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Notes anthropologiques (L)

jeudi 2 avril 2020, par Georges Lapierre

Traité sur l’apparence (V)
La science comme idéologie : le naturalisme
« En réalité en buvant l’ayahuasca à Quirishari, j’étais déjà allé plus loin que les panneaux marqués “vous atteignez les limites de la science”, et j’avais trouvé un territoire irrationnel, subjectif, terrifiant et fascinant. » (Jeremy Narby)

Je constate qu’il existe deux sortes d’idéologie, une idéologie tapageuse et qui attire l’attention, et une idéologie bien plus insidieuse, moins visible et dont le domaine et la sphère d’influence échappent le plus souvent à la conscience. Je pourrai presque dire qu’il s’agit d’une idéologie subliminale. Alors que la première idéologie ou propagande se trouve directement liée au politique et, dans une large mesure, à l’État, la seconde idéologie suinte du mode de vie que nous connaissons et de l’importance qu’il est en passe d’acquérir. La première idéologie ne conduit pas à une cosmovision, la seconde par contre, qui épouse et travaille l’être en profondeur, finit par déboucher sur l’évidence d’une cosmovision. L’idéologie est trompeuse, comme un train peut en cacher un autre, l’idéologie sous son aspect fracassant et tambourinant en cache une autre plus insidieuse.

L’idéologie bourgeoise faisant l’éloge de l’activité capitaliste et marchande cache une idéologie plus sournoise, celle de la nature opposée à la culture, faisant l’éloge de la pensée dite objective opposée à l’émotion ou pensée subjective. Elle nous conforte à voir le monde comme apparence, elle nous installe dans le monde de l’apparence perçu comme le seul monde possible ; pour elle, le monde de l’apparence est le monde vrai. C’est une idéologie qui accompagne et encourage la formation d’une cosmovision : le naturalisme. C’est une idéologie qui épouse et accompagne la vie sociale et le mode d’échange sur lequel cette vie sociale repose. C’est ainsi que les philosophes de Milet, cité marchande sur la côte de l’Asie Mineure, vont saisir la réalité comme apparence et chercher à diffuser et à faire reconnaître leur point de vue. Cette propagande pour la physis, la nature ou l’apparence est bien l’expression d’une idéologie, elle n’est pas celle de la « vérité ». Elle est seulement une idéologie que les partisans de tout un monde, en l’occurrence le monde grec des cités-États reposant sur l’esclavage et sur l’activité marchande, s’efforcent de faire entrer dans toutes les têtes. Le naturalisme fut au départ une idéologie partagée par quelques philosophes grecs, une petite poignée, avant de devenir, avec l’envahissement de la société par l’activité marchande, une cosmovision partagée par tous (du moins par la plus grande partie de la société dite occidentale).

L’« Idéologie allemande », opposée à l’idéologie bourgeoise, est l’expression, qui se donne des allures révolutionnaires, de la résistance d’un mode de vie communautaire au sein duquel la relation engagée dite subjective s’oppose à une relation de type marchand dans laquelle tout sentiment et tout engagement éthique sont absents [1]. C’est l’envers de l’idéologie bourgeoise, mais alors que l’idéologie bourgeoise n’ignore pas le soubassement social dont elle est l’expression (l’échange marchand), le marxisme tourne le dos à ce qui constitue encore des brides d’une vie sociale en perdition comme la communauté des mineurs du Nord ou de Montceau-les-Mines si mal décrite par Zola [2], ou encore la communauté des dockers de Liverpool ou de Barcelone ou bien encore celle des ouvriers de l’usine Schneider du Creusot.

En tournant le dos à la réalité sociale qui lui donne vie, le marxisme trahit cette vie et entre dans le jeu de la bourgeoisie, pour faire l’éloge de leur idéologie commune, celle de la science, de la nature et de la pensée dite positive [3]. A ce sujet, les zapatistes, en bons marxistes, paraissent ignorer d’un point de vue théorique (je dis bien d’un point de vue théorique) la vie sociale des communautés indiennes : la communalité. Ils l’ignorent d’un point de vue théorique alors même que l’insurrection zapatiste et le mode d’organisation sur lequel repose tout le mouvement prend racines dans cette réalité [4]. Cet escamotage théorique d’un mode de vie en résistance (au lieu d’en faire clairement un projet de société) marque à la fois les limites des marxistes (et des zapatistes) et leurs accointances cachées, et dont ils ne peuvent se défaire totalement, avec le monde dominant. Cette compromission, qui ne s’avoue pas, imperceptible, involontaire, faite de fascinations et de désirs refoulés et inavouables, rejetée la plupart du temps sous des allures bravaches, pèse pourtant de tout son poids et oriente le mouvement social dans une direction qui n’est pas véritablement la sienne : l’organisation politique [5].

