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Les impacts du zapatisme en Amérique latine

jeudi 25 décembre 2003, par Raúl Zibechi

« La plus mortelle de ses attaques, l’EZLN ne l’a pas lancée contre les forces gouvernementales mexicaines, mais contre les bibliothèques, contre les manuels, contre le savoir révolutionnaire établi. »
Francisco Ferrara

Rechercher quelle a été l’influence du néozapatisme sur les mouvements sociaux d’Amérique latine, suppose que l’on dépasse ses aspects visibles et les pratiques institutionnelles. Dans les nouveaux mouvements, les ruptures avec les traditions héritées des années 1960 et 1970 ne sont pas aussi évidentes que les continuités. Pour les découvrir il faut interroger au-delà des expressions publiques et des programmes, pénétrer les pratiques, les manières de vivre et les relations sociales qui se construisent à l’intérieur des mouvements, car ce sont celles qui façonnent les nouvelles manières de faire de la politique et préfigurent la société à laquelle les nouveaux sujets aspirent.

D’une part, on peut suivre les traces du zapatisme dans certains des mouvements les plus récents et les moins institutionnalisés ; d’autre part, ces traces incluent certains thèmes qui ont pris place au centre des débats ouverts par les nouveaux acteurs sociaux : parmi les plus saillants, la question du pouvoir, l’autonomie et l’autogestion, les temps du « dehors » et du « dedans » et la manière de comprendre le changement social. Ces impacts, cependant, se mêlent souvent à des idées et des attitudes plus « traditionnelles » et, sauf exceptions, comme la Mesa de Escrache Popular de Buenos Aires, certaines assemblées de quartiers et certains groupes de piqueteros, la ligne dominante semble être un impact relativement fort sur les thèmes relatifs au pouvoir étatique, et d’autres impacts plus superficiels, en particulier ceux rattachés aux temps intérieurs et à la manière de concevoir le changement social.

On peut suivre les traces de l’influence du zapatisme dans une grande partie des mouvements de jeunes et d’étudiants de tout le continent ; il existe une forte empathie entre les mouvements indigènes continentaux et le zapatisme, sans doute parce qu’ils partagent une même vision du monde ; par contre l’impact du zapatisme hors de ces espaces n’est pas aussi évident, quoique les crises des gauches de partis et les difficultés que traverse le mouvement populaire aient fait de l’EZLN une référence nécessaire, bien qu’encore lointaine. En lignes générales, les traces que laisse le zapatisme en Amérique latine sont plus visibles dans le mouvement social argentin qui a émergé pendant les journées des 19 et 20 décembre 2001, que dans le reste du continent. Peut-être parce qu’il s’agit du plus récent, du moins institutionnalisé et du plus ouvert des mouvements qui se propagent dans la région.

Pouvoir, contre-pouvoir et anti-pouvoir

La proposition zapatiste désormais célèbre « nous ne voulons pas prendre le pouvoir » a été reprise par des intellectuels et des dirigeants politiques et sociaux, mais elle imprègne aussi une bonne part des débats de certains mouvements importants du continent. Elle appelle cependant l’attention sur le fait que l’ensemble des partis politiques de gauche de la région - qui se rejoignent au sein du Forum de São Paulo - continuent d’ignorer l’importance stratégique de ce débat : depuis les courants les plus modérés, proches de la troisième voie, jusqu’aux mouvements guérilleros, tous ont passé sous silence pendant une décennie la possibilité de reconsidérer leur proposition de conquérir le pouvoir étatique, point axial à partir duquel ils comptent articuler les changements, et ils restent absorbés dans la vieille polémique sur les voies, révolutionnaires ou réformistes, qui conduisent à l’« objectif final ». Chez les intellectuels, les choses ne sont pas très différentes. Les plus haut placés, ou les plus institutionnalisés, ont choisi d’éluder le débat. D’autres sont intervenus dans le débat sur un ton accusateur, reprochant à ceux qui défendent la thèse « ne pas prendre le pouvoir étatique » de montrer des signes de « faiblesse » (c’est le cas de James Petras) ou de défendre des idées qui « conduisent à la défaite » (comme le soutient le philosophe argentin Ruben Dri). Moins fréquents ont été les désaccords réels qui ne visaient pas à diaboliser l’adversaire, comme la polémique entre Atilio Borón et John Holloway (Borón, 2001 ; Holloway, 2001).

