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On dirait qu’ça t’plaît de marcher dans la boue…

mercredi 26 décembre 2012, par Tuttle

Du 10 au 17 décembre j’ai passé une semaine, un petit mois après la manif de réoccupation du 17 novembre (cf. rapide chronologie des derniers événements de la ZAD), sur la désormais fameuse ZAD (cette zone à défendre, ou zone d’aménagement différé, ou zone d’autonomie définitive, voire zone d’ancrage de dissident•e•s — tout dépend d’où l’on parle), cette zone d’atterrissage difficile pour J.-M. Ayrault et son projet d’aéroport dans le nord de Nantes.

Je ne reviendrai pas sur pourquoi toute une frange de la population est opposée à cet aéroport et sur les arguments des un•e•s et des autres. Non, je préfère me concentrer sur les quelques jours que j’ai passés là-bas et sur ce que j’y ai vécu, partagé.

La boue

Le premier élément matériel à prendre en compte et à apprivoiser est… la boue. Au début, surtout quand on vient de la Provence sèche, la boue est une substance qu’on a peu l’habitude de manipuler, et dans le bocage la boue est omniprésente, les précipitations les dernières semaines ayant été exceptionnelles dans un pays déjà à vocation humide.

Planté dans mes hautes bottes, régulièrement je posais le pied avec l’appréhension de ne sentir la terre ferme qu’une fois la boue ayant dépassé le haut de mes bottes. Sans mentir, à certains endroits il devait y avoir pas loin de cinquante centimètres d’une boue extrêmement fluide, très jolie dans sa viscosité due aux passages de centaines de personnes.

Et si au début on peut être surpris, voire réticent, on apprend rapidement à évoluer avec plaisir dans cet élément fascinant. En tout cas d’une manière plus joyeuse que les flics restant sur place et dont j’ai vraiment l’impression qu’ils ont du mal à s’y faire… Tout comme les femmes de ménage d’un des hôtels les accueillant et qui se sont mises en grève contre l’omniprésence de cette boue.

Les flics

Parlons donc un minimum de ces forces bleutées et surarmées.

Dans la biodiversité des forces d’occupation militaire sur le terrain nous avons droit soit aux CRS soit aux gendarmes mobiles. Entre les deux mon cœur balance. Check points quotidiens, avec ou sans contrôle d’identité. Leur présence fait que les cars de ramassage scolaire ne passent plus sur la zone. Les flics parfois, sans qu’on appréhende exactement pourquoi (quel ordre a été donné quand et dans quel but ?), bloquent tout mouvement, y compris des personnes qui habitent sur place depuis vingt ans… ou laissent passer sans contrôler ou ne contrôlent que les voitures, ou les vélos, ou les piétons, ou tout le monde, ou personne…

Quand nous y étions, trois arrêtés préfectoraux avaient prétention à régir la vie de la zone : interdiction des explosifs, pétards et autres feux d’artifices, interdiction du transport d’essence et interdiction des matériaux de construction.

Les flics ont parfaitement conscience de leur inutilité dans l’application de ces arrêtés, vu qu’eux-mêmes disent « de toute façon ça va passer par les bois à pied ». Ce qui effectivement se passe sauf quand des personnes veulent justement s’opposer à l’aberration de telles interdictions et d’une occupation militaire et qu’ils font du forcing pour passer le matériel devant les gardes mobiles dépités et néanmoins gazant. C’est ce qu’il s’est passé le samedi 15, avec un tracteur qui amenait une crèche en kit pour bambins.

Si tu ne veux pas croiser des uniformes, il suffit de couper sous leurs nez et leurs moustaches par les champs, et donc patauger dans la boue, de nouveau. Et quand il gèle, la boue tord les chevilles.

L’omniprésence policière engendre néanmoins pas mal de casse au sein du mouvement par la répression et les blessés, j’y reviendrai. Face au harcèlement policier un certain harcèlement de la police existe. Depuis des personnes âgées et très bavardes qui pendant des heures parlent et usent la patience policière en leur demandant pourquoi ils font ça, est-ce qu’ils n’ont pas honte, etc. jusqu’à des actions plus offensives de lutte.