La Commune de Paris, la Commune du Creusot, celle de Montcenis, celle de Marseille, ou encore, plus récemment, la Commune d’Oaxaca, de tous ces paysans arrachés à leur vie communale pour l’horreur de la domestication industrielle ou, plus simplement, pour l’horreur de la domestication ! C’est à la même époque que ma grand-mère a quitté son hameau perdu dans les forêts du Morvan (là où les bucherons plaçaient leur hache à l’envers sur les souches en temps d’orages afin d’égarer le mauvais sort) pour se trouver placée dans une famille bourgeoise à Autun. Ce grand mouvement du devenir marchand du monde entraînant la domestication des femmes et des hommes ! De quoi s’insurger, non ? S’insurger, construire un autre monde, le défendre, se battre. Se battre.

Dans le mouvement insurrectionnel zapatiste, derrière le paliacate ou le passe-montagne, je ne pouvais que deviner le visage de mes grand-mères s’insurgeant contre l’envahissement de leur monde. Ce monde, qu’avaient maintenu avec patience mes grand-mères à la suite d’autres grand-mères, n’était pas un monde du passé, pas seulement, ce qui faisait son passé, ce qui le vieillissait, c’était bien le pouvoir, l’exploitation de l’homme par l’homme, un malheur qui semblait ne pas avoir de fin, non, ce que cherchaient à sauvegarder mes grand-mères c’était l’humain qui avait survécu à tant de malheur, qu’elles avaient avec patience reconstruit et maintenu en vie contre le cours du temps ou le cours des choses, comme un feu que l’on protège de la bourrasque et du mauvais temps. Cette résistance n’est pas du passé, elle n’est pas une lutte pour sauver notre misère humaine, pour sauver du naufrage le temps d’autrefois, pour conserver précieusement notre malheur. Non. Elle est pour maintenir en vie ce que nous avions sauvé du naufrage, ce que nos grand-mères avaient sauvé du naufrage et maintenu en vie face aux désastres d’un temps qui lui était si contraire.

Et le temps passe ; pendant tout ce temps, l’activité marchande s’installe au Mexique et ailleurs, prend de l’importance, imprègne la vie des gens, impose son orientation, ne laisse pas d’alternatives, les communautés sont encerclées, conduites à négocier leur reddition dans des conditions qui leur sont de plus en plus contraires. Ce développement du monde marchand, qui paraît à première vue irrésistible, s’accompagne de la formation et du développement d’une manière d’appréhender le monde ou cosmovision. Le naturalisme est une cosmovision, un mode d’appréhension de la réalité, il n’est pas en soi une idéologie, par contre la propagande pour le naturalisme qui consiste à en faire l’éloge et à l’imposer est bien une idéologie.

C’est à partir du naturalisme, de cette vision du monde ou cosmovision qui perçoit le cosmos comme apparence, que se constitue la science. La science est une pensée pratique. Elle est la pensée pratique qui s’empare de l’apparence, et cette pensée éminemment pratique consiste à asservir l’apparence, à la mettre au service de l’humain, d’une certaine idée de l’humain, elle la met au service des marchands, au service des bourgeois. L’activité pratique de la science consiste à mettre toute la réalité perçue comme apparence au service de l’activité pratique de communication définissant une société. Dans notre civilisation, ce sont les marchands qui ont la pensée de cette activité pratique de communication. La réalité perçue comme apparence (l’esclave n’étant qu’une apparence de l’humain) est asservie à l’humain, ce qui veut dire qu’elle est asservie aux maîtres et à leur culture, à leur pouvoir sur les autres. La boucle est bouclée : l’humain asservi à l’humain n’est plus qu’une apparence. En asservissant la nature, en asservissant l’apparence, c’est bien l’humain que nos savants aux ordres asservissent.

