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Nouvelle occupation du chantier de Belo Monte

samedi 1er juin 2013

Le lundi 27 mai, environ cent cinquante indigènes de diverses ethnies ont encore une fois occupé le principal chantier de l’usine hydro-électrique de Belo Monte, à Vitória do Xingu, dans le sud-ouest du Pará, au Brésil. Ils avaient déjà occupé le chantier du 2 au 10 mai.

« Gouvernement fédéral, nous sommes de retour ! »
Occupation de Belo Monte
Lettre nº 7

Nous sommes des indigènes Munduruku, Xipaya, Kayapó, Arara et Tupinambá.

Nous vivons des fleuves et de la forêt et nous nous opposons à ce que vous les détruisiez. Vous nous connaissez déjà, mais maintenant nous sommes plus nombreux.

Votre gouvernement avait dit que si nous quittions le chantier nous serions écoutés. Nous avons quitté les lieux pacifiquement — et nous vous avons évité la honte de nous expulser par la force. Cependant, nous n’avons toujours pas été écoutés. Le gouvernement ne nous a pas reçus. Nous avons demandé la présence du ministre Gilberto Carvalho mais il n’est pas venu.

Attendre et demander ne servent à rien. Nous occupons donc encore une fois votre chantier. Nous préférerions ne pas être à nouveau dans votre désert de trous et de béton. Nous n’avons aucun plaisir à laisser nos maisons et nos terres pour accrocher nos hamacs sur vos constructions. Mais comment faire ? Si nous ne venons pas ici, nous allons perdre nos terres.

Nous voulons la suspension des études et de la construction des barrages qui inondent nos territoires, qui coupent la forêt, qui tuent les poissons et font fuir les autres animaux, qui éventrent les fleuves et la terre pour qu’ils soient dévorés par les entreprises minières. Qui attirent d’autres entreprises, encore plus de bûcherons, plus de conflits, plus de prostitution, plus de drogues, plus de violence.

Nous exigeons d’être consultés préalablement au sujet de ces constructions, parce que c’est un droit qui nous est garanti par la Constitution et par des traités internationaux. Cela n’a pas été fait ici à Belo Monte, cela n’a pas été fait sur le Teles Pires et cela n’est pas fait sur le Tapajós. Il n’est pas admissible que vous répétiez tous que nous, indigènes, avons été consultés. Tout le monde sait que ce n’est pas vrai.

À partir de maintenant, le gouvernement doit arrêter de mentir dans les communiqués et lors des interviews. Il doit arrêter de nous traiter comme des enfants, naïfs, sous tutelle, irresponsables et manipulés. Nous sommes nous-même, et le gouvernement doit s’y faire. Et ne racontez plus dans la presse le mensonge que nous nous disputions avec les ouvriers : ils sont solidaires de notre cause ! Nous leur avons écrit hier ! Ici, sur le chantier, nous faisions un foot ensemble tous les jours. La dernière fois que nous sommes partis, une ouvrière à qui nous avions offert des colliers nous a dit : « Vous allez me manquer. »

Nous avons le soutien de nombreux parents dans cette lutte. Nous sommes soutenus par les indigènes de tout le Xingu. Nous avons le soutien des Kayapó. Nous avons le soutien des Tupinambá. Des Guajajara. Des Apinajé. Des Xerente, des Krahô, Tapuia, Karajá-Xambioá, Krahô-Kanela, Avá-Canoero, Javaé, Kanela du Tocantins et Guarani. Et la liste augmente. Nous avons le soutien de la société civile et de l’opinion internationale, et cela aussi vous dérange, vous qui êtes seuls avec vos financeurs de campagnes électorales et les entreprises qui aiment les cratères et l’argent.

Nous occupons à nouveau votre chantier.

Combien de fois devrons-nous le faire pour que votre propre loi soit respectée ? Combien d’ordres judiciaires, d’amendes et de réintégrations de possession seront nécessaires pour que nous soyons écoutés ? Combien de balles de caoutchouc, de grenades et de vaporisateurs de gaz lacrymogène comptez-vous dépenser avant d’admettre que vous faites erreur ? Ou peut être pensez-vous assassiner encore ? Combien d’Indiens allez-vous encore tuer, comme notre parent Adenilson Munduruku, du village Teles Pires, tout simplement parce que nous ne voulons pas de barrage ?