Les forces policières génèrent l’insécurité et dès qu’elles ne sont pas présentes ou qu’on s’en éloigne une tranquille vie de sécession s’élabore dans un phénoménal laboratoire d’expérience humaine.

La vie sur place

Il n’est pas aisé de décrire la fourmilière ZAD, et quasi impossible de savoir ce qu’il se passe sur les deux mille hectares de bocages.

Ce qui est évident, c’est que ça construit. Et ça construit, et ça construit… Des cabanes-palettes, des yourtes, des caravanes… Jusqu’à certain rêve de gosse, comme cette maisonnette sur pilotis au milieu de l’étang nommé les noues pourries et qu’il faut rejoindre en bateau.

Un gros lieu de stockage de la nourriture s’est organisé au champ, si bien nommé, Hors-Contrôle. Il est constamment réapprovisionné par la générosité et la solidarité d’une foule très diverse de personnes. Différentes cuisines collectives existent autour des quelques gros lieux collectifs et d’activités : cuisine de la Chat-Teigne, de Hors-Contrôle, des Fosses-Noires...

Les journées commencent, dès 6 heures, en écoutant « la radio pirate faite par des pirates qui n’ont jamais fait de radio », Radio Klaxon qui squatte les ondes de Radio Vinci Autoroute. L’info trafic s’est transformée en info traflic !

« Vous êtes bien sur Radio Klaxon pouêt-pouêt 107.7. Une réunion sur les projets d’élevages et de maraîchages est organisée cette après-midi à 17 heures à la salle de réu’ de la Chat-Teigne. Et nous vous rappelons qu’il y a toujours cinq camions de gardes mobiles aux Ardillières. Apparemment ils ne contrôlent que les voitures mais pas les piétons ou vélos… »

Des permanences médicales se tiennent régulièrement, avec de vrai•e•s médecins et infirmier•e•s et ce n’est pas un luxe vu le nombre de blessé•e•s engendré•e•s par les forces militaro-démocratiques. Dans le même genre d’idée de protection du mouvement, une équipe légale se relaie avec en permanence un téléphone possible à appeler en cas de problème. Un pool d’avocats acceptent aussi de défendre les personnes tombant dans le filet judiciaire.

Et puis il y a les barricades. Forcément, nous devons parler des barricades… Quand les savoir-faire et les matériaux agricoles rencontrent le savoir-faire militant on arrive à des réalisations impressionnantes. Les balles rondes mélangées à la tôle ondulée donnent des barricades à la fois très hautes et qui paraissent plutôt solides. Surtout là, quand il y a eu du temps pour penser, construire et renforcer les barricades. Les barricades alliées à la détermination des personnes défendant les lieux sont de réels obstacles et en tout cas des ralentisseurs de l’action policière permettant aux soutiens extérieurs à la zone de venir en renfort lors de possibles attaques policières. La vigilance sur les barricades commence aussi très tôt le matin, vers 5 ou 6 heures. La tension et l’attention dépendent malgré tout de la situation juridique (même si à différentes reprises la préfecture est passée en force sans même respecter le droit dont elle se targue !) et que pour l’instant on est dans une sorte de statu quo assez bizarre.

La barricade génère d’un côté un enthousiasme, de l’énergie car, enfin, nous sommes dans une situation où de vrais barricades existent et ne sont plus une référence historique (type la Commune ou Mai 68) ou exotique (type Oaxaca). Ici et maintenant nous vivons des circonstances historiques nécessitant ces moyens. D’un autre côté la mythologie de la barricade et sa dynamique quelque peu guerrière entraîne une ambiance qui n’est pas forcément ultra agréable car très viriliste, grosses couilles et testostéronocompatible. Un certain nombre de femmes qui ont pu être sur les barricades ou participer aux différents affrontements passés ne veulent plus mettre les pieds là-bas à cause de cette ambiance. C’est dommage.