L’idéologie scientifique prend la place de l’idéologie religieuse. La nature ou l’apparence a remplacé la providence, le monde naturel, le monde perçu comme providentiel. Avant l’apparence se trouvaient les dieux, ce que j’appellerai l’idéologie religieuse, le monde était un monde providentiel c’est-à-dire un monde ou s’exerçait la volonté des dieux, un monde entre les mains des divinités — de Zeus, de Poséidon, d’Athéna… ou du dieu le père et de ses saints ou des esprits. Les dieux ont disparu pour ne laisser à leur place que l’esprit du marchand, le point de vue du bourgeois et du marxiste, celui de l’asservissement de l’humain (autant dire du monde, autant dire de la réalité) à l’idée que le bourgeois (ou le marxiste) se fait de l’homme. L’esprit des dieux avait tout de même plus d’allure que celui du marchand ou que celui du bureaucrate [6]. Le monde n’était pas alors naturel, il était providentiel. Pour Hegel, et plus généralement pour les philosophes chrétiens, le monde n’était pas perçu comme naturel, il était vu comme un monde providentiel. C’est exactement l’écart qui sépare Hegel de Marx et qui marque la différence entre l’idéalisme hégélien et le matérialisme marxiste. En fait le matérialisme comme le naturalisme ne se sont imposés comme une évidence que récemment, marquant ainsi la victoire définitive de la pensée positive (dite encore scientifique ou objective) sur la subjectivité, ne serait-ce que celle d’un dieu, encore bien trop humaine. C’est la pensée dite objective du marchand, dans le sens où le marchand ne s’implique pas comme sujet dans l’échange. Cette pensée dite positive, ne s’impliquant pas dans un rapport social, prend le pas sur la pensée subjective, de celui qui s’impliquerait en tant que sujet dans un échange avec un autre sujet — ce qui distingue l’échange marchand de l’échange cérémoniel.

Je remarque que la pensée scientifique, dite encore pensée objective ou pensée positive, qui est celle ne l’asservissement ne peut s’exercer que sur des non-sujets (des objets) ; les sujets, eux, se rebellent. La religion peut bien contraindre les gens à se soumettre à une pensée supérieure (la pensée de la classe dominante), mais elle ne les contraint qu’imparfaitement, le subjectif n’est pas entièrement effacé, il y a encore du spirituel dans l’air, des relents de subjectivité qui rendent la société instable, difficilement contrôlable. Cette réduction de la réalité à l’objet (et il n’y a de réalité qu’humaine) marque l’emprise du marchand sur la société et plus généralement sur ceux ou celles qui la constituent.

Quand toute la vie sociale repose sur le don et le don en retour, sur un échange entre sujets et cela sur tous les plans, de l’échange domestique ou privé à l’échange cérémoniel en passant par l’échange fondé sur la coutume, le monde est alors perçu comme entièrement spirituel c’est-à-dire comme entièrement humain (où n’existe pas de séparation entre humain et non-humain, entre culture et nature). Notre environnement, notre cosmos ou encore notre réalité, ne peut être qu’une construction de l’esprit, en l’occurrence de l’esprit des hommes. La réalité se présente toujours comme une réalité révélée, il ne peut en être autrement. Pour nous, la réalité est toujours humaine, elle est toujours une cosmovision. La réalité des hommes n’est pas la réalité des fourmis, nous ne vivons pas dans le même monde. Le monde des objets, ou monde de l’apparence, est un monde humain, le monde des esprits est un monde humain. Notre vision du monde peut bien changer ; notre conception de la réalité peut bien changer, mais elle ne change qu’en fonction de ce que nous sommes, de ce qui constitue notre réalité, c’est-à-dire de notre vie sociale. Notre cosmovision n’est qu’un indicateur de ce que nous sommes, ou de ce que nous sommes devenus. Nous sommes juges et parties. Nous avons déjà eu l’occasion de remarquer que l’objectivité mise en avant par le marchand est seulement une pseudo-objectivité : la volonté de ne pas s’engager comme sujet dans un échange entre sujets afin de le contrôler au mieux. Le marchand s’émancipe de l’univers des sujets pour mieux garder la maîtrise des échanges, il se libère du monde des humains pour devenir un deus ex machina, un dieu manipulateur — un dieu manipulateur de l’humain.

