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Première Déclaration de La Realidad
contre le néolibéralisme et pour l’humanité

samedi 6 janvier 1996, par EZLN

Me voilà arrivé, je suis là, moi chanteur.
Réjouissez-vous à la bonne heure,
Que se présentent ici ceux dont le cœur est endolori.
Moi, j’élève mon chant.

Poème nahuatl

Aux peuples du monde

Frères,

Ces dernières années, le pouvoir de l’argent a présenté sous un nouveau masque son visage criminel. Par-dessus les frontières, sans distinction de race ou de couleur, le pouvoir de l’argent humilie les dignités, insulte les honnêtetés et assassine les espérances. Rebaptisé « néolibéralisme », le crime historique de la concentration de privilèges, de richesses et d’impunités, démocratise la misère et le désespoir.

Une nouvelle guerre mondiale se livre, mais contre l’humanité tout entière à présent. Comme dans toutes les guerres mondiales, ce qui est recherché, c’est un nouveau partage du monde.

Cette guerre moderne qui assassine et oublie porte le nom de « mondialisation ». Le nouveau partage du monde consiste à concentrer du pouvoir au pouvoir et de la misère dans la misère.

Le nouveau partage du monde exclut les « minorités ». Indigènes, jeunes, femmes, homosexuels, lesbiennes, gens de couleur, immigrés, ouvriers, paysans ; les majorités qui forment les sous-sols du monde, le pouvoir ne les voit que comme des minorités superflues. Le nouveau partage du monde exclut les majorités.

L’armée moderne du capital financier et des gouvernements corrompus avance en conquérant de la seule façon qu’elle connaît : la destruction. Le nouveau partage du monde détruit l’humanité.

Le nouveau partage du monde n’a de place que pour l’argent et ses serviteurs. Hommes, femmes et machines sont égaux puisque également asservis et également négligeables. Le mensonge gouverne, multipliant ses formes et ses moyens.

On nous vend un nouveau mensonge en guise d’histoire. Le mensonge de la défaite de l’espoir, le mensonge de la défaite de la dignité, le mensonge de la défaite de l’humanité. Le miroir du pouvoir nous propose, en contrepoids sur la balance : le mensonge de la victoire du cynisme, le mensonge de la victoire de la servilité, le mensonge de la victoire du néolibéralisme.

Au lieu de l’humanité, on nous offre des indices boursiers, au lieu de la dignité on nous offre la mondialisation de la misère ; au lieu de l’espoir, on nous offre le vide ; au lieu de la vie, on nous offre l’internationale de la terreur.

Contre l’internationale de la terreur que représente le néolibéralisme, nous devons élever l’internationale de l’espoir. L’unité, par-dessus les frontières, les langues, les couleurs, les cultures, les sexes, les stratégies, et les pensées, de tous ceux qui préfèrent l’humanité vivante.

L’internationale de l’espoir. Pas la bureaucratie de l’espoir, pas l’image renversée et, par là même, semblable à ce qui nous anéantit. Pas le pouvoir sous un signe ou un habillage nouveau. Mais un souffle le souffle de la dignité. Une fleur, la fleur de l’espoir. Un chant, le chant de la vie.

La dignité est cette patrie sans nationalité, cet arc-en-ciel qui est aussi un pont, ce murmure du cœur quel que soit le sang qui le vit, cette irrévérence rebelle qui se moque des frontières, des douanes et des guerres.

L’espoir est cette insubordination qui rejette le conformisme et la défaite. La vie, voilà ce qu’ils nous doivent : le droit de gouverner et de nous gouverner, de penser et d’agir avec une liberté qui ne s’exerce pas sur l’esclavage des autres, le droit de donner et de recevoir ce qui est juste.

C’est pourquoi, aux côtés de ceux qui, par-dessus les frontières, les races et les couleurs, partagent le chant de la vie, la lutte contre la mort, la fleur de l’espoir et l’élan de la dignité...

L’Armée zapatiste de libération nationale parle...