Dans le même ordre d’esprit de ne pas idéaliser ce qu’il se passe sur la zone, des attitudes et propos homophobes et sexistes plombent parfois l’ambiance. Au moins deux couples homos se sont fait suivre, moquer ou menacer…

Comme quoi, on peut être contre l’aéroport mais pas contre son monde…

Les risques

Si dans les premiers temps des expulsions la violence était relative, cette situation de pression policière a, par la suite, mené, comme je le disais déjà, à pas mal de casse humaine. Les flash-balls et grenades assourdissantes font beaucoup de blessé•e•s. Les grenades envoient des tout petits bouts de plastique ou de métal qui, comme ils sont chauffés à blanc, entrent dans les chairs en cautérisant la plaie. Il est très difficile ensuite d’enlever ces restes. Sans compter bien évidemment les tirs tendus, de lacrymos ou de grenades de désencerclement.

La volonté répressive paraît grandir les derniers temps, avec une augmentation des procès et des arrestations. Au dernier compte, on en était à quatre-vingts arrestations avec procès à venir ou se tenant dans la foulée du fait des comparutions immédiates. Les peines sont principalement du sursis, avec des amendes pour refus de fichage ADN ou d’empreintes et avec interdiction de territoire des cinq communes entourant la ZAD. Deux personnes sont néanmoins en prison pour cinq et six mois ferme, ce qui commence à faire très lourd. Le besoin de solidarité est important. Est-ce parce que les procès ont commencé de manière sporadique et dispersée que la mobilisation contre la répression m’est apparue comme assez légère au début ? C’est en cours de changement car on arrive à un tel nombre de personnes incriminées que la solidarité commence à s’organiser concrètement.

Une pensée aussi aux personnes blessées, plus ou moins grièvement, et qui sont soit encore à l’hôpital, soit en convalescence.

Situation politique

Le foisonnement humain et social, le quotidien de suractivité pourraient presque faire oublier la situation politique concrète de où en sont la lutte et le mouvement.

J’ai l’impression que depuis bien longtemps nous avons un mouvement de lutte réellement fort et qui ne faiblit ni par les revirements médiatiques ni par la pression/répression policière.

La violence des agressions policières des 23 et 24 novembre [1] et les plus de cent blessé•e•s ont renforcé la cohésion du mouvement, la solidarité.

Une bagarre juridique a aussi été menée sur l’autorisation de destruction/expulsion des cabanes construites le 17 novembre, en particulier la Chat-Teigne. Le 4 décembre au tribunal de Saint-Nazaire, la préf’ demandait la destruction. Le tribunal a donné son rendu le 11, ce qui était déjà une déception pour la préf’. Le 11 au matin, le tribunal autorise la destruction des cabanes. Les opposant•e•s disent qu’il y a des personnes qui y habitent, et qu’il faut un jugement ordonnant leur expulsion avant de pouvoir détruire. En trois heures (sans doute un record du monde de célérité judiciaire), le tribunal donne l’autorisation d’expulser. La préfecture déclare alors que les opposant•e•s n’ont plus aucun droit. Encore une fois la préfecture s’est lamentablement fourré le doigt dans l’œil, car ces opposant•e•s qui ne revendiquent pas le droit ont prouvé à la préfecture qu’il y avait d’autres voies, et en particulier un recours en rétractation qui aurait été du plus mauvais effet pour les services préfectoraux, puisqu’ils risquaient d’être forcés de lancer une procédure d’expulsion nominative, les procédures traditionnelles sur les squats. La préfecture a demandé que le recours ne soit pas déposé et a lancé cette procédure nominative.

Toute cette fastidieuse action juridique démontre une des forces du mouvement : on ne lâche rien sur rien, des barricades jusqu’au plan juridique...

À côté de ça, l’État a lancé, le 21 décembre, la commission du dialogue, avec trois zoli•e•s technocrates qui ont déjà participé et/ou organisé des débats publics sur des grands projets d’infrastructures type autoroute. Une commission qui brasse du vent peut-elle être nommée d’éolienne ?

Au moins deux conditions ont été posées par l’ACIPA, l’association citoyenne opposée à l’aéroport : le retrait des forces d’occupation policière et la possibilité d’aborder le fond du sujet, c’est-à-dire la construction ou pas de l’aéroport. Il n’est pas question de discuter des aménagements à apporter au projet pour qu’il puisse se faire.