Dans les cas où le débat a été repris par les gauches de partis, le résultat a été peu encourageant. Le Parti communiste révolutionnaire d’Argentine, maoïste et inspirateur de l’association de piqueteros Corriente Clasica y Combativa, le groupe de chômeurs le plus nombreux et le mieux structuré, s’oppose de toute son énergie au livre Changer le monde sans prendre le pouvoir, de John Holloway (Holloway, 2002), mais comme les autres partis de gauche, il se déclare en faveur de l’EZLN. Sans pouvoir abandonner les schémas les plus classiques, le PCR soutient que la thèse « ne pas prendre le pouvoir » « sert les classes dominantes », vu qu’elles se proposent d’« éloigner les masses du pouvoir pour le garder aux mains des classes dominantes » (Nassif, 2002). Le ton employé par le Parti des travailleurs socialistes (PTS), organisation trotskiste fortement présente dans les usines récupérées Brukman et Zanón, est encore plus agressif : Holloway et les défenseurs de la non-prise du pouvoir étatique seraient des victimes de l’« éclectisme méthodologique », des « réformistes » et des « petits-bourgeois », si l’on s’en tient aux qualificatifs les plus doux qu’ils emploient à leur égard (Rau, 2002). L’influence du zapatisme en Argentine et l’impact médiatique de ses thèses principales ont provoqué un contre-mouvement qui s’étend des espaces académiques jusqu’aux plus importants mouvements sociaux, mais dont le fer de lance est représenté par quelques intellectuels et par les partis de la vieille gauche.

Au contraire, la polémique sur le pouvoir étatique est présente dans quelques mouvements importants, surtout dans les mouvements équatorien et argentin. Le débat a lieu parfois de manière latérale, peut-être pour éviter de rejeter directement les propositions zapatistes, peut-être à cause du prestige énorme dont jouissent le sous-commandant Marcos et le commandement indigène. Dans les deux cas, le débat survient pour des raisons différentes. En Équateur, comme nous le verrons, il a résulté de l’expérience du 21 janvier 2000, lorsque le mouvement indigène et des militaires nationalistes prirent en mains pendant quelques heures le pouvoir étatique en décomposition. Ce bref hold-up de l’État provoqua une situation de crise dans les principales organisations du monde indien. En Argentine, les événements des 19 et 20 décembre 2001 ont donné lieu à des lectures idéologisées de la réalité : depuis ceux qui ont cru y voir une situation prérévolutionnaire qu’il faudrait canaliser vers la révolution - prise du pouvoir, jusqu’à ceux qui prétendent que laisser ouvertes les questions posées par des événements qui défient les savoirs des révolutionnaires est un moyen de maintenir active la créativité sociale.

L’impact du « ne pas prendre le pouvoir étatique » sur le mouvement des piqueteros et des assembléistes peut se vérifier d’une manière plus directe : l’Argentine est le pays où la thèse de Holloway et celles de l’EZLN ont franchi les frontières du monde intellectuel et du monde militant pour s’incarner dans de vastes franges du mouvement social, et y disposent d’une diffusion inhabituelle dans d’autres pays latino-américains.

Un document récent de plusieurs MTD [mouvements de travailleurs sans emploi] de la Coordinadora Aníbal Verón, un des groupes piqueteros indépendants des partis et des centrales syndicales, indique : « nous prenons nos distances à l’égard des visions qui limitent l’idée du pouvoir à la conquête de l’appareil de l’État, comme objectif et fin ultimes », et il met l’accent sur une conception du pouvoir qui semble tirée de l’idéologie zapatiste : « Le pouvoir n’est pas une “chose” qui nous est étrangère, au sujet de laquelle nous devons choisir d’être pour ou contre : nous préférons le comprendre comme une relation sociale. Le pouvoir populaire se construit depuis et dans les bases, avec une démocratie et une participation conscientes, avec des relations qui préfigurent la société à laquelle nous aspirons » (MTDs, 2003).

