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L’Autre Campagne, la possibilité pour les organisations paysannes en lutte de se regrouper

dimanche 4 mars 2007, par Hermann Bellinghausen

Le soutien apporté par l’EZLN a été déterminant pour régulariser les terres reprises par les bases de soutien zapatistes, affirme Dolores Camacho Velázquez, chercheuse à l’UNAM.

San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, le 28 février.

À l’heure où l’on assiste à une recrudescence du conflit concernant les terres reprises après 1994 par des bases de soutien de l’EZLN, conflit intensifié par l’activité de l’Organisation pour la défense des droits des indigènes et des paysans (Opddic), affiliée au PRI, il n’est pas inutile d’expliquer la situation exacte des terres en question et de beaucoup d’autres qui furent occupées par des paysans indigènes ou non dans l’ensemble de l’État du Chiapas, suite au soulèvement zapatiste.

Selon les sources, de 500 000 à 700 000 hectares ont été abandonnés à l’époque par de grands et de petits propriétaires. Certains d’entre eux les ont laissés par crainte des insurgés, d’autres uniquement pour profiter des bonnes dispositions du gouvernement, qui semblait intéressé à les racheter. Tous les terrains concernés n’ont pas été occupés par des paysans.

Bien que l’on manque de données précises à ce sujet, on peut affirmer sans crainte de se tromper que la plus grande partie de ces terres a été occupée par d’autres organisations que l’EZLN, et notamment par des organisations officiellement reconnues. Le fait est que les bases de soutien rebelles et leurs nombreux alliés de l’époque ne se sont pas précipités pour les occuper, sauf dans certaines régions, où les occupations furent immédiates, sans organisation préalable et parfois expropriées par la violence. Ce qui n’a pas été sans entraîner par endroits l’intervention des « gardes blanches » (prédécesseurs des paramilitaires), notamment à Chicomuselo et dans la Zone Nord, à quoi s’ajoute les fait que des dirigeants indigènes ont été assassinés.

Selon le récit qu’en fait Dolores Camacho Velázquez, chercheuse à l’UNAM (Chiapas mobilizado : las organizaciones campesinas y el EZLN [Le Chiapas mobilisé : les organisations paysannes et l’EZLN], à paraître prochainement), « les mobilisations sociales des Chiapanèques enregistrées après le soulèvement de l’EZLN sont le fait de plusieurs acteurs différents, leur très forte polarisation nous permettant de distinguer deux grands groupes : dans le premier, on trouve des paysans, des indigènes, des intellectuels, la société civile et des partisans du PRD sympathisant avec l’EZLN ; dans le second, des éleveurs, des propriétaires, des commerçants, des personnes qui participèrent aux fronts civiques municipaux et des partisans du PRI ayant tous en commun leur opposition au zapatisme ».

Son étude analyse le rôle joué par les organisations paysannes et par l’EZLN, quand des indigènes et des paysans occupèrent des milliers d’hectares de grandes propriétés privées (les zapatistes parlent de « reprise »), ainsi que les moments de fraternisation ou au contraire leur éloignement, et situe leurs adversaires et leurs sympathisants. « Leur collaboration (entre les organisations paysannes et l’EZLN) joua un rôle primordial pour éviter que l’EZLN ne soit rayée de la carte en 1994 », écrit Dolores Camacho.

Un vaste soutien

« Le vaste soutien apporté au zapatisme par ces organisations est ce qui a empêché le gouvernement de prendre des mesures plus radicales. En retour, de 1994 à 1995, quand le zapatisme jouissait déjà d’une reconnaissance au niveau national et international, c’est le large soutien que l’EZLN fournit à ces organisations qui a grandement contribué à asseoir leur influence et à obtenir l’intervention des différents échelons du gouvernement mexicain (local et fédéral) pour qu’elles soient écoutées et que leurs revendications aboutissent. » L’une de ces exigences les plus importante était la répartition des terres ou la régularisation de celles qui avaient été occupées.

Dolores Camacho Velázquez évoque également « la déstructuration et l’atomisation actuelles des organisations paysannes et la nouvelle occasion qui se présente à elles d’unir leur lutte à celle des zapatistes et d’autres acteurs mexicains ou d’autres pays, à travers l’Autre Campagne ».

La succession rapide des événements sociaux au Chiapas a rendu possible l’analyse de leur évolution et de leurs conséquences, dit encore cette chercheuse à l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM), dans le cadre du Programme de recherches pluridisciplinaires de la Méso-Amérique et du Sud-Est mexicain. La plupart des publications parues dans les dernières années insistent sur la polarisation des acteurs et sur leurs positions antagoniques. Elle ajoute : « Un grand nombre d’ouvrages font de l’EZLN le seul acteur important, tandis que d’autres publications décrivent un État du Chiapas où le zapatisme est inexistant et ôtent tout mérite à l’EZLN quant aux bouleversements sociaux survenus au cours des dernières années. »

À l’heure où des organisations liées au pouvoir convoitent ces terres reprises et où l’autonomie indigène fait son chemin, il faut « reconstruire un processus dans lequel on admette que l’EZLN a joué un rôle fondamental pour transformer les relations sociales au Chiapas et que les organisations paysannes représentent un autre grand acteur de tels changements. Pourtant, elles sont régulièrement négligées par les travaux de recherche abordant cette question car on juge qu’elles appartiennent à un passé révolu et sont tout juste bonnes à être considérées comme des associations civiles ou tout autre type de structure auxquelles on peut accorder des crédits, tout comme le prétendaient Ernesto Zedillo et Roberto Albores lors de la signature des accords en matière agraire » (à la fin des années 1990).

Hermann Bellinghausen,
La Jornada, 1er mars 2007.

Traduit par Ángel Caído

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