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Déclaration de la Cinquième Assemblée
conjointe du Congrès national indigène
et du Conseil indigène de gouvernement

dimanche 31 janvier 2021, par CNI, FPDTA

À l’Armée zapatiste de libération nationale
Aux peuples du monde
Aux personnes qui luttent sur les cinq continents

Frères, sœurs, compañer@s,

Frères et sœurs du monde entier, nous vous saluons, nous qui conformons le Congrès national indigène. Nous sommes des peuples et des communautés qui habitaient déjà nos terres et nos territoires avant l’imposition de ce qu’on appelle l’État mexicain, nous avons non seulement notre propre langue et notre façon de nous habiller, mais aussi une forme de gouvernement, une façon de voir, de comprendre et de vivre le monde différente de celle du monde capitaliste, qui voit tout comme une marchandise. Nous sommes des peuples qui aiment la terre, les montagnes, les eaux, les collines, les oiseaux et tous les êtres vivants qui habitent notre mère la terre. Pour nous la vie est sacrée, nous la vénérons. Au cours des ans, les donneurs d’ordres, ceux qui ont pour but de dominer et d’exploiter, ont voulu en finir avec nous, détruire notre culture et notre territoire. Nous sommes une histoire de dépossession, de résistance et de rébellion, et aujourd’hui, après plus de cinq cents ans de conquête et de guerre, nous sommes en danger d’extinction, avec le monde entier.

Frères et sœurs zapatistes, frères et sœurs aîné·e·s, comme toujours vos paroles et vos initiatives créent une lumière d’espoir et un chemin pour nos peuples. Les mégaprojets, les sociétés transnationales, le crime organisé en coordination avec le gouvernement nous envahissent toujours plus pour exploiter et détruire notre territoire, pour détruire la vie. Les paroles mensongères de López Obrador et sa soi-disant Quatrième Transformation cherchent à créer un mur qui cache la guerre qui fait rage contre les peuples et la vie de la Terre Mère, à nous isoler et à nous présenter comme les adversaires du progrès, accusation que les gouvernements antérieurs ont déjà utilisée mais qui prend aujourd’hui un tour plus destructeur. Notre parole, notre réalité, la guerre que nous vivons ne parvient pas à tous les cœurs auxquels elle devrait parvenir, car non seulement nous défendons notre territoire, mais avec lui nous défendons la vie de la Terre Mère et l’avenir de l’humanité. Toute la force du capital, de l’État et du crime organisé s’exerce sur nos peuples, nous divisant, nous dépossédant, nous menaçant, nous emprisonnant, nous assassinant.

Nous, Front des peuples en défense de la terre et de l’eau des État de Morelos, Puebla et Tlaxcala qui fait partie du CNI-CIG, nous vivons la même guerre de mégaprojets que vivent nos frères et sœurs sur tout le territoire national. Le Projet intégral de Mort appelé Projet intégral Morelos a été imposé principalement pour bénéficier aux compagnies minières, en dehors de toute légalité : il ignore et en viole les recours judiciaires suspensifs, utilise la Garde nationale pour réaliser la construction de l’aqueduc et imposer des consultations indigènes qui violent nos droits fondamentaux. L’enquête sur le meurtre de Samir, loin d’aboutir, met en évidence la relation qui existe entre les services du procureur général de l’État et le crime organisé. En résumé, nous vivons la même guerre d’extermination que le reste de nos compañer@s du CNI et d’autres peuples, villes et secteurs frères. Cependant, l’attaque du grand capital et du gouvernement et l’assassinat de notre frère Samir ne mettent pas fin à notre résistance, au contraire, nous continuerons à lutter jusqu’à ce que la vie triomphe de la mort, avec nos armes les plus puissantes : la dignité, la résistance et la rébellion.

L’imposition du Train maya, qui s’accompagne de la construction de quinze centres urbains, du Corridor interocéanique Salina Cruz - Coatzacoalcos, qui prévoit dix corridors urbano-industriels, de l’Aéroport international de Mexico - Parc écologique Lac Texcoco et du Projet intégral Morelos, vise à réorganiser le pays en fonction des intérêts économiques du grand capital. Il est également très grave qu’on projette de construire, au profit de diverses entreprises étrangères, trois centrales thermoélectriques — dont l’une est déjà achevée —, un réseau de gazoducs et un mégacentre de stockage de combustible dans le bassin du Río Santiago, au sud de Guadalajara, qui, de plus, se trouve dans l’une des régions les plus polluées du pays ; s’y ajoute le projet du Canal Centenario, auquel travaille actuellement la Garde nationale, visant à connecter les fleuves San Pedro et Santiago au Nayarit. L’exploitation minière à ciel ouvert menace également des centaines de territoires de peuples indigènes en utilisant la même formule, procédé de division, de dépossession et de destruction de nos communautés.

Tous ces projets sont précédés d’infrastructures routières et hydrauliques, d’un grand nombre de parcs éoliens et photovoltaïques, ainsi que de centrales hydroélectriques, thermoélectriques et de centrales à gaz qui envahissent illégalement les territoires de nos peuples et dont beaucoup n’ont même pas d’autorisation d’impact environnemental ; ils prévoient l’occupation de milliers et de milliers d’hectares et le changement d’usage des terres des ejidos, des communautés et des peuples indigènes, sans tenir compte de l’autodétermination des peuples sur leur territoire.

