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Communiqué du CCRI-CG de l’EZLN
L’Armée zapatiste de libération nationale
dément tout contact avec AMLO

samedi 4 août 2018, par EZLN, SCI Moisés

Armée zapatiste de libération nationale
Mexique

Au peuple du Mexique,
Aux peuples et gouvernements du monde,
Aux médias libres, alternatifs, autonomes ou du nom qu’ils se donnent,
À la Sexta nationale et internationale,
Au Congrès national indigène et au Conseil indigène de gouvernement,
À la presse nationale et internationale,

17 juillet 2018.

Depuis hier et aujourd’hui au cours de la journée, les médias diffusent la version, soutenue par des déclarations du père Alejandro Solalinde [1] (qui se présente comme membre du clergé, prêtre, curé ou ce genre de choses, chrétien, catholique, apostolique et romain), d’un prétendu rapprochement entre l’EZLN et monsieur Andrés Manuel López Obrador. Ils insinuent que « l’EZLN a accepté d’avoir le premier dialogue » (mots exacts de monsieur Solalinde).

À propos de ce mensonge, l’EZLN déclare :

Premièrement, le CCRI-CG de l’EZLN, direction politique, organisationnelle et militaire de l’EZLN, n’a accepté aucun premier dialogue avec personne. Comme le savent bien ceux qui connaissent un minimum l’EZLN et ses manières de fonctionner, un sujet tel que celui-ci aurait été communiqué de manière publique à l’avance.

Deuxièmement, l’EZLN n’a reçu rien que des mensonges, des insultes, des calomnies et des commentaires racistes et machistes, de la part du père Solalinde qui sous-entend, comme cela se disait à l’époque du salinisme et du zédillisme, que nous sommes de pauvres indigènes ignorants manipulés, pour utiliser ses propres mots, par « des Blancs qui administrent le zapatisme », et cela nous permettrait de ne pas baisser les yeux ni de nous agenouiller face à celui que le père Solalinde considère comme le nouveau sauveur.

Troisièmement, nous comprenons que monsieur Solalinde ait besoin de se donner un rôle important et qu’il adopte une attitude consistant à exiger une soumission, mais il se trompe avec le zapatisme de l’EZLN. Il ne se trompe pas que sur ça. Nous n’en savons pas beaucoup à ce propos, mais il semble qu’un des commandements de l’Église que prétend servir monsieur Solalinde, ordonne : « Tu ne feras pas de faux témoignages contre ton prochain et tu ne mentiras point. »

Quatrièmement, comme chaque personne connaissant les lois mexicaines devrait le savoir, monsieur Andrés Manuel López Obrador n’est pas le président du Mexique, il n’est même pas le président élu. Pour être un « président élu », il faut compter sur la déclaration du tribunal électoral du pouvoir judiciaire de la Fédération ; ensuite vient la Chambre des députés qui doit émettre un décret dans le Journal officiel de la Fédération où l’on communique à la population qu’il y a bien un président élu. Et, selon les mêmes lois, le président n’entrera en fonction qu’après avoir prêté serment le 1er décembre 2018. D’ailleurs, en accord avec la dernière réforme électorale, il ne gouvernera pas six ans mais deux mois de moins. À moins, bien sûr, que l’on ne réforme la Constitution et que l’on permette la réélection.

Cinquièmement, si ceux qui font partie de l’équipe de monsieur López Obrador se comportent comme s’ils formaient déjà un gouvernement, car c’est ce que leur ont fait croire les hommes d’affaires (via Youtube, ce qui est une garantie de sérieux), l’administration de monsieur Trump (via sa visite fanfaronne) et les grands médias, ça se comprend ; mais peut-être qu’il convient de ne pas trop s’avancer dans sa disposition à violer les lois sous la protection d’une supposée « voiture tout équipée » (comme l’a fait le PRI au cours de son long règne).

Sixièmement, l’EZLN a déjà fait l’amère expérience du contact avec un monsieur qui ensuite allait être déclaré président élu. Nous faisons référence à monsieur Ernesto Zedillo Ponce de León, qui a profité de ces contacts initiaux pour planifier l’anéantissement de la direction zapatiste d’alors. Celui qui a élaboré cette trahison, monsieur Esteban Moctezuma Barragán, est maintenant une des personnes proposées pour faire partie du gouvernement qui exercera supposément à partir du 1er décembre 2018, mais pas avant. Nous ignorons si, à présent, monsieur Solalinde prétend prendre le relais de monsieur Moctezuma Barragán dans les fonctions qu’il a eues avec Zedillo.

Septièmement, cela n’est pas de notre ressort, mais ils agissent mal ceux qui s’autodénomment le « réel changement », en démarrant avec des mensonges, des calomnies et des menaces. Ils l’ont déjà fait avec l’histoire du pape [2], maintenant ils le font avec l’EZLN. Ils singent les « us et coutumes » de ceux qu’ils prétendent avoir enlevés du gouvernement.

Huitièmement, comme cela a été rendu public, depuis au moins seize ans, après la contre-réforme indigène, l’EZLN n’a pas dialogué avec les gouvernements fédéraux. Ni avec Fox après 2001, ni avec Calderón, ni avec Peña Nieto. On a toujours répondu à notre disposition au dialogue par des mensonges, par des calomnies et par la trahison. Vous seriez bien aimables de prêter à monsieur Solalinde des coupures de presses et des livres qui expliquent cela en détail, car il refait la même chose.

Neuvièmement et en dernier lieu, si nous sommes « sectaires », « marginaux » et « radicaux » ; si nous sommes « isolés » et « seuls » ; si nous ne sommes pas « à la mode » ; si nous ne représentons rien ni personne ; alors, pourquoi ne nous laissez-vous pas tranquilles et ne continuez-vous pas à célébrer votre « triomphe » ? Pourquoi plutôt ne vous préparez-vous pas bien, et sans mensonges, pour les cinq ans et dix mois où vous serez au gouvernement fédéral ? Et pourquoi ne vous organisez-vous pas, car même pour se battre pour un os et recevoir les félicitations de l’argent, c’est mieux d’être organisé·e·s.

Nous, zapatistes ? Eh bien, nous continuerons à faire ce que nous faisons depuis maintenant presque vingt-cinq ans :

Résistance et rébellion !

Car la liberté ne se reçoit ni comme une aumône ni comme une faveur humaine ou divine ;
elle se conquiert en luttant.

C’est tout.

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain.
Pour le Comité clandestin révolutionnaire indigène
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale.

Moisés, sous-commandant insurgé
(100 % mexicain, 100 % originaire de langue tzeltal
– ou « indigène tzeltal » pour monsieur Solalinde –
et 100 % zapatiste).

Mexique, juillet 2018.

Traduction collective.
Source et texte d’origine :
Enlace Zapatista.

Notes

[1Le père Solalinde est une figure importante de l’Église mexicaine, connu pour son soutien aux migrants.

[2Allusion à l’invitation au pape annoncée par AMLO « pour chercher des solutions afin de pacifier le pays » alors que deux ans plus tôt il affirmait que le changement nécessaire et l’oppression au Mexique était une affaire des Mexicains et non du pape.

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