Le PDG de la commission du dialogue a annoncé que son travail continuerait jusqu’au 31 mars, dernier délai, et que ce serait un mauvais signe de dialogue s’il y avait des expulsions (ou tentatives) sur la ZAD. La préfecture comprendra-t-elle cette subtilité ou au contraire essaiera-t-elle de nouveau un coup de force croyant les opposant•e•s endormi•e•s par les déclarations de la commission du dialogue ? Juridiquement, un des derniers lieux en dur sur la zone, la Sécherie, est expulsable dès le 27 décembre et on verra les suites juridiques sur la Chat-Teigne.

La rencontre des comités locaux

Les 15 et 16 décembre avait lieu la première rencontre nationale des comités locaux à Notre-Dame-des-Landes. Entre cent cinquante et cent quatre-vingts comités s’étaient déplacés, réunissant de trois cents à quatre cents personnes (à ce jour, il y a presque deux cents comités locaux). Pour comparaison et mémoire, au plus fort de la lutte au Larzac contre l’extension du camp militaire, on ne comptait qu’entre soixante-dix et quatre-vingts comités locaux. C’est vrai qu’Internet n’existait pas encore...

Après une matinée passée à la présentation succincte des diverses dynamiques locales et des actions de soutien qui ont pu être réalisées dans toute la France, nous avons travaillé une après-midi en commission. Il y en avait quatre :

– L’implication des collectifs locaux sur la vie de la Chat-Teigne et sur la ZAD. Il en est sorti une proposition de relais par ville et un début de calendrier a été élaboré. Cela permettrait, d’une part, de soulager les personnes vivant sur la ZAD et, par ailleurs, d’apporter un contenu de discussion et de débat issu de l’identité et de la manière de faire de chaque lieu.

– Organisation de la réponse sur la zone en cas de tentative d’expulsion (de la Chat-Teigne ou tous autres lieux). L’idée était de voir ce qu’on pouvait imaginer un peu dans le style de la manif de réoccupation du 17 novembre. Tout n’est pas encore très clair, mais il semblerait qu’on s’oriente pour une manif de Nantes à la ZAD quelques semaines après les tentatives d’expulsion.

– Coordination d’actions décentralisées par les comités locaux. Ces actions seront de deux ordres, soit en réaction à une tentative d’expulsion sur la zone soit les actions du « quotidien » pour continuer la pression populaire. En réaction à une attaque policière, un appel à occuper dans les deux jours suivants les lieux de pouvoir : préfectures, sous-préfectures, mairies, etc. Sinon, différents appels ont aussi été lancés, hors actions policières sur la zone : appel à péage gratuit lors des vacances de Noël ; appel à parasiter les vœux de nouvel année de nos chers élu•e•s PS à quelque niveau que ce soit : mairies, conseils généraux, conseils régionaux, députation... Deux jours d’action nationale contre Vinci se tiendront aussi les 18 et 19 janvier, à chacun selon ses moyens et envies. Et peut-être que j’en oublie.

– Outil de coordination entre les comités locaux et évocation d’une charte. De grands débats stratégiques et politiques autour de la possibilité d’une charte se sont tenus. Votre serviteur est dans l’incapacité d’en rendre compte, désolé. Ce qui est apparu clairement c’est la gestion commune d’une liste mail entre l’ACIPA et le mouvement des occupations. Ça paraît peut-être anodin, et on pourrait se dire encore une énième liste mail. C’est vrai, mais ce qui est à noter c’est la gestion commune de la liste et pas son existence, car la relation entre l’ACIPA et le mouvement des occupations n’a pas toujours été très facile et, il y a quelques semaines, il aurait été impossible d’imaginer une telle gestion commune. Une autre rencontre nationale est d’ores et déjà prévue pour le printemps, dates à préciser.

Après la boum disco endiablée du samedi soir, le dimanche matin un débat stratégique en grande assemblée nous a réunis avec, auparavant, une prise de parole des différentes composantes de la lutte. L’après-midi une visite de la Chat-Teigne était organisée.

