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Des nouvelles de l’Amassada
Occupation sous tension

jeudi 28 mars 2019, par L’Amassada

Mi-mars 2019.

La route menant jusqu’à l’Amassada offre des contrastes étonnants. Après la solitude aride des plateaux parsemés de murets en pierre sèche, un rond-point (encore inoccupé) surgit. Suite à des kilomètres de route sinueuse, un élargissement de route et, là, un McDonald’s. Autant de flèches de la modernité qui s’enfoncent à la conquête des territoires.

Ces aménagements dernier cri se superposent à d’autres plus anciens : ici, une cité ouvrière au creux d’une vallée ; là, des sommets tondus et verdoyants surplombant de denses versants forestiers. À l’Amassada, ce ne sont pas moins de quinze lignes haute tension qui s’élèvent au-dessus de la plaine agricole de Saint-Victor. De nuit, le scintillement des éoliennes encercle la maison, lueur annonciatrice d’une nouvelle colonisation.

L’Aveyron semble en effet destiné à devenir le grenier à vent, et donc à énergie « propre » et « durable », du capitalisme vert. Au nom de l’impérative transition énergétique, chacune des crêtes aveyronnaises est vouée à héberger des éoliennes ; et avec celles-ci de nouveaux transformateurs et lignes à haute tension, indispensables au transport et à l’exportation longue distance de l’électricité. Ici, un nouveau front de lutte s’est donc ouvert. Vent et tempête en requistanais, Plateau survolté, L’Amassada sont différentes figures opposées à l’industrialisation énergétique des campagnes.

En venant à l’Amassada, on se questionne : être écolo et opposé·e aux éoliennes ? Jeter aux oubliettes la transition énergétique fondée sur les énergies renouvelables ? Oui, si ces éoliennes s’inscrivent sans frémir au méga-réseau électrique et au marché des émissions carbones. Oui, si transition est synonyme de continuité plutôt que de rupture.

Ici : en Aveyron, à Saint-Victor, Saint-Affrique, Crassous, tout comme dans l’isthme de Tehuantepec au Mexique [1], les habitant·e·s ne se laissent pas berner par la propagande environnementaliste des colons technocrates, bien conscient·e·s que ces derniers avancent main dans la main avec leurs alter ego pro-nucléaires ou pétro-enthousiastes. Tous sont au service d’un processus qui détruit la biosphère, dépossède les habitant·e·s de leur lieu de vie et impose aux populations concernées des décisions qui viennent d’ailleurs. Cette logique reste la même avec ou sans éoliennes. Construire des milliers d’éoliennes industrielles ne fait que prolonger la catastrophe écologique, sociale et environnementale que nous vivons.

« Libre commune de l’Amassada ». Après avoir franchi deux barricades barrant un petit chemin de terre partant de Saint-Victor, nous passons sous le portique et entrons en « zone interdite ». Un vent, léger mais tenace, souffle. Le soleil brille. Petit·e·s veinard·e·s que nous sommes, d’après les habitant·e·s des lieux (qui nous accueillent chaleureusement) : le premier jour de beau temps depuis une quinzaine. Aux alentours, une cabane de défense perchée sur pilotis ; une petite éolienne artisanale qui permet d’éclairer la cuisine et de recharger des appareils électriques ; des halles qui peuvent aussi bien accueillir de grandes tablées de banquet que servir d’atelier ; et un dortoir en pierres et bottes de foin. Trois chats, cinq poules et coqs. Une serre en devenir.

Au cours de ces quelques jours sur place, nous revenons sur l’histoire du lieu. L’Amassada est née en 2014 de l’opposition quasi unanime de la population locale à la construction d’un méga-transformateur électrique, bétonnant des terres agricoles et asservissant encore un peu plus le territoire à la production d’électricité. D’autres cabanes ont poussé ensuite. Depuis la déclaration d’utilité publique et les menaces d’expropriation des terrains, un appel à occupation a été lancé. Depuis peu, les terres appartiennent à RTE (Réseau de transport d’électricité). Les terres sont donc squattées.

Février 2019 : descente de la gendarmerie. Une centaine de flics embarquent cinq habitant·e·s de l’Amassada. Ils et elles risquent une astreinte de 2 000 euros par jour de présence sur le site (c’est le cas pour toute personne venant sur zone, voir carte), et subissent des interdictions de territoire. Deux sont interdit·e·s de présence en Aveyron, et trois de présence à Saint-Victor d’ici à leur procès qui se tiendra le 3 juillet prochain. Le matage de l’opposition au méga-transfo est l’objectif numéro un du nouveau commandant de la gendarmerie du Sud-Aveyron. Cette stratégie est efficace dans une certaine mesure puisque les sympathisant·e·s du lieu sont moins nombreux et nombreuses à venir sur place. Pour autant, l’Amassada est toujours habitée. Malgré la menace quotidienne et la fatigue, les habitant·e·s mènent leurs activités avec une joie débordante, créatrice et communicative qui nous rappelle de nombreux moments vécus pendant la lutte contre l’aéroport et son monde sur la ZAD de Notre-Dame- des-Landes. Toute visite est la bienvenue pour gonfler les effectifs. Vous pourrez ainsi : construire des barricades pour renforcer la défense du lieu ; confectionner une serre pour accueillir des semis ; découvrir les environs, les plantes et animaux qui les peuplent au cours de randonnées ; ou encore faire des rondes matinales pour ne pas se laisser surprendre à nouveau par les gendarmes... La place ne manque pas pour qui voudrait venir s’installer durablement, ou simplement y passer quelques jours pour donner un coup de main. Le dortoir, chaud et confortable, est digne d’être référencé dans le guide Michelin ! Tout comme la pièce de vie, conviviale et chaleureuse. Lors de nos jours sur place, pas de police en vue : le calme avant la tempête ? On vous conseille de vérifier la situation sur zone avant de venir, de sortir couvert·e·s et de laisser vos téléphones chez vous !

Amassada : Pas res nos arresta ! Rien ne nous arrêtera ! ZAD partout !

Pissenlits, Pimprenelles, Primevères et Pulmonaires

Source : zad.nadir.org
25 mars 2019.

Notes

[1Voir, par exemple, « Énergie verte et techniques de contre-insurrection », entretien avec Alexander Dunlap, dans Bogues n° 6.

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