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Notre-Dame-des-Landes : hommage à Michel Tarin

mardi 4 août 2015, par ZAD

Samedi 1er août 2015.

Alors, on apprend la mort de Michel Tarin. Ça fait chier. Le cancer a emporté un camarade, le genre avec qui on n’est pas toujours d’accord, le genre pas toujours tendre avec nos modes d’action. Mais aussi le genre têtu, présent dans la lutte anti-aéroport depuis le début et qui a vieilli avec elle. Il incarne un pan de l’histoire des luttes paysannes radicales de la région. Il a participé à la naissance de l’Acipa. En 2012 il a fait partie des grévistes de la faim qui ont obtenu des socialistes l’engagement que les habitants légaux ne pourraient être expulsés, permettant des bases solides sur la zone qui ont participé à l’échec de l’opération « César ».

On a eu l’envie de partager avec vous des bouts de récits issus d’un entretien réalisé avec lui il y a quelques mois. En forme d’hommage.

Mai 68

« On a participé à mai 1968 en tant que “paysans en lutte”. On avait organisé un soutien des paysans du coin à la première usine occupée, SudAv à Bouguenais, l’équivalent d’Airbus aujourd’hui. Le ravitaillement ça a été la première forme de soutien concret. On apportait des patates, du lait, de la viande, des légumes. Y avait des bouffes en commun, des discussions à n’en plus finir. Le 24 mai 68, on a rebaptisé la place Royale “place du Peuple”, pendant la grosse manif. Nous les paysans, on était à cette manif avec les tracteurs, les épandeurs à fumiers et tout ça… pour faire pousser les carottes en ville ! Quand on a quitté la place pour remonter vers la préfecture, ça pétait sec ! On était vraiment des terroristes à l’époque. Rires. Il y avait un forgeron à Treillères, qui ferrait les chevaux et qui avait un bidon de 200 litres rempli d’écrous de charrue. On s’en mettait plein les poches. Un gars qui tirait très bien à la fronde, c’est Jojo Leroy. Avec lui, je te garantis que les fenêtres de la préfecture…

Ce qui m’avait marqué c’est les chantiers aux Batignolles. Les gars occupaient l’usine et l’ouvraient à leurs familles. À l’époque, personne ne rentrait dans les usines ! Quand on voit la manif de réoccupation à Notre-Dame-des-Landes, où les gens qui arrivaient avec les enfants et tout le monde. Ben il faut s’imaginer la même chose, mais dans les usines à Nantes, dans les rues, partout ! 68, ça venait bousculer tous ces vieux clichés, il y avait pas que foutre de Gaulle en l’air, comme à Notre-Dame-des-Landes, c’était des réflexions sur comment on peut construire une société différente. Mais bon, Mai 68, il y a un jour de juin où ça c’est… terminé en quelque sorte. Mais en réalité, rien ne s’est arrêté pour nous. Ça a été un grand départ, un grand départ qui dure toujours. Le mot d’ordre à la Sorbonne, c’était : de toute façon, mai 1968, on ne pourra pas le recommencer tous les jours, d’ailleurs on peut dire qu’on est plantés, la révolution qui était en route, elle s’est arrêtée. Mais on a des acquis de lutte, comment continuer à faire mousser les choses pour amener cette révolution. Pour moi, il reste quelque chose de tout ça ici. Il y a un certain héritage politique. »

Sur les débuts du projet...

« On apprend qu’il va y avoir un aéroport en 1963. Coup sur la tête ! Il a fallu attendre 1969 pour avoir la première rencontre des maires des quatre communes concernées [note : Notre-Dame-des-Landes, Grandchamp, Treillères et Vigneux-de-Bretagne]. Et là on a commencé à s’organiser, à se réunir, à demander des comptes aux élus. Et puis, en 1974, ce territoire a été décrété zone d’aménagement différé. Donc dans les années 70, nous on avait déjà fait les premières manifs. Ça date pas d’hier cette lutte là, ça a été une lutte pour la défense de la terre. »