En dehors des insatisfactions inhérentes aux assemblées en grand groupe par exemple, ces rencontres étaient particulièrement enthousiasmantes. Je n’avais jamais assisté dans une telle diversité de personnes à des discussions où l’évidence d’une certaine radicalité ne se discutait pas. Certaines personnes issues de partis politiques ont demandé à ce que les partis puissent exister dans cette lutte. Même pas ça se discute ! Le principe que les individus peuvent venir mais pas les organisations en tant qu’organisation et encore moins les partis en tant que parti est intégré et on n’en parle plus. Dans le même genre d’idée, la diversité des tactiques et des types d’action étaient une base d’accord avec comme pilier l’union du mouvement et la non-dissociation. Il est vraiment revigorant de sentir un mouvement où enfin le débat violence/non-violence est concrètement dépassé dans la pratique et dans la parole [2]. La composante issue du mouvement des occupations a su gagner ses galons de respectabilité par la lucidité politique et stratégique de son implication. Avoir pensé des années à l’avance les occupations, les expulsions et les moyens d’y faire face, avoir toujours gardé un temps d’avance sur les gouvernants, en particulier en ayant prévu la manif de réoccupation depuis plus d’un an et demi, et avoir eu le courage et la pratique des barricades et de se défendre des agressions policières, toutes ces raisons font que beaucoup de monde comprend mieux cette dynamique politique et la respecte enfin. Et cela n’évacue pas les débats ni certaines incompréhensions venant de cultures de lutte très différentes...

Ces deux jours de rencontres vont avoir une importance dans les temps à venir, même s’il sera très difficile de l’évaluer. Le mélange de radicalité alliée avec un réel espoir de victoire et la brèche ouverte pour parler de l’aménagement du territoire et des infrastructures nuisibles et imposées, tout cela a commencé à irriguer la société française, et on verra dans quelque temps comment ces graines auront germé...

La suite

Il paraît assez évident que l’État, ses chiens de garde et les élu•e•s militant pour le projet commencent à paniquer et à ne plus savoir quoi faire face au kyste zadiste. Dernier exemple en date, la publication d’un appel d’offre de 200 000 euros par le syndicat mixte de l’aéroport pour favoriser les arguments pour l’aéroport aussi bien dans les médias que dans les réseaux sociaux. Appel d’offre déjà hautement comique, car il semblerait donc que les arguments pour l’aéroport ne soient pas suffisamment probants puisqu’il faut les asséner à coup de sociétés spécialisées dans le lobbying. Et le dernier gag en date est le retrait de cet appel après le tollé suscité par ce dernier et aussi les actions menées par les opposant•e•s pour se procurer et répondre à l’appel d’offre. Énième recul des édiles qui ne savent plus comment faire... Leur dernier et ultime argument quand tous les autres sont démontés pied à pied est le respect de la démocratie représentative, car ils ont été élu•e•s en étant pour ce projet, ne s’en sont jamais caché•e•s et que quand même il faut la respecter cette démocratie. Et ben non, et c’est justement aussi ce qui s’élabore sur place dans le bocage, c’est une autre démocratie, sans délégation, sans représentant•e•s, sans expert•e•s, juste une démocratie directe et égalitaire. Tu m’étonnes que les personnes sortant de l’ENA ne comprendront jamais ce genre de dynamique et de pensée ! Un autre monde se vit.

Un des débats lors de la rencontre des comités locaux portait sur le lien avec les luttes locales avec deux axes. Doit-on surfer sur la dynamique ZAD pour renforcer les luttes locales (contre les lignes LGV ou THT, contre les surfaces commerciales, contre les stades, contre les autoroutes, etc.) ou doit-on d’abord se concentrer sur la ZAD, continuer à taper, et taper encore pour enfoncer le coin et enfin gagner ? Et cette victoire renforcerait toutes les luttes locales. Difficile de trancher, évidemment, et en terme de mouvement social il n’y a, heureusement, pas de science exacte. Ce débat révèle deux choses, la prégnance future des débats sur les infrastructures comme déjà mentionnée et aussi la possibilité, l’éventualité de la victoire. Ce qui ne va pas sans poser de questions. De quelle victoire parle-t-on, quand on lutte contre l’aéroport et son monde ? Pour l’aéroport, peut-être que nous pouvons gagner ; pour le monde, un nouveau cycle de luttes acharnées devront être menées pour commencer à entrevoir des prémices de lumière...