Ces grands mégaprojets et toute la dépossession et l’exploitation provoquées par le modèle extractiviste du gouvernement fédéral sont protégés par la militarisation de tout le pays et de la sécurité publique, qui, selon les paroles trompeuses de López Obrador, a maintenant avancé alors que sous les gouvernements précédents une grande partie de la société y était opposée, sans que disparaissent le précédent et la situation réelle de violation systématique des droits de l’homme par les contingents militaires, souvent en collusion avec le crime organisé. La guerre contre les peuples pour imposer des mégaprojets est évidente quand l’armée se voit confier des travaux comme le Train maya ou l’aéroport de Santa Lucia, projets auxquels nous nous opposons catégoriquement.

Dans tout ce processus de recolonisation de nos territoires, l’Institut national des peuples indigènes, une imposition de plus du mauvais gouvernement de la Quatrième Transformation, a effectué les tâches que réalisait l’ancien indigénisme du régime du PRI : médiatiser, manipuler, fragmenter, diviser nos peuples et nos communautés, servir le contremaître en poste, valider ses mégaprojets, se prêter à de fausses cérémonies officialistes qui offensent notre Terre Mère et participer aux stratégies de contre-insurrection et à la prétendue « ingénierie des conflits ». Face à cela, la communauté otomi habitant Mexico a occupé les installations de cet institut pour exiger, au-delà du droit légitime au logement, le respect et la reconnaissance de l’autodétermination des peuples sur leur territoire.

La pandémie de Covid-19 est, comme l’a dit le gouvernement menteur de López Obrador, « tombée à pic » pour imposer les mégaprojets et la militarisation du pays ; la majorité de la population étant démobilisée, la pandémie contribue elle aussi à la guerre d’extermination contre nos peuples, chez lesquels les services de santé et les moyens économiques sont très limités et dans de nombreux cas nuls.

Nous voyons qu’il s’agit d’une crise globale et civilisationnelle jamais vue auparavant qui oblige l’humanité entière à détruire ce système capitaliste et patriarcal actuel, responsable de la destruction de la nature, qui se base sur l’exploitation et la dépossession sans cesse croissantes de millions et de millions d’êtres humains. Un système qui, pour générer profits et richesses, s’appuie sur le crime organisé, sur les guerres, sur les épidémies et les pandémies.

C’est pourquoi, en tant que Congrès national indigène - Conseil indigène de gouvernement et en tant que Front des peuples pour la défense de la terre et de l’eau des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala, réunis en cette Cinquième Assemblée conjointe du Congrès national indigène et du Conseil indigène de gouvernement, nous adoptons les accords suivants :

ACCORDS

Un. Nous, peuples, organisations, collectifs et personnes du monde entier, souscrivons à la Déclaration pour la vie émise par l’Armée zapatiste de libération nationale, en nous engageant à renforcer nos luttes pour la défense de la vie dans nos territoires et en ouvrant l’écoute, l’organisation et la parole à nos sœurs et frères du Mexique et du monde entier qui luttent contre ce système capitaliste et patriarcal dans le but de le faire disparaître.

Deux. À participer directement, selon les critères que nous avons définis dans cette assemblée, par une délégation du CNI-CIG et du FPDTA-MPT, au côté de l’EZLN, à la tournée en Europe proposée par nos sœurs, frères, compañer@s de l’EZLN et du monde entier de juillet à octobre 2021 et, dans la mesure de nos possibilités, à celles qui seront réalisées ultérieurement en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique.

Trois. À mener des actions pour la vie, contre les mégaprojets et en mémoire de notre frère Samir Flores Soberanes du 19 au 21 février, à deux ans de son lâche assassinat. À lancer un appel à nos frères et sœurs et aux compañer@s du Mexique et du monde entier pour qu’ils mènent des actions aux mêmes dates.

Quatre. Nous exigeons l’arrêt des attaques et du harcèlement des communautés zapatistes ; la libération immédiate de nos frères Fredy García Ramírez, porte-parole de l’organisation Codedi d’Oaxaca, et Fidencio Aldama, membre de la tribu yaqui ; ainsi que la liberté de nos frères Adrian Gomez Jimenez, German López Montejo et Abraham López Montejo, membres de l’organisation La Voz Verdadera del Amate, Marcelino Ruiz Gomez, membre de Viniketik en Resistencia, ainsi que celle d’Osman Alberto Espinales Rodríguez et de Pedro Trinidad Cano Sanchez, injustement emprisonnés dans les prisons de San Cristóbal de Las Casas et de Comitán, au Chiapas ; halte à l’assassinat de nos frères du Cipog-EZ ; présentation en vie du frère Sergio Rivera Hernández, membre de l’organisation MAIZ dans la Sierra Negra de Puebla, des 43 étudiants d’Ayotzinapa et de tous les disparus et disparues.

Respectueusement
Janvier 2021.
Pour la reconstitution intégrale de nos peuples
Plus jamais un Mexique sans nous

Congrès national indigène - Conseil indigène de gouvernement
Front des peuples en défense de la terre et de l’eau des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala

Traduit de l’espagnol (Mexique)
par Joani Hocquenghem

Texte d’origine :
Enlace Zapatista

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