À tous ceux qui combattent pour les valeurs humaines de démocratie, liberté et justice,

À tous ceux qui s’efforcent de résister au crime mondial appelé « néolibéralisme » et qui aspirent à ce que l’humanité et l’espoir d’être meilleurs soient synonymes d’avenir,

À tous les individus, groupes, collectifs, mouvements, organisations sociales, citoyennes et politiques, aux syndicats, aux associations de quartier, aux coopératives, à toutes les gauches passées et à venir ; aux organisations non gouvernementales, groupes de solidarité avec les luttes des peuples du monde, aux bandes, tribus, intellectuels, indigènes, étudiants, musiciens, ouvriers, artistes, enseignants, paysans, groupes culturels, mouvements de jeunes, médias alternatifs, écologistes, habitants des banlieues, lesbiennes, homosexuels, féministes, pacifistes,

À tous les êtres humains privés de toit, privés de terre, privés de travail, privés de nourriture, privés de santé, privés d’éducation, privés de liberté, privés de justice, privés d’indépendance, privés de démocratie, privés de paix, privés de patrie, privés de lendemain,

À tous ceux qui, sans distinction de couleur, de race ou de frontières, portent les armes et les couleurs de l’espoir,

... et les convoque à la Première Rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme.

Qui se tiendra entre les mois d’avril et d’août 1996 sur les cinq continents, selon le programme d’activités suivant :

Premièrement. Assemblées préparatoires continentales au mois d’avril 1996 dans les lieux suivants :

1. Continent européen : Berlin, Allemagne.
2. Continent américain : La Realidad, Mexique.
3. Continent asiatique : Tokyo, Japon.
4. Continent africain : lieu à définir.
5. Continent océanien : Sydney, Australie.

Note : Les lieux des rencontres continentales peuvent changer si les groupes organisateurs le décident.

Deuxièmement. Rencontre internationale pour l’humanité et contre le néolibéralisme, du 27 juillet au 3 août 1996, dans les Aguascalientes zapatistes du Chiapas, Mexique, sur les bases suivantes :

Thèmes :

Atelier 1 : Aspects économiques de la vie sous le néolibéralisme, comment on y résiste, comment on lutte et propositions de lutte contre lui et pour l’humanité.

Atelier 2 : Aspects politiques de la vie sous le néolibéralisme, comment on y résiste, comment on lutte et propositions de lutte contre lui et pour l’humanité.

Atelier 3 : Aspects sociaux de la vie sous le néolibéralisme, comment on y résiste, comment on lutte et propositions de lutte contre lui et pour l’humanité.

Atelier 4 : Aspects culturels de la vie sous le néolibéralisme, comment on y résiste, comment on lutte et propositions de lutte contre lui et pour l’humanité.

Organisation : les réunions préparatoires en Europe, en Asie, en Afrique et en Océanie seront organisées par les comités de solidarité avec la rébellion zapatiste, des organismes proches, et des groupes de citoyens intéressés à la lutte contre le néolibéralisme et pour l’humanité. Nous appelons les groupes de tous les pays à travailler unis à l’organisation et à la tenue des assemblées préparatoires.

La Rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme, qui se tiendra du 27 juillet au 3 août 1996 au Chiapas, Mexique, sera organisée par l’EZLN et par des citoyens et des organisations non gouvernementales mexicaines que l’on fera connaître en temps voulu.

Accréditations : les inscriptions pour les assemblées préparatoires de chacun des cinq continents se feront auprès des comités d’organisation qui se formeront en Europe, en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique, respectivement.

Les inscriptions pour la rencontre au Chiapas, Mexique, se feront à travers les comités de solidarité avec la rébellion zapatiste, avec le peuple du Chiapas, et avec le peuple du Mexique, dans leurs pays respectifs ; et au Mexique, auprès de la commission d’organisation, que l’on fera connaître en temps voulu.

Note générale et intercontinentale : tout ce qui n’est pas abordé par cette convocation sera réglé par les différents comités organisateurs en ce qui concerne les assemblées continentales préparatoires, et par le comité organisateur intercontinental en ce qui concerne la rencontre au Chiapas, Mexique.

Frères,

L’humanité vit dans chacune de nos poitrines et, comme le cœur, elle préfère le côté gauche. Il faut la retrouver, il faut nous retrouver.

Il n’est pas nécessaire de conquérir le monde. Il suffit de le refaire. Nous. Aujourd’hui.

Démocratie !
Liberté !
Justice !

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain,
pour le Comité clandestin révolutionnaire indigène
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale,
sous-commandant insurgé Marcos

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