Il vaut la peine de souligner qu’une bonne partie de ceux qui se réfèrent à la Coordination Aníbal Verón sont des jeunes qui se sont formés aux lectures zapatistes, lorsque les communiqués du sous-commandant Marcos captivaient les jeunes au milieu des années 1990, depuis les étudiants des universités jusqu’aux chômeurs des quartiers périphériques. Une des particularités du cas argentin à l’égard du zapatisme, c’est l’identification d’une partie des rockers, public et groupes de rock, à Marcos et à l’EZLN.

Mais les influences de ce débat sont plus vastes et parviennent à d’autres endroits du continent, surtout où la population indigène est importante. L’expérience récente du mouvement équatorien, le plus important du continent avec le mouvement argentin, a montré un infléchissement en raison de l’insurrection qui a renversé le président Jamil Mahuad en janvier 2000. Juste après le soulèvement, le débat sur la conception du pouvoir a repris avec force dans le mouvement indigène. Luis Macas, dirigeant de la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Conaie), a rappelé qu’en langue quechua ushay, le pouvoir, « est la capacité à nous développer collectivement » (Macas, 2000). L’assertion de Macas coïncide remarquablement avec la proposition de Holloway de différencier le pouvoir - faire (comme capacité humaine de base) du pouvoir - domination (Holloway, 2003).

Issu d’une réflexion sur la même expérience, le travail de l’économiste Pablo Dávalos conclut que l’insurrection du 21 janvier clôt un cycle, pendant lequel en effet « la dynamique du pouvoir s’est intégrée à un mouvement dont l’action a toujours été coordonnée par sa capacité à se transformer en contre-pouvoir social » (Dávalos, 2001).

Les dirigeants de la Conaie se sont éloignés du projet initial des Indiens, lequel repose sur la défense d’un État plurinational qui garantisse l’autonomie des peuples et des nations indigènes. La dissolution des trois pouvoirs de l’État en janvier 2000 a abouti à ce qu’une bonne partie de la direction succombe à la « tentation » du pouvoir étatique. À ce moment, la Conaie a franchi le seuil qui sépare un mouvement social d’un mouvement politique, mais en agissant ainsi, elle a mis « tout son acquis historique » en jeu, puisque « se transformer en pouvoir signifiait laisser de côté son projet le plus stratégique et le plus à long terme de construire une société vraiment plurinationale ». La Conaie cessa d’être pour un temps le « contre-pouvoir le plus réel existant dans la société, celui qui fut capable d’exercer un pouvoir effectif de veto sur les initiatives les plus antipopulaires des élites » (Dávalos, 2001).

Plus grave encore, l’option du pouvoir (brève dans le temps, mais aux conséquences dramatiques pour le mouvement) obligeait à laisser de côté « les dynamiques propres de la résistance et à construire des formats plus institutionnels qui puissent à la longue servir de mécanismes de contrôle au surgissement de résistances possibles de la part d’autres acteurs sociaux ». En somme, le mouvement ne peut pas se transformer en pouvoir sans laisser de côté son expérience en tant que contre-pouvoir.

Un an plus tard, en janvier 2001, un nouveau soulèvement des bases, qui n’a pas été appelé par les dirigeants, reprend le projet original avec une plate-forme de lutte plus modeste. Les dirigeants qui s’étaient distingués un an plus tôt adoptèrent un profil bas sous la pression des bases qui comprenaient que se changer en option de pouvoir conduisait à la fracture du mouvement. Une conclusion s’imposa : « Il est plus important de transformer un pays déchiré par le racisme, l’autoritarisme et la toute-puissance que d’accéder au contrôle du gouvernement » (Dávalos, 2001).

Dans d’autres cas, comme celui du mouvement uruguayen des jeunes et des étudiants, on a pu voir l’empathie des jeunes avec des mouvements comme les sans-terre et le zapatisme dans le type d’organisation qu’ils créèrent : une coordination qui porta plus loin les occupations des centres d’étude en hiver 1996. Ils définirent que la coordination « n’est pas la direction du mouvement, parce que la direction dépend du mouvement lui-même » ; ils discutèrent pendant des heures et des jours les propositions, mais ils tirèrent au sort leurs représentants et placèrent les assemblées de centre au-dessus de la coordination (Zibechi, 1997). Une chose semblable s’est produite en avril 2000 pendant l’insurrection pour l’eau à Cochabamba. Là, « la multitude réunie délibère directement », abolissant « l’habitude de déléguer du pouvoir étatique », au point que la multitude redéfinit le rôle des dirigeants, qui ne sont plus désormais que des courroies de transmission (Gutiérrez, García, Tapia, 2000). Dans les deux cas, l’organisation du mouvement (elles assumèrent toutes deux la forme de coordinations) s’est construite sur la double logique de disperser le plus possible le pouvoir et parallèlement de refléter en son sein les réseaux sociaux des secteurs sociaux impliqués. Cette double caractéristique a conquis un espace, des têtes et des cœurs dans la majorité des mouvements sociaux du continent.