Et n’envoyez pas la force nationale pour négocier à votre place. Venez en personne. Nous voulons que Dilma [1] vienne parler avec nous.

Chantier de Belo Monte,
Altamira, le 27 mai 2013.

Source : Xingu Vivo
Traduction : Chico Libri

Information sur l’occupation :
Les Autres Amériques
Ocupação Belo Monte

Vidéo sur l’occupation de Belo Monte
(non sous-titrée en français)

Lettre de soutien aux Munduruku qui occupent Belo Monte

Nous sommes des riverains, d’anciens habitants des localités de Montanha et Mangabal, sur le haut Tapajós. Nous sommes nés ici, nos parents et grands-parents sont eux aussi nés ici et c’est ici qu’ils ont été enterrés. Nous avons des documents qui prouvent que depuis 1871, au début de l’époque du caoutchouc, nos ancêtres vivaient déjà sur les berges du fleuve Tapajós.

Nous vivons au temps des anciens patrons, du passéisme et du troc de notre caoutchouc. Nous avons surmonté les difficultés de la fin de « l’époque du caoutchouc ». Nous avons trouvé un moyen de survivre quand est mort le commerce des peles de gatos [2]. Nous avons survécu à l’arrivée — et à la fin — de l’orpaillage, à la malaria, à la contamination des rivières par le mercure et à toutes les autres difficultés qui pouvaient apparaître.

Beaucoup de familles de notre groupe ont été violemment expulsées par le gouvernement fédéral au début des années 1970, avec la création du Parc national de l’Amazonie, où se trouvait notre territoire. Mais nous avons surpassé cela aussi, et nous nous sommes regroupés en amont, hors des limites du parc, et nous continuons notre vie.

Nous sommes cent une familles et, depuis de nombreuses années, nous luttons pour la création d’une Resex [3] pour que nos droits centenaires sur cette terre soient reconnus. La Resex n’a pas été créée car elle contrariait les intérêts des usines hydro-électriques. Cela a été le premier impact dont nous avons souffert avec le projet des barrages.

Maintenant, quarante ans plus tard, le gouvernement fédéral nous menace d’une nouvelle violence, la construction du barrage de Jatobá au centre de notre territoire traditionnellement occupé. Les entreprises d’études sont subitement arrivées, sans rien nous demander, ont envahi nos terres par l’intimidation, nous ont obligés à signer des documents dont nous ignorions la signification.

Nous n’avons jamais eu beaucoup de contact avec nos voisins Munduruku, mais maintenant nous affrontons le même ennemi et nous voulons nous unir à la lutte qu’ils ont entamée. Nous trouvons louable ce qu’ils sont en train de faire, et nous soutenons leurs actions contre la manière dont le gouvernement impose les barrages sur notre fleuve. Nous n’avons jamais été consultés et nous exigeons d’être écoutés.

Nous donnons tout notre soutien aux Munduruku qui occupent le chantier de Belo Monte. Nous voulons qu’ils sachent que ce qu’ils disent représente aussi nos exigences. Nous voulons que les Munduruku sachent qu’ils parlent aussi pour notre communauté.

Vous pouvez compter sur nous, nous voulons lutter unis avec vous.

Fleuve Tapajós, le 28 mai 2013.

Association des habitants
des communautés de Montanha et Mangabal
Marialvo Paiva dos Anjos, président

Source : Ocupação Belo Monte

Notes

[1Dilma Rousseff est présidente de la République fédérale du Brésil depuis le 1er janvier 2011.

[2Peles de gatos : littéralement, « peaux de chats ». Malgré une recherche, je n’ai pas trouvé la signification de cette expression. Je suppose qu’il s’agit d’une expression locale, peut-être pour désigner un produit dérivé du caoutchouc. Désolé ! (NdT)

[3Resex, réserve extractiviste : concept d’exploitation des ressources de la forêt en préservant l’écosystème générateur de ces ressources. Originaire de la lutte des saigneurs d’hévéas, dont Chico Mendes était le leader, dans l’état d’Acre dans les années 1970 (NdT).

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