on essaye de capter la station depuis quelques minutes. Comme dans les autres régions, les accords de l’hymne zapatiste lancent l’émission, d’abord en version tzeltale et, le lendemain, par la rockeuse espagnole Amparanoia.

C’est le week-end, et il y plus de gens que d’habitude à se promener dans cette communauté qui abrite le conseil de bon gouvernement El Camino del Futuro (le chemin du futur). Après le message de bienvenue, on commence la transmission avec « les mañanitas révolutionnaires » (une chanson de joyeux anniversaire), pour « tous les compañeros et compañeras de nos villages dont c’est l’anniversaire aujourd’hui ». Le signal est reçu jusqu’à la station de taxis pro-zapatistes qui se trouve à l’entrée du village d’Ocosingo, il traverse aussi la vallée de Patiwitz et les communes autonomes San Manuel et Francisco Villa.

Pendant la première heure, consacrée à la voix et à la parole zapatiste, on transmet à cette occasion des « disques qui ont été faits en faveur de notre cause zapatiste ». L’animatrice de cette région explique que Los Nakos « sont un groupe qui a fait un disque intitulé Va por Chiapas (soutiens le Chiapas), dont on va vous passer une chanson ». On entend alors Los Nakos, avec leur « pour chaque fusil une école, et que l’amour soit ton soleil ».

L’éphéméride donne place à un chant zapatiste interprété par le groupe Los Miserables, qui sert de musique de fond au passage de plus de vingt véhicules remplis de militaires, la mitrailleuse pointée vers les gens du village. Des scènes quotidiennes dans cette zone, depuis plus de dix ans.

Les soldats sont à peine passés qu’on entend un spot sur la santé dans la résistance. La deuxième heure est l’heure des messages et des dédicaces, et c’est le moment où Clara, une jeune fille de la région, court auprès du poste radio situé dans le magasin-restaurant zapatiste, et sans retenir son sourire, elle écoute le message qu’elle a envoyé à sa famille. Le visage satisfait, elle s’éloigne du haut-parleur une fois son message passé.

La programmation se poursuit, et un troisième moment commence, celui de « la poésie, du conte et du récit ». C’est l’année du centenaire de la naissance du poète chilien Pablo Neruda, et en territoire zapatiste, cela ne passe pas inaperçu. L’animatrice de service explique : « Neruda a lutté et écrit sur l’amour, la femme, la guerre et la paix... c’est un poète qui a appuyé la lutte populaire au Chili. C’est pour cette raison qu’à Radio Insurgente, on commémore son souvenir... » Une jolie lecture de Crepusculario (fuiste mía y fui tuyo... tu as été mienne, et j’ai été tien) clôt l’intervention.

Un autre anniversaire occupe les ondes, celui de la lutte sandiniste au Nicaragua. Puis un autre élément de l’éphéméride fait référence à Pancho Villa. On parle aussi de la lutte de « nos frères indigènes à Los Loxichas, dans l’État d’Oaxaca ». À l’heure des dédicaces, font leur apparition, bien entendu, Los Temerarios et Los Bukis.

Dans toutes les stations de Radio Insurgente, on peut entendre un message envoyé, avec humour, par le sous-commandant Marcos aux paramilitaires : « Nous saluons les paramilitaires qui se promènent dans la région et qui menacent nos bases d’appui. Je tiens à vous dire clairement que ça ne se passera plus comme avant, on ne se contentera plus de vous regarder faire le mal, cette fois on va vous le faire payer bien cher (bruit de deux couteaux). Vous feriez mieux d’écouter Radio Insurgente, la voix de l’ELZN, qui transmet aussi pour les indigènes non zapatistes, et leur explique notre lutte, pour qu’eux aussi s’organisent et entrent dans la lutte. »

Les soldats sont eux aussi des destinataires de Radio Insurgente. Dans les camps et les casernes militaires de la forêt et de Los Altos, ils peuvent écouter le message suivant : « Toi le soldat qui viens du peuple, écoute : tu es comme nous, tu es aussi pauvre que nous. Si tu renonces à être soldat, tu vas gagner ta vie dignement. Arrête de te battre contre ton propre peuple... Rejoins la vie dans la résistance, c’est une vie intéressante, libre, et digne... Laisse tomber l’armée. Le moment est venu d’ouvrir les yeux. »

L’objectif de Radio Insurgente, explique le coordinateur général, « c’est de maintenir informées les bases d’appui sur la lutte, les aider dans leur formation politique, mettre en avant la santé et l’éducation autonome, divertir et amuser les gens. La radio est une arme très puissante que nous apprenons à connaître ».

Grâce à la radio, explique-t-il encore, « on renforce aussi les traditions des villages, on passe de la musique indigène, on fait des campagnes de prévention de maladies, on fait la couverture d’activités importantes, telles que des fêtes ou des mobilisations zapatistes, on fait en sorte, donc, que la radio soit vivante ».

Actuellement, on cherche aussi à augmenter la couverture et à ouvrir de nouvelles stations émettrices, car il y a encore des trous sur le territoire en résistance, endroits où ne parviennent pas les ondes insurgées. Ils n’ont pas de moyens, mais ils produisent leurs propres disques, dont les ventes permettent l’acquisition de matériel et d’équipement. Radio Insurgente a ses propres studios d’enregistrement, où des groupes tels que Nuevo Amanecer produisent les disques qu’ils vendent ensuite. De cette façon, on soutient les musiciens, et on obtient un bénéfice pour l’entretien de la station émettrice.

Le coordinateur générale explique : « Il y a beaucoup de travail, et surtout, de nouvelles idées. La page web de la Radio [5] sera bientôt prête, vous pourrez y écouter en direct les transmissions, tout comme les émissions antérieures, et il y sera expliqué comment vous pouvez collaborer sur ce projet. La radio a un grand potentiel, et comme tout le reste, nous n’en sommes qu’au commencement. »

Gloria Muñoz Ramirez

Source : La Jornada
et Rebeldía, septembre 2004.
Traduction : Isabelle Dos Reis, pour RISAL.
risal.collectifs.net/article.php3 ?id_article=1223.

Notes

[1Plaque chauffante sur laquelle on fait cuire ou frire certaines nourritures et en particulier les tortillas. (ndlr)

[2Partisans du PRI, Parti révolutionnaire institutionnel. Au pouvoir durant sept décennies. (ndlr)

[3Le 9 août 2003, l’Armée zapatiste de libération nationale décrétait la naissance des conseils de bon gouvernement (Juntas de Buen Gobierno) dans les cinq zones territoriales sous son contrôle, appelées Caracoles. Il s’agit en fait de structures d’autogouvernement. (ndlr)

[4Quotidien mexicain de gauche. (ndlr)

[5Page web de Radio Insurgente : radioinsurgente.org.

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