Les nouvelles images du changement social : horizontalité et communauté

Le changement social commence à se lier de plus en plus à la capacité de faire plutôt qu’à la conquête du pouvoir. C’est pourquoi les piqueteros de la Coordinadora Aníbal Verón affirment avec insistance que leurs initiatives de production « préfigurent » la société qu’ils désirent. Une image qui gagne du terrain parmi les nouveaux mouvements, c’est celle que montrent de nombreux médias : groupes de voisins, de sans-emploi et de paysans travaillant dans des entreprises collectives ou communautaires, une image parmi celles que montrent les femmes des secteurs populaires. La gamme va des cliniques de santé autogérées aux boulangeries communautaires, des potagers de voisins jusqu’aux petites fabriques de conserves, et parfois, comme dans un quartier du sud de Buenos Aires, les sans-emploi eux-mêmes (qui survivent avec 40 dollars par mois) ont installé une fabrique de briques avec lesquelles ils construisent leurs logements de moins en moins précaires.

Ces images toutes simples, beaucoup moins « héroïques » que celles que nous avons connues dans les années 1960 et 1970, font partie du nouveau paysage du mouvement populaire. Elles incluent l’idée de renforcer l’autonomie, qui repose sur la création de fait de territoires où les collectifs construisent leur nouveau monde, gagnant des espaces dans lesquels ils cherchent à assurer la nourriture quotidienne mais également à établir des relations solidaires et égalitaires (Fernandes, 1996).

L’une des questions qui traversent le mouvement piquetero (nommé « zapatisme urbain » par Holloway), est celle du « comment » produire sa subsistance. Un débat encore inachevé embrasse tout un ensemble d’organisations sur la nécessité d’une rotation dans les charges, sur le fait que les équipes de travail n’aient pas de contremaîtres, sur celui de savoir comment adoucir la division du travail et la hiérarchie des compétences (Zibechi, 2003). Quelques collectifs, comme le MTD de Solano, rejettent même l’idée qu’il puisse exister des dirigeants, se posant ainsi comme radicalement différents des mouvements comme les sans-terre qu’ils considèrent comme des frères et des inspirateurs (Colectivo Situaciones, 2002).

Depuis le milieu des années 1990, grâce à la double influence de l’expérience zapatiste et des nouvelles cultures des jeunes, l’idée d’horizontalité a gagné du terrain. À l’origine, il s’agissait d’un rejet viscéral des pratiques centralistes et hiérarchiques de la gauche et des syndicats. Mise en marche, l’horizontalité elle-même a gagné des espaces, elle s’est étendue et a fini par enrichir la vie quotidienne de groupes de femmes, de jeunes, et de plus en plus de sans-emploi et de paysans. Le cas de l’organisation HIJOS (les enfants des disparus de la dictature) d’Argentine mérite d’être mis en relief. La profondeur de ses définitions va de pair avec la profondeur de ses actions : en un petit nombre d’années, ils ont gagné le respect de l’ensemble du mouvement populaire, des médias et des intellectuels, et surtout ils ont obtenu que l’action qui les caractérise, l’escrache (concentration devant le domicile d’un tortionnaire pour que toute la communauté puisse le connaître) soit adoptée par de vastes franges de la société dans les périodes de mobilisations majeures.