Et puis que va-t-il se passer sur la ZAD si le projet est abandonné ? Des discussions commencent sur la zone. Des discussions PAC : perspectives agricoles communes. C’est bien de garder l’initiative et un pas d’avance, même s’il ne faudrait pas pécher par optimisme. La lutte doit continuer, car le projet est toujours d’actualité. Autre question : l’union sacrée actuelle qui vient des agressions policières tiendra-t-elle quand on discutera avec le pouvoir de l’avenir de la zone ?

Mais on n’en est pas là, et le recul du gouvernement n’a pas encore lieu.

Ce qui paraît sûr c’est qu’Ayrault ne pourra pas rester comme premier ministre s’il y a un recul sur le projet. Donc à voir avec les prochains remaniements.

Et puis continuons encore et toujours, répondons aux différents appels issus de la ZAD, allons voir sur place comment ça se passe, pourrissons nos élu•e•s et leurs vœux indigestes et continuons cette lutte enthousiasmante !

Tuttle
24 décembre 2012.
Source : L’Ire des chênaies.

Rapide chronologie incomplète

1967 : début du premier projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes prévu pour accueillir le Concorde.
1973 : création de l’ADECA, association des exploitants agricoles, première association contre l’aéroport. Le choc pétrolier et le fiasco Concorde ont raison de ce premier projet.
Début des années 2000 : un certain Jean-Marc relance le projet. Création en 2000 de l’ACIPA, association citoyenne ayant lutté principalement sur le terrain juridique, avec pétition et grand rassemblement humain ponctuel.
2008 : le collectif des habitant•e•s qui résistent invitent à venir s’installer et occuper la zone.
2009 : camp action climat sur la ZAD. (R)appel à occupation. La dynamique d’installation sur la zone est potentialisée.
2012 : après une grève de la faim de quelques personnes à Nantes pendant la campagne électorale accord avec le PS : pas d’expulsion jusqu’à la fin de tous les recours juridiques. Désaccord et différence d’analyse au sein du mouvement d’opposition. Certain•e•s croient que cet accord s’applique pour tout le monde, d’autres disent que cela ne concerne pas la dynamique des occupations d’après 2008.
16 octobre : début de l’opération César des expulsions sur la zone. À midi la préfecture déclare que l’opération est terminée et que les expulsions ont toutes réussies. Pendant presque trois semaines des affrontements entre les flics et les opposant•e•s auront lieu. Il faudra plusieurs jours pour expulser certains lieux.
17 novembre : grande manif de réoccupation. Environ quarante mille personnes participent à ce qui s’apparente à une action directe de masse avec reconstruction de six cabanes. Le cortège est ouvert par un groupe d’autodéfense de deux mille personnes, avec banderole renforcée et charriots de supermarché. France Inter parle au journal de 13 heures d’une manifestation de deux mille personnes.
23 et 24 novembre : attaque policière sur la Chat-Teigne, très probablement illégale pour le 23. Très durs affrontements dans la forêt de Rohanne. Plus de cent blessé•e•s. Réactions dans toute la France avec des actions de solidarité qui d’ailleurs ont débuté dès le 16 octobre.

La suite est à écrire.

Notre Dame des Luttes !
un documentaire de Jean-François Castell

Notes

[1À noter que l’intervention du 23 est très certainement illégale, même si elle venait de la préfecture avec des ordres des plus hautes instances. Les mêmes qui se gargarisent de l’État de droit et de la légitimité démocratique ne se donnent même plus la peine de respecter leurs propres principes quand ils se retrouvent face à une force réelle et déterminée. Les naïvetés démocratistes en ont encore pris un coup !

[2Voir à ce propos le texte (Lettre au Monde, sur « la voie du jaguar ») paru sur le site du Monde en réponse entre autres à la tentative de récupération de Susan George (hé oui, il semblerait qu’elle existe encore et qu’on n’en soit pas encore débarrassés) et intitulé « Contre l’aéroport mais pacifistes que ça ! ».

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