Appréhender notre environnement comme naturel, se trouver entouré de matière n’est pas une simple vue de l’esprit qui ne mangerait pas de pain. Concevoir le monde comme naturel, c’est le concevoir comme soumis. La matière est passive, elle n’a pas de volonté propre. Un monde naturel est un monde entièrement et passivement soumis à la volonté de l’homme pensant. C’est bien cette totale soumission qui se cache derrière la notion de nature : toute la nature, tout l’environnement, toute la matière de l’humain mis à la disposition des marchands. Opposer la nature à la culture, c’est opposer l’univers de la soumission à l’univers humain de la pensée et de la volonté. La cosmovision est un état d’esprit, elle est un état d’esprit partagé par tous les membres d’une même société (ou par la classe qui domine la société). Cette cosmovision ou cet état d’esprit sont le résultat d’un mode de vie. Le naturalisme n’est pas une vue de l’esprit dégagée de toute arrière-pensée, il est un état d’esprit, ce qui est bien autre chose. Le naturalisme signifie pour l’homme de notre temps que toute la réalité lui est soumise, est soumise à sa volonté, à sa pensée. Et toute cette réalité est seulement la réalité de l’être, la réalité du sujet, elle est surtout la réalité sociale : toute la société soumise à la volonté du marchand. Qui voit de la nature ou de la matière partout ne voit que de la soumission tout autour de lui. Ce que l’on nomme la nature est asservi à l’humain. Le non-humain est asservi à l’humain, l’esclave, cette apparence d’homme, est asservi au maître.

Cette cosmovision, dite objective, s’impose avec force au point de se faire évidente ; elle n’est pourtant pas partagée par tous : quelques « superstitions », quelques cosmovisions anciennes, mal étouffées, traînent encore de-ci, de-là dans la société. Cette survivance d’une pensée magique en déroute n’inquiète pas outre mesure la pensée dominante qui accompagne l’activité marchande. Pourtant certains signes, l’intérêt que cette pensée éveille dans les milieux dits scientifiques qui lui sont opposés par principe, l’intuition de son amplitude qui reste encore largement inexplorée, montrent qu’elle n’est pas entièrement éteinte et qu’elle pourrait bien, comme on dit, renaître de ses cendres [7]. Pour la pensée magique, la réalité est spirituelle. Concevoir la réalité comme spirituelle signifie la concevoir comme pensée et donc, comme espace où s’exerce une volonté ; contrairement à la nature, la réalité magique n’est pas une réalité soumise, elle agit et réagit. Serait-elle spirituelle ?

La pensée magique me plaît, voilà donc la femme et l’homme plongés dans un monde entièrement spirituel, voilà l’individu entouré de pensées, des pensées aimables et alliées, des pensées hostiles ; l’individu aux prises avec des pensées, l’homme aux prises avec ses pensées, avec des esprits, des esprits qui lui veulent du bien, des esprits qui lui veulent du mal, avec les esprits des morts et les esprits des vivants. Nous dormions d’un sommeil profond et voilà que les esprits nous tirent par les pieds ! Ce monde entièrement peuplé de pensées n’est plus celui d’une séparation, un monde entièrement spirituel est un monde entièrement humain. Nous ne sommes plus dans le monde de l’idéologie, que cette idéologie soit religieuse ou scientifique, nous sommes pleinement humains. Finalement la cosmovision, que ce soit celle d’un monde naturel, que ce soit celle d’un monde providentiel, est une idéologie qui a atteint son but : accepter le monde et faire en sorte que le monde de la séparation soit à tel point évident qu’il en devienne incritiquable. Par contre la cosmovision magique est la vision d’un univers, d’un cosmos, où il n’y a pas encore de séparation.

L’idéologie religieuse comme l’idéologie scientifique nourrissent une idéologie plus directe de propagande envers ceux qui détiennent le pouvoir. Je dirai que l’idéologie pour une forme de pensée (idéologie pour la pensée sous sa forme religieuse ou idéologie de la pensée sous sa forme objective ou scientifique, définie comme non religieuse) conforte l’idéologie pour une forme d’organisation sociale reposant sur une séparation à l’intérieur de la société entre ceux qui se sont approprié la pensée et la société proprement dite. Nous avons vu que l’idéologie pour la pensée objective soutient une organisation de la société reposant sur la domination des marchands et sur leur désir d’objectivité, qui consiste surtout à s’interdire d’agir sous l’emprise des sentiments en s’impliquant comme sujets dans l’échange (notes anthropologiques précédentes), et qui consiste aussi, d’un autre côté, à considérer la réalité (l’humain, la vie sociale) comme objet, comme matière malléable et corvéable à merci.