S’arrêter sur l’expérience de HIJOS suppose que l’on mette en lumière une façon très semblable à celle du zapatisme de mener debout les luttes sociales. HIJOS se définit comme une « organisation horizontale à volonté consensuelle ». Elle a fait de l’asymétrie le signe de son identité. « Cela n’a pas de sens de toujours nous référer à l’ennemi ; si l’ennemi dit “blanc”, nous devons dire “noir” pour combattre le système » (Situaciones, 2002). Ils ne cherchent pas à obtenir que la justice châtie les génocidaires, ils ne proposent même pas un « châtiment populaire », mais quelque chose de plus profond : que chaque quartier dans lequel ils habitent soit leur prison, que chaque voisin soit leur geôlier. En pariant sur le châtiment social, ils cherchent à impliquer (et le font) l’ensemble des réseaux et des organisations de chaque lieu dans les escraches, si bien qu’ils travaillent avec eux pendant des mois, se démarquant des temps du système et des médias et s’occupant seulement des « temps intérieurs » du mouvement social. Les résultats sont surprenants : non seulement des dizaines d’assemblées de voisins ont effectué au cours de 2002 des centaines d’escraches contre les militaires génocidaires, mais beaucoup de ces derniers ont dû déménager, vu que les voisins refusaient de les saluer et qu’il leur était très difficile d’acheter du pain et le journal dans leur quartier.

Pour HIJOS, l’horizontalité et la reconstruction des liens solidaires détruits par la dictature sont des axes aussi importants que le châtiment des génocidaires. Autrement dit, des questions de principe.

« L’horizontalité est une vision particulière de la démocratie. On pourrait dire que l’horizontalité est un chemin, et en même temps une manière de marcher sur ce chemin (...) L’horizontalité est fondamentalement un effort, une demande à chacun de donner le meilleur de lui-même, de ne pas se reposer sur les savoir-faire d’autrui, d’accepter les décisions et les temps du collectif. Toutes les organisations indiquent dans leur manière de travailler le pôle qu’ils veulent atteindre. La manière de faire de la politique est (ou devrait être) un témoignage du monde, de la société dans laquelle ils veulent vivre » (Zibechi, 2003).

HIJOS est d’une certaine manière l’organisation la plus « purement » zapatiste du monde non indigène d’Amérique Latine. Bien sûr, il s’agit d’un collectif très particulier. Ses membres sont tous enfants de militants des années 1960 et 1970, de disparus, d’emprisonnés ou d’exilés ; ce sont des jeunes actifs et formés, dont beaucoup sont étudiants ; parmi leurs textes de référence figurent en premier lieu les communiqués de l’EZLN.

Visions du changement social : une façon de marcher

D’une manière très inégale, une idée différente du changement social gagne du terrain. Il ne s’agit pas d’une proposition nette, délimitée et précise, mais de la conviction que les changements doivent être liés au rétablissement des liens que le système détruit quotidiennement depuis des siècles. Et, d’autre part, du sentiment que les changements sont « notre affaire à nous » ou tout simplement ne sont pas.

La récente décision de l’EZLN de clore l’expérience des Aguascalientes et de construire à leur place les Caracoles comme espace de l’autonomie locale et régionale sera une inspiration stimulante. Les zapatistes ont décidé de mettre en pratique l’autonomie de fait, sans attendre que l’État mexicain la leur concède.

Ce n’est pas un chemin très distinct de celui sur lequel ils marchaient ni très différent de celui sur lequel avancent les indigènes équatoriens (mais aussi d’autres parties du continent et du Mexique), qui décidèrent de se rendre forts dans les municipalités où ils ont l’hégémonie ethnique, pour créer à partir de là les bases de la nouvelle société.

L’idée de forger une nouvelle sociabilité, de nouvelles relations entre les personnes et l’environnement, dans les espaces-îles que contrôlent les mouvements sociaux, est déjà le patrimoine de vastes franges de personnes organisées sur les fronts les plus variés. La métaphore de Marcos, selon laquelle il y a des gens qui « passent leur vie à imaginer que le gouvernail existe et à se disputer sa possession », tandis que d’autres « font d’une île non pas un refuge pour leur autosatisfaction, mais un bateau pour rencontrer une autre île, et une autre, et une autre... », cette métaphore commence à devenir une manière de vivre pour une partie considérable de ceux qui consacrent leur vie à changer le monde à partir des mouvements sociaux.

Raúl Zibechi

Traduction : Hapifil, pour RISAL.

Article original en espagnol :
« Los impactos del zapatismo en América Latina »,
La Fogata, 12 décembre 2003.

URL de l’article :
http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=788.

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