… et la défense de la terre

« Pour défendre la terre on a appuyé des installations sur la ZAD. Deux paysans : Hervé Bézier et Joël Gicquel. Hervé vivait chez ses parents, il était aide familial, et ses parents sont partis à la retraite, en se disant “on ramasse la monnaie, on vend la ferme”, parce que le conseil général achetait déjà à l’époque. Mais Hervé voulait rester à la ferme, alors nous on est intervenus, dans les années 76-77. On a monté le dossier d’Hervé, on l’a accompagné dans ses démarches administratives et on a imposé au père que son salaire différé soit payé en vaches. Il a eu ses premières vaches comme ça, et nous on a fourni les uns ou les autres des génisses comme ça, pour l’aider à démarrer, comme à la ferme de Bellevue !

Cette politique-là, on l’a toujours menée : défense de la terre. Et on l’a imposée au conseil général parce que au départ c’était vraiment dans l’illégalité : Joël et Hervé c’était du squat si tu veux, ils ne pouvaient pas cotiser à la sécurité sociale agricole, pas contracter de crédit, pas toucher les aides publiques. Ils pouvaient rien avoir et donc on les a aidés à se financer. En 1981, la gauche était passée, on a obtenu du ministre des Transports Fiterman un document par lequel on pouvait exploiter les terres avec un bail précaire, puis une dérogation pour que des jeunes puissent s’installer. Voilà. Et c’est comme ça que se sont installés des jeunes dans les fermes de la Geneslière et de Saint-Antoine. Installés en 76-77, puis régularisés courant 81-82. »

On pense qu’il est précieux de partager la mémoire des luttes. Michel en avait un rayon à raconter.

Salut à toi ! Une pensée à tous les proches.

Une cérémonie d’adieu a lieu mardi 4 août, 13 h 30, salle Simone-de-Beauvoir, à Treillières.

Des occupant•e•s de la ZAD

Source : zad.nadir.org

Lettre de Michel Tarin aux participants au rassemblement
Notre-Dame-des-Landes 2015 « Chauffe la lutte, pas le climat ! »

Lettre lue par Agnès Belaud le 12 juillet en clôture du rassemblement.

À toutes et à tous, bonjour !

C’est avec beaucoup de tristesse, mais aussi d’espoir, que j’ai accepté une nouvelle hospitalisation quatre jours avant ce grand rassemblement. Cela fait partie du combat que je mène, avec les miens, contre la maladie... Mais j’espère pour revenir plus fort à vos côtés !

Je vous souhaite deux grandes journées de réflexions et de luttes. Continuez toujours à faire des propositions et mener des actions pour imposer un autre développement en faisant barrage aux projets inutiles et destructeurs de Notre-Dame-des-Landes et d’ailleurs...

Il faut toujours renforcer la coordination entre les luttes par l’association contre les grands projets inutiles et imposés, soutenir le travail engagé auprès du Tribunal permanent des peuples et faire connaître à tous les citoyens le travail colossal des ateliers citoyens.

Vendredi prochain, la justice rendra son jugement sur nos recours au tribunal administratif. Tout d’abord, attendons le résultat... mais déjà les pro-aéroport et certains élus sont sûrs d’avoir obtenu le début des travaux ! Pour cela pourtant, seule une décision politique au plus haut niveau de l’État peut en prendre la décision. Si jamais cette décision était prise, il leur faudrait passer par la violence d’État avec ses forces policières pour évacuer la zone... (Alors une pensée pour Rémi Fraisse et les blessés des luttes précédentes). Mais, nous serions plusieurs dizaines de milliers dans la non-violence, mais en désobéissance civile à revenir sur le terrain comme en novembre 2012 ! Ce serait également un moyen concret de participer par l’action à la Conférence internationale sur le climat de décembre prochain à Paris. De même pour les élections régionales, les candidats qui font des discours sur l’écologie tout en soutenant les projets inutiles n’auront pas ma voix !

Ne lâchons rien, « quand le peuple lutte, le peuple gagne » !

Nous sommes donc « condamnés » à gagner pour l’avenir de notre planète et les générations futures.

À très bientôt dans la lutte.
Michel

Source : Acipa

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