Je dirai que l’idéologie pour une pensée dite objective ou scientifique conforte, appuie, soutient l’idéologie bourgeoise du libre-échange et s’oppose aux relents de providence qui ont pu surnager dans l’État moderne. Le mode d’appréhension de la réalité dit naturaliste ne s’oppose pas à l’idéologie bourgeoise, bien au contraire, cette cosmovision, née de l’activité marchande, appuie, soutient, accompagne et confirme l’idéologie bourgeoise. Naturalisme, pensée objective et échange marchand forment un tout et définissent une manière d’être, faite d’une cosmovision (le naturalisme), d’une pensée (celle de l’asservissement) et d’une pratique (l’activité marchande), propre à notre dite civilisation. J’ajouterai que le naturalisme ou pensée scientifique est la pensée religieuse poussée à ses extrémités.

En général nous séparons la propagande pour la pensée scientifique (pour une pensée qui se veut non religieuse) de celle qui consiste à faire l’éloge de l’activité marchande sans toujours nous rendre compte de la confusion d’esprit dans laquelle nous sommes plongés : le naturalisme, l’éloge de la pensée objective et l’encensement de la pratique marchande sont les trois aspects d’une même idéologie. Trop souvent ceux qui se présentent comme une avant-garde contestataire de la société de leur temps en sont, sans le savoir, les plus sûrs soutiens et les plus fidèles propagandistes. Au nom de la pensée positive et du naturalisme, nous faisons la critique de la religion, de l’État religieux et de la pensée religieuse sans saisir que nous entrons ainsi, sans toujours le savoir ni le vouloir, dans le jeu et le devenir d’un monde : le devenir glorieux du monde marchand, critiquant le monde ancien qui limitait et brimait son épanouissement. Il ne s’agit pas de renoncer à la critique, à la critique de la pensée religieuse comme à celle de la pensée scientifique, qui n’est, somme toute, que la forme extrême ou accomplie de la pensée religieuse. Il s’agit avant tout pour la critique de construire ses propres fondements à partir d’un refus, celui de se soumettre à la pensée d’autrui. Ce retour sur soi consiste sans aucun doute à prendre au mot le monde lui-même (qui ne parle que de communication et d’échanges), comme l’ont fait en leur temps les femmes et les hommes du libre esprit.

Marseille, seconde quinzaine
de mars de l’année 2020
Georges Lapierre

Notes

[1Ils peuvent bien exister, mais seulement en tant que moyens pour atteindre une fin.

[2Dans Germinal, Émile Zola insiste sur la misère « matérielle » dans laquelle sont jetés les mineurs, opposée à l’opulence des riches, il dit peu sur leur richesse humaine, bien qu’il la laisse parfois entrevoir, à l’occasion d’une fête, par exemple.

[3Je ne reviendrai pas sur Marx faisant tardivement l’éloge du mir et de la communauté villageoise et cosaque. Marx est un grand théoricien dans la mesure où il a développé toute une réflexion approfondie sur son époque ; cette intelligence remarquable de son temps, qui est en grande partie encore le nôtre, a pu être utilisée par Marx et les marxistes à des fins politiques (plutôt que sociales), cela n’enlève rien à l’intérêt que l’on peut porter à sa réflexion.

[4Comme le mouvement ouvrier, d’obédience marxiste, pouvait prendre racine dans un mode de vie qui n’avait pas totalement disparu. Il m’arrive de me demander si cette mise de côté du concept de communalité par les zapatistes n’a pas permis sa récupération (« éhontée » ?) par l’« académie » et l’université, toutefois, nous pouvons aussi y déceler l’intérêt des intellectuels pour les zapatistes sans souci de récupération.

[5Face à l’échec indéniable de la dernière tentative zapatiste de s’insérer dans la vie politique du Mexique, on peut toujours espérer un changement d’orientation de leur part : les zapatistes ne seraient plus porteurs d’un projet politique mais bien d’un projet social, d’une idée de société un peu utopique ; une idée de société en déroute, à construire ou à reconstruire.

[6Un curé, même débauché, avait, je dois en convenir, plus d’allure qu’un bureaucrate ; un noble, même de la pire espèce, avait plus d’allure qu’un bourgeois assis sur son or et son ego comme sur un trône.

[7Se reporter aux deux premières « Notes anthropologiques » (I et II), par exemple.

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